Utilisation de la force de manière excessive et meurtrière sur des manifestants

Les policiers aux Philippines qui ont fait usage d’une force excessive contre des manifestants doivent rendre des comptes.

Une semaine après les manifestations tenues à Kidapawan, sur l’île de Mindanao, dans le sud des Philippines, les autorités doivent veiller à ce que les policiers ayant utilisé la force de manière excessive et parfois meurtrière lors de la violente dispersion des manifestants aient à rendre des comptes.

Le 1er avril dans la matinée, des policiers ont eu recours à une force excessive, utilisant notamment des armes à feu, pour disperser plus de 5 000 agriculteurs qui avaient bloqué une route nationale à Kidapawan. Ces derniers appartenaient pour la plupart à des populations indigènes et pauvres. Ils réclamaient une aide alimentaire du gouvernement à la suite des graves pertes de récoltes provoquées par la sécheresse. Ils demandaient aussi la suspension des opérations militaires dans la région et l’ouverture d’enquêtes sur les atteintes aux droits humains commises par des groupes paramilitaires.

Selon les informations reçues, des policiers ont utilisé des armes à feu lors des opérations de dispersion. Au moins deux manifestants sont morts et des dizaines d’autres ont été blessés. De plus, certains manifestants auraient jeté des pierres, blessant des policiers.

Aux termes des normes et du droit internationaux, même dans le cas où les participants à une manifestation ont recours à la violence contre des policiers, ces derniers ne doivent employer que la force nécessaire et proportionnée à l’endiguement des violences ou à la dispersion des manifestants. Ils sont également tenus d’agir avec modération et de veiller à ne causer que le minimum de dommages et de blessures. Il leur est interdit, en toutes circonstances, d’avoir recours à la torture ou à d’autres formes de mauvais traitements contre des manifestants, et l’utilisation d’armes à feu n’est autorisée que si les policiers n’ont pas d’autres moyens moins dangereux de se défendre ou de défendre autrui d’une menace imminente de mort ou de blessure grave. La mort de manifestants due à un usage excessif de la force et d’armes à feu par des policiers est une violation du droit à la vie garanti par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Par ailleurs, dans le droit philippin, la Loi de 1985 relative aux rassemblements publics dispose explicitement que les forces de sécurité doivent faire preuve d’une «  tolérance maximale  » et de la plus grande modération lors de ce type de rassemblements. Les Procédures opérationnelles de la police nationale de 2013 définissent également des lignes directrices claires sur l’usage de la force et des armes à feu au cours d’opérations policières.

Amnesty International salue les informations selon lesquelles une enquête a été lancée par la Commission philippine des droits humains. Toute enquête de ce type doit inclure un examen rigoureux des tactiques mises en œuvre par les policiers lors de manifestations. Les conclusions de l’enquête doivent être rendues publiques, et les policiers présumés responsables d’homicides illégaux, d’utilisation arbitraire ou abusive de la force, ou bien de torture ou d’autres mauvais traitements, y compris les personnes exerçant des fonctions de commandement, doivent être poursuivis en justice dans le cadre de procédures conformes au droit international et aux normes d’équité des procès. Les victimes de l’usage excessif de la force par des policiers, y compris les familles des personnes tuées, doivent recevoir des réparations satisfaisantes, notamment une indemnisation.

L’organisation s’inquiète également de l’arrestation et de l’inculpation d’au moins 80 manifestants, des hommes et des femmes, pour diverses infractions dont le sabotage économique, le harcèlement, l’entrave à la circulation et le rassemblement illégal. Les autorités doivent veiller à ce que toutes les personnes arrêtées puissent consulter sans délai les avocats de leur choix, qu’elles reçoivent des soins médicaux si cela est nécessaire, et qu’elles puissent contacter leur famille. Celles qui sont détenues uniquement pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression et au rassemblement pacifique doivent être libérées immédiatement et sans condition, et les charges pesant contre elles doivent être abandonnées.

Complément d’information

Les Philippines sont touchées par le phénomène climatique El Niño, responsable depuis le mois de décembre 2015 d’une vague de sécheresse qui a entamé la production de nourriture, en particulier sur l’île de Mindanao. C’est sur cette île que vivent les personnes les plus pauvres du pays, et plus de la moitié de la population dépend de l’agriculture pluviale. Les agriculteurs qui avaient bloqué la route nationale étaient venus réclamer une aide sous la forme de 15 000 sacs de riz.

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