Communiqué de presse

Soudan du Sud. L’Union africaine doit publier le rapport de la Commission d’enquête et garantir l’obligation de rendre des comptes

L’Union africaine (UA) doit publier immédiatement le rapport de la Commission d’enquête sur le Soudan du Sud, ont déclaré Amnesty International, l’Organisation d’autonomisation de la population en faveur du progrès (CEPO), la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et l’Association des juristes du Soudan du Sud.

L’appel lancé conjointement par ces organisations à l’approche du sommet de l’UA fait écho aux craintes que le retard actuel dans la publication du rapport n’ait une incidence sur la nécessité d’amener de toute urgence les responsables présumés de crimes perpétrés au Soudan du Sud à rendre des comptes.

« Trois mois après que la Commission d’enquête a remis son rapport à l’UA, ses constatations et ses recommandations n’ont pas encore été exposées au grand jour, a déclaré Edmund Yakani, directeur de la CEPO. Pendant ce temps, le conflit au Soudan du Sud, toujours aussi intense, a des conséquences terribles sur la population civile. »

Au cours de l’année écoulée, toutes les parties au conflit ont commis des infractions au regard du droit international qui s’apparentent à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité : agressions contre des civils, souvent en raison de leur origine ethnique ou de leur tendance politique, réelle ou supposée ; violences sexuelles ; destructions et pillages de grande ampleur visant des biens civils.

La Commission d’enquête a achevé ses investigations en août 2014 et a remis son rapport final au président de la Commission de l’UA en octobre. Pour l’instant, ce document n’a pas été rendu public.

Le Conseil de paix et de sécurité de l’UA examinera la situation du Soudan du Sud et le rapport de la Commission d’enquête le 29 janvier.

Les organisations citées ont aussi appelé l’UA à insister sur le fait que les responsables présumés de violations du droit relatif aux droits humains et du droit humanitaire commises au Soudan du Sud devaient être amenés à rendre des comptes. La publication du rapport, ainsi qu’un engagement régional visant à garantir l’obligation de rendre des comptes, pourrait fortement contribuer à prévenir de nouveaux crimes et à mettre fin au conflit.

« Les crimes au regard du droit international et les atteintes aux droits humains commis au Soudan du Sud ne doivent plus demeurer impunis, a déclaré Netsanet Belay, directeur d’Amnesty International pour l’Afrique, chargé de la recherche et des activités de plaidoyer. Non seulement la justice est un droit pour les victimes, mais l’obligation de rendre des comptes peut aussi jouer un rôle véritablement dissuasif auprès des personnes qui pensent qu’elles peuvent tuer, violer et piller sans en subir les conséquences. »

Outre la mise en place de mécanismes consacrés à la recherche de la vérité et aux réparations, les organisations citées estiment que l’UA devrait envisager de créer une juridiction mixte qui permettrait à des enquêteurs et des juges sud-soudanais et étrangers formés spécialement de poursuivre les investigations menées par la Commission d’enquête et de traduire en justice les responsables présumés de crimes au regard du droit international.

« Compte tenu de la faiblesse générale dont souffre l’administration de la justice au Soudan du Sud, des enquêtes et des poursuites crédibles et indépendantes ne pourront se dérouler sans un solide engagement international », a déclaré Drissa Traoré, vice-président de la FIDH. Dans le même temps, le Soudan du Sud doit s’efforcer de consolider son système judiciaire.

Complément d’information

La Commission d’enquête, composée de cinq membres et présidée par l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, a été créée par l’UA en mars 2014 afin de mener des investigations sur les atteintes aux droits humains perpétrées par les parties au conflit sud-soudanais et de formuler des recommandations en matière d’obligation de rendre des comptes, de réconciliation et de guérison au sein de la population.

Au Soudan du Sud, les responsables présumés de crimes commis dans le contexte du conflit n’ont pas été amenés à rendre des comptes. Les pouvoirs publics ont annoncé avoir créé une commission d’enquête présidentielle constituée de huit membres et chargée d’évaluer les atteintes aux droits humains imputables aux forces gouvernementales et d’opposition. L’existence de cet organe est censée démontrer les progrès accomplis en matière de redevabilité.

La commission a remis son rapport au président au cours de la première semaine de décembre 2014 mais ce document n’a pas été rendu public et n’a pas encore donné lieu à une information judiciaire ni à des poursuites. La décision de publier ce document appartient uniquement au président Salva Kiir.

La Mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS) a publié plusieurs rapports présentant en détail des éléments qui prouvent les violations du droit relatif aux droits humains et du droit humanitaire commises par les parties. Elle a recommandé de compléter les processus nationaux par une aide internationale, qui passerait par la création d’une juridiction spéciale ou mixte dans laquelle la communauté internationale jouerait un rôle ; elle a également recommandé d’envisager la mise en place d’une aide internationale visant à garantir le sérieux et l’indépendance des enquêtes.

En août 2014, le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (CAEDBE) a mené une mission au Soudan du Sud, au cours de laquelle il a recueilli des éléments attestant le recrutement d’enfants par les forces armées ; des enlèvements d’enfants ; des viols de filles et de garçons ; des homicides d’enfants.

En septembre 2014, le président de la Commission d’enquête, Olusegun Obasanjo, s’est adressé au Conseil des droits de l’homme des Nations unies en ces termes : « Les violations [des droits humains] se déroulent à tous les niveaux, aucun dirigeant sud-soudanais ne peut se prétendre innocent... Chaque groupe avec lequel nous nous entretenons explique que l’obligation de rendre des comptes doit être une réalité, qu’aucune réconciliation durable ne peut avoir lieu tant que la justice semble ne pas être rendue. »

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