AFGHANISTAN

République islamique d’Afghanistan

Chef de l’État et du gouvernement : Muhammad Ashraf Ghani Ahmadzai (a remplacé Hamid Karzaï en septembre)

L’insécurité s’est accrue dans tout le pays dans la perspective du retrait des 86 000 soldats étrangers prévu en décembre, le mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) de l’OTAN étant terminé. Les États- Unis se sont engagés à ce que leurs troupes continuent de combattre jusqu’à la fin de 2015. La Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) a signalé que le nombre de victimes parmi les civils qui ne participaient pas aux combats avait atteint un niveau sans précédent. Plus de 74 % des pertes civiles ont été attribuées aux talibans et aux autres groupes armés, et 9 % aux forces progouvernementales.
Par ailleurs, environ 12 % étaient le résultat d’affrontements au sol entre forces progouvernementales et insurgés talibans, sans que l’on puisse imputer la mort à l’une ou l’autre partie. Les autres pertes civiles étaient liées aux suites du conflit. De nombreuses victimes et leur famille étaient privées d’accès à la justice et aux réparations en raison du non-respect de l’obligation de rendre des comptes dans des cas où des civils avaient été tués ou blessés illégalement. Au cours de l’année, le Parlement et le ministère de la Justice ont adopté un certain nombre de dispositions législatives, dont des modifications du Code de procédure pénale empêchant les proches des victimes et des auteurs de crimes de témoigner en justice. Dans la mesure où la plupart des cas de violence liée au genre se déroulent au sein de la famille, cette disposition aurait rendu pratiquement impossible l’aboutissement de poursuites dans ce type d’affaires. La loi approuvée par les deux chambres du Parlement n’a pas été signée par le président Karzaï, qui l’a rejetée face au tollé d’organisations locales et internationales de défense des droits humains.

CONTEXTE

Aucun candidat n’étant sorti clairement vainqueur du scrutin présidentiel d’avril, et le second tour en juin ayant été entaché d’accusations de fraude massive et systématique formulées contre les deux candidats, le pays a connu une impasse électorale pendant cinq mois. Après de longues négociations et les interventions du secrétaire d’État américain, John Kerry, et du représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Afghanistan, Jan Kubis, les deux candidats arrivés en tête ont accepté de former le premier gouvernement d’unité nationale du pays lors de l’annonce du résultat des élections, le 22 septembre. Ashraf Ghani a prêté serment comme président le 29 septembre et son adversaire, Abdullah Abdullah, est devenu chef de l’exécutif, un rôle semblable à celui de Premier ministre. À la fin de l’année, trois mois après l’entrée en fonction du président Ghani, la composition du gouvernement n’avait toujours pas été annoncée.
En juin, à la suite de pressions internationales pour restreindre le financement du terrorisme en Afghanistan, un projet de loi contre le blanchiment d’argent a été approuvé par les deux chambres du Parlement et promulgué par le président Karzaï.
Le 30 septembre, le président Ghani a signé un accord bilatéral de sécurité avec les États-Unis et un accord sur le statut des forces avec l’OTAN, qui permettaient à 9 800 soldats américains et 2 000 troupes de l’OTAN de rester en Afghanistan au-delà de la fin officielle des opérations de combat, en décembre. Ces troupes auront essentiellement un rôle de formation et de conseil auprès des forces gouvernementales afghanes.

EXACTIONS PERPÉTRÉES PAR DES GROUPES ARMÉS

Entre le 1er janvier et le 30 juin, le nombre de victimes civiles qui ne participaient pas aux hostilités a atteint 4 853 (1 564 morts et 3 289 blessés) ; plus de 70 % d’entre elles ont été tuées ou blessées par les talibans ou d’autres groupes armés insurgés. Ce chiffre représentait un doublement depuis 2009 et une augmentation de 24 % par rapport à la même période de 2013.
Selon la MANUA, la majorité des pertes civiles était le fait d’engins explosifs improvisés et d’attentats-suicides. Avec 474 tués et 1 427 blessés, les affrontements au sol étaient responsables de deux pertes civiles sur cinq (39 %), soit une augmentation de 89 % par rapport à 2013.
Les talibans et d’autres groupes insurgés attaquaient fréquemment des cibles facilement accessibles, faisant un grand nombre de victimes parmi la population civile. Le nombre d’enfants et de femmes tués ou blessés, en augmentation de 24 % par rapport à 2013, représentait 29 % de l’ensemble des pertes civiles durant le premier semestre de 2014.
Le Bureau de la sécurité des ONG en Afghanistan (ANSO) a recensé 153 attaques contre des employés d’organisations humanitaires entre janvier et août 2014, qui ont fait 34 morts et 33 blessés. Le gouvernement a attribué la majorité de ces attaques à des hommes armés appartenant à des groupes insurgés, notamment les talibans.

VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS IMPUTABLES AUX FORCES INTERNATIONALES ET AFGHANES

Bien que le transfert de la responsabilité en matière de sécurité aux forces afghanes ait été achevé en juin 2013, la FIAS et l’OTAN ont effectué cette année encore des raids nocturnes et des frappes aériennes et terrestres qui ont fait des dizaines de victimes civiles. Selon la MANUA, 9 % des pertes civiles étaient imputables aux forces progouvernementales – 8 % aux forces afghanes et 1 % à celles de la FIAS/ OTAN –, la majorité des morts résultant de combats au sol et de tirs croisés. Le nombre total de civils tués par les forces progouvernementales durant les six premiers mois de 2014 est passé de 302 à 158, en raison essentiellement de la diminution des opérations militaires aériennes. Les forces de sécurité nationales afghanes ont été responsables d’un plus grand nombre de pertes civiles du fait de leur pleine participation aux opérations militaires et aux combats au sol.
Des lacunes importantes en matière d’obligation de rendre des comptes concernant la mort de civils ont été constatées, notamment le manque d’enquêtes transparentes et l’absence de justice pour les victimes et leur famille1.
En mai, après avoir examiné le cas de Serdar Mohammed, détenu depuis 2010, la Haute Cour du Royaume-Uni a conclu que la politique de détention suivie par les forces britanniques en Afghanistan était illégale. Elle a considéré que le maintien en détention de cet homme au-delà des 96 heures autorisées avait été arbitraire et constituait une violation de la Convention européenne des droits de l’homme. À la suite de cette décision, le gouvernement afghan a ordonné au Royaume-Uni de lui remettre 23 prisonniers incarcérés dans deux centres de détention gérés par les Britanniques dans la province du Helmand.

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES

La Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan (AIHRC) a recensé 4 154 cas de violences faites aux femmes durant le premier semestre de l’année, soit une augmentation de 25 % par rapport à la même période de 2013. Un plus grand nombre de crimes contre les femmes et les filles ont été signalés, mais on ignorait si cela était dû à une augmentation des violences ou à une sensibilisation accrue et à un meilleur accès aux mécanismes de plainte pour les femmes. Un rapport publié par l’ONU en 2013 indiquait que la Loi sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes n’avait été appliquée que dans 17 % de l’ensemble des cas de violence contre les femmes signalés en Afghanistan.
Le président Karzaï a refusé de promulguer une nouvelle version du Code de procédure pénale approuvée par le Parlement afghan, qui aurait empêché les proches d’un accusé de témoigner devant la justice dans les affaires pénales. Cette initiative a été bien accueillie par les organisations de défense des droits des femmes et des droits humains. Dans la mesure où la plupart des cas de violence liée au genre se déroulent dans le milieu familial, cette disposition aurait en effet rendu beaucoup plus difficile l’aboutissement des poursuites et aurait privé de justice les victimes de viol et de violence domestique, ainsi que les femmes et les filles soumises à un mariage forcé ou un mariage précoce. En revanche, la réduction du quota de sièges alloués aux femmes dans les conseils provinciaux et l’absence de femmes dans les pourparlers de paix avec les talibans ont marqué un recul pour les droits des femmes.
Selon le ministère de la Santé publique, 4 466 tentatives de suicide par empoisonnement et 2 301 tentatives par auto-immolation ont été recensées au cours de l’année, ayant entraîné la mort de 166 femmes. La violence liée au genre était semble-t-il la cause principale de ces actes d’automutilation, suivie par les traumatismes liés au conflit et au déplacement.
Le 30 avril, un mollah a été arrêté dans la province de Kunduz pour avoir ligoté et violé une fillette de 10 ans, l’une des élèves auxquelles il enseignait le Coran2.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES, TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

