Communiqué de presse

République dominicaine. L’homicide dont a été victime un migrant haïtien lors de son expulsion doit inciter le gouvernement à respecter enfin ses obligations internationales

Les autorités dominicaines doivent garantir le respect des droits humains des travailleurs migrants, a déclaré Amnesty International vendredi 31 mai 2013 en réaction à l’homicide dont a été victime un migrant haïtien lors d’une opération d’expulsions arbitraires.

Jean Robert Lores est mort des suites des coups que lui ont infligés des agents des services d’immigration et de la police nationale au cours d’une opération d’expulsions le 14 mai dernier, dans le quartier d’El Tanque, dans la ville de Juan Dolio, à 50 km environ de Saint-Domingue, la capitale du pays.

D’après le frère de la victime présent au moment des faits, à quatre heures du matin, des agents de l’immigration, accompagnés de policiers, ont commencé à rassembler des migrants et ont fait irruption au domicile de Jean Robert Lores. Les agents l’auraient empêché de présenter ses papiers, frappé à plusieurs reprises avec la crosse de leurs armes puis, une fois à terre, roué de coups de pied. Le frère de Jean Robert Lores a demandé aux agents l’autorisation de le conduire à l’hôpital, mais ils ont refusé.

D’après les témoignages d’autres personnes arrêtées au cours de l’opération, ce n’est qu’après des demandes répétées que Jean Robert Lores a été conduit à l’hôpital, où il est décédé neuf jours plus tard, le 23 mai, d’un arrêt cardio-respiratoire consécutif à ses blessures. Jean Robert Lores, âgé de 31 ans, possédait apparemment un permis de travail et exerçait la profession de charpentier.

Amnesty International demande aux autorités dominicaines de diligenter rapidement une enquête indépendante, impartiale et exhaustive sur la mort de Jean Robert Lores.

« Il faut que les responsables présumés soient déférés à la justice pour que de tels événements ne se reproduisent plus », a déclaré Javier Zúñiga Mejía Borja, conseiller spécial auprès d’Amnesty International.

Les organisations non gouvernementales dominicaines qui défendent les droits des migrants ne cessent de dénoncer les expulsions collectives de ressortissants haïtiens, car elles bafouent les normes internationales en matière de droits humains et empêchent les personnes expulsées d’exercer leur droit de recours.

« La mort de Jean Robert Lores est symptomatique des atteintes aux droits humains subies par les migrants haïtiens en République dominicaine. Les actes de discrimination, les violences verbales et physiques de la part d’agents de l’immigration et d’autres forces de sécurité, ou encore le non-respect des procédures d’expulsion ne sont que quelques-uns des problèmes que rencontrent les travailleurs migrants », a ajouté Javier Zúñiga Mejía Borja.

« C’est une triste coïncidence et un mauvais présage qu’une personne sans défense ait été maltraitée et tuée au moment où le nouveau projet de loi organique relative à la police, visant à améliorer le respect des droits humains par la police nationale, est examiné par le Congrès national. »

Un certain nombre d’organes des Nations unies ont maintes fois exprimé leurs préoccupations quant aux plaintes récurrentes faisant état d’expulsions massives de personnes d’origine haïtienne effectués de façon arbitraire et sans discrimination. Plus récemment, en mars 2013, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale a déploré le manque de progrès des autorités dominicaines « face à la discrimination raciale, à la xénophobie et aux autres formes d’intolérance qui touchent particulièrement la population dominicaine ou haïtienne d’ascendance noire africaine, et les migrants haïtiens en situation irrégulière. » Le Comité a recommandé une nouvelle fois à la République dominicaine de veiller à ce que les lois sur le refoulement ne causent pas entre les non-ressortissants une discrimination fondée sur la couleur de la peau ou l’origine ethnique ou nationale, et de mettre un terme aux refoulements massifs de non-ressortissants conduits dans le mépris de la légalité.

Les expulsions collectives vont à l’encontre du Protocole d’accord sur les mécanismes de rapatriement conclu entre les gouvernements dominicain et haïtien en décembre 1999. En signant cet accord, la République dominicaine s’était engagée à améliorer ses procédures de renvoi mais aussi, entre autres engagements spécifiques, à ne pas procéder à des expulsions pendant la nuit et à permettre aux personnes expulsées d’emporter leurs effets personnels et de conserver leurs documents d’identité.

En octobre 2012, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a condamné la République dominicaine pour la mort de sept migrants haïtiens aux mains de soldats dominicains, alors qu’ils circulaient à bord d’un camion à Monte Cristi en juin 2000. La Cour a conclu qu’en raison d’un recours à la force « illégal, inutile et disproportionné », l’État dominicain s’était rendu coupable d’une violation du droit à la vie, et a appelé le pays à rouvrir l’enquête sur cette affaire. Dans sa décision, la Cour a rappelé que l’État était tenu d’adopter « toutes les mesures législatives, administratives et autres pour garantir les droits des migrants ».

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