Coups de projecteur

Au royaume-uni, l’enquête sur la torture permettra-t-elle d’établir véritablement les responsabilités ?

Au Royaume-Uni, des allégations dont le nombre va croissant mettent en cause le gouvernement et les services de renseignement, qui auraient porté atteinte aux droits de personnes détenues à l’étranger depuis le 11 septembre 2001. Ces instances se seraient rendues complices ou responsables d’actes de torture ou autres mauvais traitements, de placements en détentions arbitraires, de disparitions forcées et de « restitutions » de personnes détenues à l’étranger dans le contexte d’opérations de lutte contre le terrorisme.
Le 6 juillet 2010, David Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni, a confirmé qu’il allait convoquer une commission d’enquête sur les allégations selon lesquelles des agents de l’État et des membres des services de renseignement britanniques auraient participé à des violations des droits humains, dont des actes de torture. Cette commission aux pouvoirs limités devrait se concentrer sur les cas de ressortissants et de résidents du Royaume-Uni incarcérés au centre de détention de Guantánamo Bay.
Le gouvernement a placé Sir Peter Gibson, actuellement chargé de contrôler la régularité de l’action des services de renseignement, à la tête de la commission formée de trois membres.
La mise en place de la commission d’enquête est une première étape importante. Elle peut permettre d’établir effectivement les responsabilités des atteintes aux droits humains commises dans le passé. Mais ce résultat ne sera obtenu que par une enquête approfondie, indépendante et impartiale.
Le mandat exact de la commission n’est pas encore connu. Amnesty International craint qu’elle ne soit pas suffisamment indépendante du gouvernement. La notion de secret d’État risque de jouer un rôle négatif, car on ne sait pas jusqu’à quel point les motifs de sécurité nationale imposeront le silence sur les travaux de la commission. Ses conclusions ne seront peut-être ni rendues totalement publiques ni communiquées aux victimes des violations des droits humains qui font l’objet de l’enquête.
Amnesty International reconnaît que l’enquête doit être menée à bien promptement, mais l’exhaustivité ne doit pas être sacrifiée à l’impératif de la rapidité. Il est indispensable de mener un examen approfondi des politiques et des pratiques qui ont donné lieu à ces graves violations, en s’intéressant au rôle des agences de renseignement, des forces armées, des fonctionnaires, des membres du gouvernement et de leurs conseillers juridiques.
Ceux qui ont souffert d’atteintes aux droits humains ont le droit de savoir la vérité. Ils ont le droit d’obtenir justice et de voir les responsables rendre des comptes. Aucun État ne devrait pouvoir commettre des violations des droits humains impunément.
Pour en savoir plus sur l’enquête britannique sur la torture, rendez-vous sur http://www.amnesty.org/en/region/uk

30 000 personnes détenues illégalement en irak

Depuis 2003, des groupes armés opposés au gouvernement irakien et à l’armée des États-Unis commettent de graves atteintes aux droits humains et prennent pour cible des milliers de civils, principalement lors d’attentats-suicides. En combattant ces groupes armés, notamment Al Qaïda, les autorités irakiennes et les forces américaines ont également perpétré des violations des droits humains. Elles ont arrêté arbitrairement des milliers de personnes pour les mettre en détention sans inculpation ni jugement durant de longues périodes. Un grand nombre de détenus subissent des tortures ou d’autres mauvais traitements et sont placés à l’isolement.
Rien n’indique que la situation pourrait changer prochainement. Amnesty International craint que le transfert aux autorités irakiennes des prisonniers détenus par les États-Unis, qui s’est achevé le 15 juillet 2010, n’ait pas été assorti de garanties que ces personnes ne seraient ni torturées ni maltraitées et bénéficieraient sans tarder d’un procès équitable.
Walid Yunis Ahmad est incarcéré sans inculpation ni procès depuis plus de 10 ans. « Cela fait 10 ans que je n’ai pas vu mes enfants, a-t-il expliqué à Amnesty International. Je ne voulais pas qu’ils me voient dans cette situation terrible. » Walid Yunis Ahmad compte parmi les quelque 30 000 personnes détenues illégalement dans les prisons irakiennes, y compris dans la région du Kurdistan.
Des membres de l’Asayish, le service de police kurde chargé de la sécurité, l’ont arrêté le 6 février 2000 à Erbil, capitale de la région kurde semi-autonome d’Irak. Après son arrestation, sa famille n’a pas su pendant trois ans où il se trouvait, ni même s’il était encore de ce monde.
Durant cette période de disparition forcée, Walid Yunis Ahmad a été torturé. Après avoir fait une grève de la faim pour protester contre sa détention et la torture qui lui avait été infligée, il a été placé à l’isolement, puis déplacé d’une prison à l’autre sans explication. Il est actuellement détenu au siège de l’Asayish, à Erbil.
Une délégation d’Amnesty International lui a rendu visite en prison en juin 2010. Walid Yunis Ahmad a exprimé son appréciation des actions menées en sa faveur par les membres de l’organisation, soulignant que cette mobilisation lui avait remonté le moral et l’aidait à conserver l’espoir d’être libéré un jour.

Agissez
Veuillez signer et envoyer la carte postale figurant dans l’encart pour demander que Walid Yunis Ahmad et les autres détenus soient remis en liberté, ou bien inculpés d’une infraction dûment reconnue par la loi et jugés sans délai dans le respect des normes internationales.

