Droits sexuels et reproductifs en Amérique latine et dans les Caraïbes : accord historique des gouvernements de la région

Amnesty International se félicite de l’accord historique conclu, entre autres sur l’égalité des genres et sur les droits sexuels et reproductifs, par les États de la région lors de la première Conférence régionale sur la Population et le Développement d’Amérique Latine et de la Caraïbe, qui s’est achevée le 15 août, à Montevideo (Uruguay), après quatre jours de débats auxquels ont participé quelque 250 représentants d’organisations de la société civile, dont Amnesty International.

Le document final ratifie les principaux protocoles et accords internationaux relatifs aux droits humains, et en particulier le Programme d’action du Caire, tout en consacrant un certain nombre d’avancées importantes dans cette partie du monde.

Dans une région où cinq pays considèrent l’avortement comme une infraction pénale en toutes circonstances, il convient de saluer la reconnaissance explicite de la relation, mise en évidence dans plusieurs États, entre criminalisation de l’interruption de grossesse et augmentation de la mortalité et de la morbidité maternelle, sans pour autant que cette criminalisation ne fasse baisser le nombre des avortements – une tendance qui va à l’encontre des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

Un message fort a ainsi été adressé aux États, les invitant à envisager une modification de leurs législations, réglementations, stratégies et politiques publiques en matière d’interruption volontaire de grossesse, dans le souci de préserver la vie et la santé de nombreuses femmes et adolescentes, en améliorant leur qualité de vie et en diminuant le nombre d’avortements finalement pratiqués. Un appel a également été lancé aux pays où l’IVG est légale ou du moins ne constitue pas une infraction pénale au titre de la législation nationale, pour que ceux-ci veillent à ce que les femmes présentant une grossesse non désirée et non acceptée puissent avoir accès à des services médicaux sûrs et de qualité leur permettant d’y mettre fin.

Il est également remarquable que la région soit parvenue à un consensus sur le respect des préférences sexuelles et de l’identité de genre de chacun. La reconnaissance des droits sexuels en tant que droits indépendants de la fonction de reproduction est tout aussi marquante, dans la mesure où elle précise que ceux–ci comprennent notamment le droit de jouir d’une sexualité épanouie, en toute sécurité, ainsi que le droit de tout individu de prendre des décisions libres, informées, volontaires et responsables concernant sa propre sexualité, selon ses préférences sexuelles et son identité de genre, sans avoir à subir de contraintes, de discriminations ni de violences.

Les États ont en outre pris acte des demandes longtemps ignorées des femmes indigènes de la région, s’engageant à intégrer une dimension participative et interculturelle dans les programmes d’éducation sexuelle globale qu’ils doivent mettre en place, ainsi que dans les services de santé sexuelle et reproductive.

L’État doit en outre garantir l’accès universel à des services de santé sexuelle et reproductive, en veillant à ce que chacun puisse disposer de méthodes contraceptives modernes, sûres et efficaces, dans le respect de la vie privée et du principe de confidentialité, afin que les jeunes puissent prendre des décisions libres, informées et responsables concernant leur vie sexuelle et reproductive, conformes à leurs propres préférences sexuelles. La vie sexuelle des jeunes et des adolescents doit en outre être de qualité et conforme à leur volonté. Cette dernière disposition constitue sans conteste une victoire majeure pour les jeunes de la région, qui se sont fortement mobilisés autour de cette Conférence (sachant que les jeunes représentent 25 p. cent de la population de l’Amérique latine et des Caraïbes).

À cet égard, il a été réaffirmé expressément que les enfants (filles et garçons), les jeunes et les adolescents et adolescentes étaient « des sujets de droit et des acteurs du développement ». Leur situation a constitué l’un des grands axes des débats qui ont eu lieu à Montevideo. Il a notamment été question de la grossesse chez les adolescentes, phénomène préoccupant qui tend à se développer dans la région, en particulier dans les catégories les plus défavorisées de la population. Les États se sont engagés à ce sujet à accorder la priorité à la prévention des grossesses non désirées chez les adolescentes, ainsi qu’à d’autres mesures destinées à lutter contre les atteintes aux droits fondamentaux dont pourraient être victimes les adolescentes enceintes.

