Un militant pacifique harcelé par la justice

Les autorités doivent abandonner toutes les charges retenues contre le défenseur des droits humains palestinien Issa Amro, qui risque d’être emprisonné en raison de ses activités militantes pacifiques et internationalement reconnues contre les colonies israéliennes illégales dans la ville d’Hébron, a déclaré Amnesty International le 22 novembre.

Le procès d’Issa Amro doit s’ouvrir le 23 novembre devant le tribunal militaire d’Ofer, en Cisjordanie occupée.

« L’avalanche de charges retenues contre Issa Amro ne résiste à aucun examen. Les autorités sont tellement déterminées à le réduire au silence et à entraver son travail en faveur des droits humains qu’elles ont apparemment rouvert un dossier concernant une affaire classée. S’il est déclaré coupable, nous considérerons alors Issa Amro comme un prisonnier d’opinion », a déclaré Magdalena Mughrabi, directrice adjointe du programme régional Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty International.

« Les autorités israéliennes doivent d’une part abandonner les accusations sans fondement et motivées par des considérations politiques retenues contre Issa Amro, et d’autre part enquêter sur ses allégations selon lesquelles il a été battu en détention, ainsi que sur les agressions physiques et les insultes qu’il a subies de la part de colons, de militaires et de policiers. Les personnes qui dénoncent des atteintes aux droits humains doivent être protégées, et non agressées et harcelées. »

Issa Amro est un défenseur des droits humains palestinien qui a fondé l’organisation Jeunes contre les colonies à Hébron. Il est déterminé à mener avec son organisation des activités militantes non violentes contre les colonies illégales à Hébron et les restrictions discriminatoires imposées aux Palestiniens par les autorités israéliennes dans cette ville. Issa Amro réunit des informations sur les violations des droits humains qui y sont commises, organise des manifestations pacifiques et fournit des informations sur les colonies et l’occupation militaire israélienne aux visiteurs, aux journalistes et aux diplomates.

Le 7 juin 2016, 18 chefs d’accusation ont été retenus contre Issa Amro devant le tribunal militaire d’Ofer, dont certains concernent des faits remontant à 2010. Ils vont d’« insultes à un soldat » à « voies de fait ».

Certains de ces chefs d’accusation, tels que « participation à une marche sans autorisation », concernent des faits qui ne constituent pas des infractions reconnues par le droit international.

L’une des accusations de voies de fait concerne des faits qui se sont produits lors d’une manifestation le 20 mars 2013 alors qu’Issa Amro avait déjà été arrêté et n’était donc pas présent. Une vidéo de la scène montre clairement que le responsable des agissements visés – l’appareil photo d’un colon a été cassé – est un autre homme.

Il s’agissait d’une manifestation pacifique coïncidant avec la visite du président des États-Unis Barack Obama dans les territoires palestiniens occupés. Les manifestants portaient des masques représentant le visage de Barack Obama et des tee-shirts avec l’inscription “I have a dream”, et ils agitaient le drapeau palestinien, autant d’agissements considérés par les autorités comme politiques et donc délictueux.

Issa Amro a dit à Amnesty International qu’il a immédiatement réalisé que ces chefs d’accusation étaient motivés par ses activités de militant, en particulier parce que beaucoup remontaient à très longtemps et parce qu’il s’agissait dans un cas d’une affaire classée. Son avocat, Gaby Lasky, a dit qu’il était très fréquent que des affaires soient rouvertes de cette façon, et que la police n’avait pas suivi la procédure adéquate pour le faire.

Un des chefs d’accusation concerne une conversation remontant au 8 juillet 2013 tenue avec un membre de la police des frontières ; Issa Amro lui a demandé de lui rendre ses papiers d’identité après que le policier les lui a pris pour un contrôle d’identité et l’a fait attendre pendant une demi-heure. Issa Amro a dit au policier :

« Rendez-moi mes papiers, je ne suis pas recherché, et si vous aviez appelé pour vérifier, vous le sauriez. Mais vous n’avez pas appelé, je le sais bien, je ne suis pas stupide. »

Selon Issa Amro, le policier a apparemment mal compris et cru entendre « vous êtes stupide », ce qui lui a valu d’être accusé d’« insultes à un soldat ». Issa Amro dit qu’il a alors été emmené au poste de police et qu’un policier l’a frappé tellement fort dans le dos qu’il a encore besoin de prendre des médicaments. Il a ajouté que les policiers l’ont empêché pendant trois heures de se rendre dans un hôpital, et qu’ils ont alors veillé à ce qu’il aille dans un établissement palestinien afin que l’on ne sache pas en Israël qu’il avait été battu.

« Issa Amro a subi une campagne soutenue de harcèlement et d’agressions aux mains de l’armée israélienne et de la part de colons en raison de ses activités militantes. Son cas est très représentatif du climat d’hostilité croissante à l’égard des militants qui protestent contre les colonies, qui sont illégales au regard du droit international, a déclaré Magdalena Mughrabi.

« Nous pensons qu’il va être jugé uniquement parce qu’il a exercé pacifiquement ses droits à la liberté d’expression et de réunion. L’emprisonnement d’Issa Amro constituerait une parodie de justice et étoufferait une fois de plus une voix contestataire de première importance dans les territoires palestiniens occupés. »

Complément d’information

Amnesty International a rassemblé des informations sur tout un ensemble d’agressions commises contre des défenseurs palestiniens des droits humains, y compris contre Issa Amro, en Israël et dans les territoires palestiniens occupés (TPO). La multiplication des actes d’intimidation commis par les autorités gouvernementales, et des attaques et agressions commises par des colons et d’autres acteurs non étatiques crée un climat de plus en plus dangereux pour les militants à Israël et dans les TPO.

Hébron est l’une des deux villes palestiniennes des TPO où se trouvent des colonies israéliennes illégales. Les autorités israéliennes ont mis en place de longue date une série de restrictions extrêmement discriminatoires de la liberté de mouvement qui visent les habitants palestiniens d’Hébron et qui constituent un châtiment collectif. Les forces israéliennes à Hébron ne font fréquemment pas le nécessaire pour empêcher les attaques commises contre des Palestiniens par des colons, et les responsables de tels actes ne sont quasiment jamais amenés à répondre de leurs actes.

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