Mettre fin aux expulsions forcées au Nigeria

Le matin du 28 août 2009, des policiers armés et des soldats ont accompagné des équipes chargées de détruire le quartier d’habitat précaire de Njemanze Waterfront, situé au bord de l’eau à Port Harcourt, capitale de l’État de Rivers. Des milliers de personnes ont été expulsées de force, après quoi elles ont assisté à la démolition des bâtiments où elles avaient vécu et travaillé. Les habitants ont été officiellement prévenus des destructions une semaine seulement avant qu’elles aient lieu.
Les expulsions forcées se rattachent aux plans annoncés en 2008 par le gouvernement de l’État, qui entend supprimer toutes les zones d’habitat précaire situées au bord de l’eau à Port Harcourt. Elles ont été entreprises sans véritable consultation préalable, sans préavis suffisant, sans indemnisation et sans proposition d’une solution de relogement. Plus d’un an après, un très grand nombre d’hommes, de femmes, d’enfants sont encore sans logis. Ils dorment dans des voitures, dans une église proche, ou même sous un échangeur d’autoroute.
Le 6 novembre 2009, la démolition de Njemanze Street, à proximité de Njemanze Waterfront, a encore augmenté dans une importante proportion le nombre de sans-logis. Des personnes qui habitaient auparavant le quartier de Njemanze Waterfront ont subi pour la deuxième fois une expulsion forcée. Au moment où nous rédigeons ces lignes, la zone d’Abonemma Wharf, limitrophe de Njemanze Street, est menacée de démolition.
À Port Harcourt, les zones situées au bord de l’eau sont très densément peuplées : on y compte plus de 40 quartiers d’habitat précaire. Si les autorités poursuivent leur programme de démolition de tous ces quartiers, on considère que plus de 200 000 personnes risquent d’être expulsées de force.
Le gouvernement de l’État affirme que la démolition de ces zones est une étape nécessaire de la revitalisation de la ville. Les démolitions d’Abonemma Wharf et de Njemanze ont pour but de permettre la réalisation d’un projet commercial privé dénommé Silverbird Showtime.
Les obligations internationales du Nigeria en matière de droits humains lui imposent de s’abstenir de recourir aux expulsions forcées et même de les empêcher. Les expulsions ne peuvent être effectuées qu’en dernier ressort, lorsque toutes les autres solutions envisageables ont été examinées en consultant les collectivités concernées. Les autorités doivent veiller à ce que personne ne soit privé de logement. Une solution satisfaisante de relogement et une indemnisation pour tout préjudice subi doivent être proposées aux personnes concernées, avant toute expulsion.

Rwanda : la liberté d’expression devient une infraction pénale

Quelque 800 000 Rwandais ont été tués lors du génocide de 1994. Les victimes étaient pour la plupart des Tutsis, mais aussi des Hutus qui s’étaient opposés à ce massacre organisé et aux forces qui l’avaient orchestré. Conscient du rôle joué par les discours de haine et par la tristement célèbre Radio télévision libre des mille collines (RTLM), qui avaient incité au génocide, le gouvernement du Front patriotique rwandais (FPR), formé après les événements, a promulgué des lois visant à encourager l’unité et à limiter les propos pouvant constituer une incitation à la haine.
Le rapport d’Amnesty International intitulé Il est plus prudent de garder le silence. Les conséquences effrayantes des lois rwandaises sur l’« idéologie du génocide » et le « sectarisme » montre que ces textes de loi, formulés en termes vagues, font de la liberté d’expression une infraction pénale. Il souligne que l’interdiction du discours haineux est un objectif légitime, mais que les autorités rwandaises ont fait des choix contraires à leurs obligations au regard du droit international relatif aux droits humains. Le rapport montre que la législation est délibérément utilisée pour violer les droits humains. « Cette “idéologie du génocide”, c’est une forme d’intimidation, a indiqué à Amnesty International un militant rwandais des droits humains. Si vous osez critiquer ce qui ne va pas, c’est de l’idéologie du génocide. La société civile et la population en général préfèrent se taire. »
Les accusations d’« idéologie du génocide » et de « sectarisme » ont des conséquences graves et paralysent la société rwandaise. À l’approche des élections de 2010, la confusion délibérée entre dissidence politique légitime et « idéologie du génocide » a nui à la liberté d’expression et d’association des personnalités politiques de l’opposition, des défenseurs des droits humains et des journalistes critiques à l’égard du gouvernement. La répression a également fait taire les voix qui demandaient que les crimes de guerre commis dans le passé par le FPR soient jugés. Des personnes ont exploité à des fins personnelles les faiblesses de la législation, par exemple pour jeter le discrédit sur des enseignants ou acquérir une influence politique au niveau local, ou dans le cadre de litiges fonciers ou de conflits privés. Des Rwandais, notamment des juges, des avocats et des défenseurs des droits humains, ont exprimé leur perplexité quant au type de comportement visé par ces textes. Un avocat, défenseur d’une jeune fille de 16 ans accusée d’« idéologie du génocide », soulignait que sa cliente n’avait pas vécu le génocide, n’avait pas « l’expérience historique du génocide » et ne pouvait par conséquent pas avoir une « idéologie du génocide ».
La perspective d’une modification de la législation est apparue. Après six années de réformes importantes du système judiciaire, le gouvernement rwandais a annoncé, en avril 2010, un réexamen de la loi réprimant l’« idéologie du génocide ». Rien n’a toutefois été fait pour l’instant, et la liberté d’expression demeure très restreinte après les élections.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur http://snipr.com/112wcr

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