Togo : silence radio

AMNESTY INTERNATIONAL
DÉCLARATION PUBLIQUE

Index AI : AFR 57/003/2005 (Document Public)
Nr du Service de Presse : 033
Jeudi 10 février 2005
Texte rédigé en français par le Secrétariat international

L’annonce du décès du Président Gnassingbé Eyadéma, au pouvoir depuis 1967, a déclenché une nouvelle vague d’intimidation des médias indépendants et des partis d’opposition afin de museler toutes voix dissidentes dans cette période de transition du pouvoir. Deux jours après l’annonce de la mort de l’ancien chef de l’État, le gouvernement togolais a interdit toute manifestation de rue durant deux mois, justifiant cette mesure par le « deuil national » décrété pour cette même période.

« Étant donné la répression systématique de toute expression d’opposition lorsque le maintien du pouvoir en place est en jeu, il est à craindre que le respect de la période de deuil national ne serve de prétexte pour interdire toute expression d’une opinion politique dissidente », affirme aujourd’hui Amnesty International.

Interventions du Président de la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) exigeant la non-rediffusion d’une émission programmée par Kanal FM, irruption de deux gendarmes, le mardi 8 février 2005, dans les locaux de Radio Nostalgie, saisie du matériel de diffusion de Radio Lumière, toutes les méthodes d’intimidation ont été utilisées par les autorités togolaises pour imposer un « Silence radio » aux médias indépendants.

« Les autorités togolaises continuent, comme par le passé, à faire pression sur les médias indépendants en dépit de leur engagement pris en avril 2004 dans le cadre des négociations avec l’Union européenne de respecter la liberté d’expression », précise aujourd’hui Amnesty International.

L’évocation par certains médias privés d’un appel lancé le 7 février 2005 par six partis demandant aux Togolais d’observer deux journées mortes dans le pays « pour exprimer leur refus du coup d’État militaire » semble avoir été l’une des causes de cette nouvelle tentative de museler les médias indépendants du pouvoir.

Les autorités togolaises ont également cherché à empêcher la tenue de certains débats touchant à la situation actuelle du Togo. C’est ainsi que le 8 février 2005, le président de la HAAC est intervenu auprès de la direction de la station Kanal FM afin d’exiger l’interruption immédiate d’une table ronde qui était diffusée à l’antenne.

À la suite de ces intimations, plusieurs radios privées ont choisi de ne diffuser que de la musique. D’autres se sont abstenues de commenter l’actualité en se contentant de diffuser les informations d’ordre général et en évitant tout débat susceptibles de provoquer de nouvelles réactions des autorités.

Malgré cette prudence forcée, les autorités togolaises ont continué à avoir recours à la force pour museler les médias. Le jeudi 10 février 2005, des gendarmes ont saisi tout le matériel de diffusion de la radio privée, Radio Lumière, qui se trouve à Aneho, à 50 km à l’est de la capitale, Lomé. La radio avait diffusait une déclaration d’un opposant au pouvoir le matin même.

Par ailleurs, tous les responsables des radios privées de Lomé ont été convoqués par le président de la HAAC le jeudi matin 10 février 2005, en présence du chargé de la communication des Forces armées togolaises (FAT). Ce dernier a, au cours de cette rencontre, pointé du doigt certaines radios privées en proférant des menaces non voilées. Ce militaire a notamment précisé : « Nous avons ciblé certaines stations que je vais nommer, Nana FM, Radio Nostalgie, Kanal FM et Radio Maria... Nous voulons porter à leur connaissance que nous avons les moyens de mettre fin à cela. Il appartient à tout un chacun de prendre ses responsabilités. »

Les autorités togolaises s’en sont également prises à certains médias internationaux. Les deux émetteurs de Radio France International (RFI) ont cessé durant quelques jours d’émettre en FM, officiellement à la suite d’une panne technique le mardi 8 février 2005. Le même jour, l’envoyé spécial de cette radio s’est vu refuser son visa d’entrée à la frontière béninoise alors que d’autres journalistes étrangers avaient pu entrer au Togo. RFI a également été la cible d’attaques de la part de M. Pitang Tchalla, le ministre de la Communication qui a publiquement accusé RFI, le 7 février 2005, de s’être « lancée dans une campagne de désinformation et de déstabilisation ».

« Rien ne peut justifier cette nouvelle mise au pas des médias et nous craignons que cette répression ne débouche sur des arrestations et des formes plus graves d’atteintes à la liberté d’expression », précise aujourd’hui Amnesty International. « Nous demandons que les autorités togolaises mettent fin à ces intimidations et respectent leurs obligations énoncées par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et les traités internationaux que le Togo a ratifié. »

CONTEXTE

À la suite du décès du Président Gnassingbé Eyadéma, les forces armées togolaises ont annoncé le 5 février 2005 que Faure Gnassingbé, fils du chef de l’État défunt était nommé président de la République togolaise. Le lendemain, le Président de l’Assemblée nationale qui aux termes de la Constitution devait assurer l’intérim avant la tenue d’une élection présidentielle dans un délai de deux mois a été destitué et remplacé par Faure Gnassingbé. Dans le même temps, la Constitution a été modifiée afin de permettre au nouveau président de rester au pouvoir jusqu’à la fin du mandat de son père en 2008. Dans son premier discours à la nation prononcé le 9 février 2005, Faure Gnassingbé, a souhaité « l’organisation le plus tôt possible d’élections libres et transparentes qui reflètent la volonté du peuple... » sans préciser s’il faisait allusion aux élections législatives prévues pour cette année ou à un scrutin présidentiel.

La communauté internationale a unanimement condamné cette passation de pouvoir, qualifiée par l’Union africaine de « coup d’État militaire ». Le Conseil Permanent de la Francophonie, réuni en session extraordinaire le 9 février 2005, a condamné « avec la plus grande fermeté le coup d’État perpétré par les forces armées togolaises et les violations caractérisées et répétées de toutes les dispositions constitutionnelles en vigueur » et a prononcé « la suspension de la participation des représentants du Togo aux Instances de l’Organisation Internationale de la Francophonie et la suspension de la coopération multilatérale francophone ».

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