Concernant la violence contre les femmes, les États réunis se sont engagés à combattre et à éliminer toutes les formes de discriminations et de violences faites aux femmes, et notamment les violences domestiques, les meurtres de femmes à connotation sexiste et le féminicide. Une décision fondamentale, dans une région où la violence fondée sur le genre des victimes est en passe de devenir un fléau majeur.

Les États participants ont réaffirmé que les droits sexuels et les droits reproductifs faisaient partie intégrantes des droits humains, et que leur exercice était essentiel non seulement à la jouissance d’autres droits fondamentaux de la personne, mais également à la réalisation des objectifs internationaux de développement et d’éradication de la pauvreté. Ils ont en outre répété que les inégalités dans la région étaient inacceptables, reconnaissant les multiples discriminations auxquelles étaient confrontées certaines femmes et fillettes appartenant à des communautés indigènes ou de personnes d’origine africaine, ou vivant dans la pauvreté.

De même, les États ont réitéré leur conviction, selon laquelle la mortalité maternelle constituait une atteinte aux droits humains, soulignant que l’immense majorité des décès dans ce domaine pouvait être évitée. Ils se sont par conséquent engagés une fois de plus à éliminer les causes qui pouvaient l’être de la mortalité et de la morbidité maternelles, en intégrant dans le dispositif de prise en charge intégrale des services de santé sexuelle et reproductive des mesures visant à prévenir et à éviter les avortements à risque. Parmi ces mesures, citons notamment : l’éducation sexuelle intégrale et l’accès adéquat et confidentiel à l’information et aux consultations, ainsi qu’à des technologies et des services de qualité, y compris la contraception orale d’urgence sans ordonnance.

Ces accords ont été accueillis avec enthousiasme par les représentants de plus d’une cinquantaine d’organisations et de réseaux internationaux et nationaux de 30 pays, rassemblés au sein de l’Articulación de la Sociedad Civil de América Latina y el Caribe Cairo +20, qui étaient présents à Montevideo. Ils se sont félicités de l’existence de cet espace régional de débat, faisant appel à une large participation de la société civile et au sein duquel personne ne doute plus de la nécessité d’en finir avec les inégalités de genre, condition impérative d’un réel développement de l’Amérique latine et des Caraïbes.

Si ces accords se traduisent dans les faits, nous vivrons dans une région beaucoup plus juste, où les droits humains seront enfin une réalité pour un très grand nombre de femmes et de fillettes qui, aujourd’hui, ne se sentent maîtresses ni de leurs corps, ni de leur sexualité ni de leurs choix en matière de reproduction. Amnesty International souligne par conséquent l’importance de cet événement politique et prie instamment les États d’agir en conséquence. L’organisation insiste notamment sur la nécessité de respecter l’engagement pris de consacrer des moyens suffisants à la réalisation des promesses qui ont été faites. Elle se félicite en outre de la reconnaissance expresse par les participants de la nécessité de mettre en place des mécanismes clairs de suivi et de compte rendu, en concertation avec la société civile dans toute sa diversité.

Complément d’information

Organisée par la Commission économique des Nations unies pour l’Amérique latine et la Caraïbe (CEPAL), la première Conférence régionale sur la Population et le Développement d’Amérique Latine et de la Caraïbe, était un rendez-vous préparatoire à la Conférence mondiale Le Caire+20, qui doit se tenir à New York en septembre 2014 et à laquelle participeront des représentants de toutes les régions. La Conférence de New York sera l’occasion d’examiner le chemin parcouru sur la voie des objectifs du Programme d’action de la Conférence internationale sur la Population et le Développement, qui a eu lieu au Caire en 1994. L’ordre du jour portera notamment sur les droits sexuels et reproductifs, la santé maternelle, l’égalité et l’équité en matière de genre, la famille et le bien-être social, l’urbanisation et les migrations intérieures, les migrations internationales, les adolescents et les jeunes, le handicap et les peuples indigènes.

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