Un homme libéré après une longue détention secrète

Communiqué de presse conjoint

2 mars 2017

Deux autres personnes détenues au secret doivent être libérées ou inculpées

La libération cette semaine d’un homme détenu au secret pendant plus de six mois après son enlèvement présumé par les forces de sécurité est certes un pas en avant, mais les autorités bangladaises doivent révéler immédiatement ce qu’il est advenu de deux autres hommes détenus au secret, ont déclaré jeudi 2 mars Amnesty International et Human Rights Watch.

Humam Quader Chowdhury, qui avait été emmené par des hommes en civil le 4 août 2016, a été libéré le 2 mars 2017 près de son domicile familial à Dacca. Deux autres hommes – Mir Ahmad Bin Quasem et Abdullahil Amaan Azmi – ont également été emmenés en août 2016 lors de deux épisodes distincts. On est sans nouvelles d’eux depuis lors. Il faut que ces hommes soient inculpés ou libérés sans délai.

Ces trois hommes sont tous des fils de personnalités de l’opposition qui ont été jugées et reconnues coupables par le Tribunal pour les crimes internationaux mis en place pour poursuivre les auteurs de crimes de guerre commis au Bangladesh durant la guerre d’indépendance de 1971. Ils n’ont pas pu voir d’avocat ni les membres de leur famille.

« La libération de Humam Quader Chowdhury est une avancée positive, mais il n’aurait en premier lieu jamais dû être détenu au secret, » a déclaré Brad Adams, responsable de la région Asie à Human Rights Watch. Les autorités bangladaises doivent maintenant dire la vérité sur ce qui est arrivé à Mir Ahmad Bin Quasem et Abdullahil Amaan Azmi, et donner des réponses à leurs familles. Ils ont été appréhendés devant des proches et d’autres témoins et il serait difficile de nier l’implication des forces de sécurité dans leurs disparitions forcées. »

La communauté internationale a fait pression sur les autorités bangladaises au sujet de plusieurs affaires, dont celles-ci. La semaine dernière, le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires a demandé au gouvernement de révéler le lieu où se trouvent les trois hommes et toutes les autres victimes de disparition forcée dans le pays. La déclaration du groupe de travail, qui mentionne les inquiétudes au sujet d’une augmentation des disparitions forcées ces dernières années, a été soutenue par plusieurs autres experts de l’ONU.

Human Rights Watch et Amnesty International expriment depuis plusieurs mois leur préoccupation quant à ces disparitions.

Les autorités ont nié maintenir ces hommes en détention, malgré le fait que leurs proches citent plusieurs sources sûres confirmant que ces hommes sont détenus par différentes branches des forces de sécurité depuis leur enlèvement, notamment le Bataillon d’action rapide et la Direction générale des services de renseignement, un service de renseignement militaire.

Les disparitions forcées ciblent en particulier les sympathisants des partis de l’opposition et sont systématiquement le fait des forces de sécurité bangladaises. Odhikar, groupe de défense des droits humains bangladais, a dénoncé l’arrestation, par les forces de sécurité, en 2016 d’au moins 90 personnes, dont on n’a eu aucune nouvelle depuis. Les disparitions forcées sont définies par le droit international comme l’arrestation ou la détention d’une personne par des représentants de l’État ou leurs agents, suivie par un refus de reconnaître la privation de liberté ou de révéler ce qu’il est advenu de cette personne.

Amnesty International et Human Rights Watch ont toutes deux souligné que les forces de sécurité bangladaises avaient un passé marqué par de nombreuses violences en détention, notamment des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements.

« Les disparitions forcées sont devenues un fléau au Bangladesh. Pendant bien trop longtemps, beaucoup trop de familles ont vécu avec la douleur de ne pas savoir où étaient leurs proches, » a déclaré Biraj Patnaik, directeur pour l’Asie du Sud à Amnesty International. Les autorités bangladaises doivent immédiatement mettre fin à cette pratique criminelle. Elles devraient traduire en justice les personnes soupçonnées d’avoir une responsabilité pénale et les juger dans le cadre d’un procès équitable où la peine de mort ne sera pas requise. »

Complément d’information

Humam Quader Chowdhury
Humam Quader Chowdhury, 33 ans, est le fils de Salahuddin Quader Chowdhury, un dirigeant du Parti nationaliste du Bangladesh – un parti d’opposition – qui a été exécuté en novembre 2015 après avoir été reconnu coupable de crimes de guerre. Humam Chowdhury est également une figure importante du Parti nationaliste du Bangladesh. Le 4 août 2016, il a été tiré hors de sa voiture alors qu’il se rendait dans un palais de justice avec sa mère pour assister à une audience. Sa mère a déclaré que plusieurs hommes en civil avaient forcé Humam Chowdhury à monter dans un autre véhicule. Ils étaient entourés d’autres hommes armés en uniforme.

Ses proches avaient déjà raconté que des membres des forces de sécurité avaient harcelé et menacé le personnel de sécurité du domicile familial à plusieurs reprises. Des membres du personnel ont fini par démissionner parce qu’ils avaient peur. Plusieurs membres de la famille ont dû se cacher à cause des menaces et intimidations répétées. Ces sept dernières années, Humam Chowdhury n’a pas été autorisé à quitter le Bangladesh et a été refoulé sans aucune explication à l’aéroport à chaque fois qu’il a essayé de partir.

Jusqu’au 2 mars 2017, sa famille n’avait reçu aucune indication sur le lieu où il se trouvait.

Immédiatement après son enlèvement, sa mère a tenté de déposer une main courante, premier stade pour signaler une infraction auprès de la police, mais les policiers lui ont dit qu’ils auraient besoin de la permission « d’en haut » pour l’accepter. Une source diplomatique bien placée a dit à la famille que le gouvernement avait confirmé qu’il détenait Humam Chowdhury et que celui-ci n’avait pas été blessé. Une autre source leur a dit qu’il était détenu par la section d’enquête de la section antiterrorisme.

Mir Ahmad Bin Quasem
Mir Ahmad Bin, 32 ans, est le fils de Mir Quasem Ali, un dirigeant du parti d’opposition Jamaat-e-Islami. Quasem Ali avait été reconnu coupable de crimes de guerre en novembre 2014 et risquait l’exécution quand Bin Quasem a été enlevé.

Bin Quasem, avocat à la Cour suprême, avait également été l’avocat de son père. Il a été enlevé à son domicile vers minuit le 9 août 2016 par plusieurs hommes en civil. Ils lui ont dit qu’ils étaient des membres du gouvernement mais ne se sont pas identifiés comme faisant partie d’une branche spécifique des forces de sécurité. Sa femme et son cousin étaient là. Bin Quasem a déclaré aux forces de sécurité qu’en tant qu’avocat, il connaissait ses droits et a demandé à voir un mandat d’arrêt. Les hommes lui ont dit qu’ils n’avaient pas besoin de mandat d’arrêt et l’ont emmené de force, ne le laissant même pas mettre de chaussures.

Mir Quasem Ali a été pendu en septembre. Le gouvernement a refusé les demandes de la famille pour permettre à Bin Quasem de voir son père avant l’exécution ou d’assister à son enterrement.

Dans les semaines qui ont précédé son enlèvement, Bin Quasem avait dit à Human Rights Watch qu’il s’inquiétait pour sa sécurité. Il avait renoncé à quitter le pays parce qu’il voulait soutenir sa famille au cours de la période précédant l’exécution de son père. Ses proches ont par la suite été informés qu’il avait d’abord été détenu avec Humam Chowdhury au siège du Bataillon d’action rapide et qu’il avait ensuite été emmené au siège de la section d’enquête, mais ils n’ont pas pu le confirmer. La femme de Bin Quasem a déposé une main courante. Comme pour la famille de Humam Chowdhury, une source diplomatique a confirmé que le gouvernement avait reconnu détenir Bin Quasem mais n’a pas pu donner plus d’informations.

Abdullahil Amaan Azmi
Abdullahil Amaan Azmi, 57 ans, général de brigade aérienne de l’armée à la retraite, est le fils de Ghulam Azam, un dirigeant du parti Jamaat-e-Islami qui a été reconnu coupable de crimes de guerre et condamné à mort en 2013. Étant donné qu’il était âgé de 90 ans, le tribunal avait décidé de condamner Ghulam Azam à la réclusion à perpétuité plutôt qu’à la peine de mort. Il est mort en prison d’une crise cardiaque en octobre 2014.

Amaan Azmi a été enlevé le soir du 22 août 2016. Environ 30 hommes en civil ont pénétré dans son immeuble et ont dit au personnel qu’ils faisaient partie de la section d’enquête. Ils ont agressé le concierge, le laissant inconscient, avant de se rendre d’appartement en appartement jusqu’à ce qu’ils aient trouvé Amaan Azmi. Sa femme, sa mère et plusieurs membres du personnel qui se trouvaient là ont confirmé que les hommes avaient dit qu’ils faisaient partie de la section d’enquête et qu’ils avaient ordonné à Amaan Azmi de venir avec eux.

Celui-ci a demandé à voir un mandat d’arrêt. Ils lui ont dit qu’ils n’en avaient pas, l’ont attrapé et lui ont bandé les yeux. Il a demandé de pouvoir emporter des vêtements mais ils ont refusé. Ils l’ont emmené dans une voiture banalisée et sa famille n’a eu aucune nouvelle de lui depuis lors.

Tout comme Humam Chowdhury et Bin Quasem, Amaan Azmi s’inquiétait de sa sécurité dans les mois précédant son enlèvement. Des policiers, à la fois en uniforme et en civil, étaient régulièrement garés devant son immeuble et se rendaient de temps en temps dans son appartement pour poser des questions sur lui et demander où il se trouvait. Immédiatement après qu’il a été emmené, la mère d’Amaan Azmi s’est rendue au poste de police le plus proche pour porter plainte. Les policiers ont pris sa déposition mais lui ont dit qu’ils ne l’enregistreraient pas officiellement. Sa famille a entendu des rumeurs selon lesquelles Amaan Azmi est détenu à la Direction générale des forces de renseignement.

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