La Direction nationale de la sécurité (DNS, le service du renseignement) et la police continuaient d’arrêter des suspects et de les détenir de manière arbitraire, dans certains cas au secret. Les suspects étaient régulièrement privés du droit à une procédure régulière, en particulier du droit de consulter un avocat et de rencontrer leur famille.
De nouvelles informations ont fait état de violations des droits humains commises par des agents de la DNS, et notamment d’actes de torture, de mauvais traitements et de disparitions forcées.
Au moins 50 prisonniers non afghans demeuraient incarcérés à la fin de l’année dans le centre de détention américain de Parwan (anciennement appelé Bagram). Certains étaient semble-t-il détenus depuis 2002. On ignorait toujours leur identité ainsi que les éventuelles charges retenues contre eux, et aucune information n’avait non plus été fournie sur leur accès à une assistance juridique et à des soins médicaux.

LIBERTÉ D’EXPRESSION – JOURNALISTES

Le gouvernement n’a pas mené d’enquêtes sérieuses débouchant sur des poursuites contre les auteurs d’attaques visant les journalistes et d’autres employés des médias exerçant pacifiquement leur droit à la liberté d’expression.
Selon les informations recueillies, le nombre de journalistes tués en 2014 a augmenté de 50 % par rapport à 2013 et le nombre d’attaques recensées durant le premier semestre de l’année de 60 % par rapport à la même période de 2013.
Des journalistes ont été arrêtés, menacés, battus ou tués dans des attaques manifestement motivées par des considérations politiques et imputables tant à des agents du gouvernement et aux forces internationales qu’à des groupes insurgés et à des partisans des candidats aux élections. Selon l’organisme afghan de surveillance des médias Nai, 20 journalistes ont été attaqués et sept ont été tués. Les journalistes qui ont couvert l’élection présidentielle étaient particulièrement vulnérables.

RÉFUGIÉS ET PERSONNES DÉPLACÉES

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), les Afghans constituaient toujours la plus forte population de réfugiés dans le monde. En Iran et au Pakistan, 2,7 millions d’Afghans étaient enregistrés comme réfugiés. En mars, le HCR recensait 659 961 Afghans déplacés à l’intérieur de leur propre pays à cause du conflit armé, de la dégradation de la situation sécuritaire et des catastrophes naturelles.
Le ministère des Réfugiés et du Rapatriement a lancé le 11 février 2014 une politique nationale relative aux personnes déplacées, qui donnait une définition juridique en la matière et établissait la responsabilité première du gouvernement de fournir aux intéressés une aide d’urgence, un soutien dans la durée et une protection. On craignait toutefois de nouveaux déplacements à la suite du transfert de la responsabilité en matière de sécurité prévu à la fin de 2014, les insurgés s’efforçant d’occuper le territoire contrôlé jusque là par les forces internationales.
Les personnes déplacées continuaient de rejoindre les grandes villes, particulièrement Kaboul, Hérat et Mazar-e Charif. Logements de fortune inadaptés, surpopulation, manque d’hygiène et conditions climatiques très dures étaient à l’origine d’une augmentation des maladies contagieuses et chroniques, comme le paludisme et l’hépatite. Les efforts d’éradication de la polio par des programmes de vaccination étaient entravés par des groupes armés d’opposition, y compris les talibans, et cette année encore des cas de polio ont été signalés.

PEINE DE MORT

L’Afghanistan continuait d’appliquer la peine de mort, et les sentences capitales étaient souvent prononcées à l’issue de procès inéquitables.
Le 8 octobre, moins de deux semaines après l’entrée en fonction du président Ashraf Ghani, six hommes ont été exécutés dans la prison de Pul-e Charkhi à Kaboul. Cinq des suppliciés avaient été déclarés coupables du viol en réunion de quatre femmes dans le district de Paghman. Le sixième avait été condamné dans une procédure distincte pour une série d’enlèvements, de meurtres et de vols à main armée. Le président Karzaï avait signé le 28 septembre l’ordre d’exécution de ces six hommes. Le procès de cinq d’entre eux apparaissait inéquitable et propre à être remis en cause après des pressions publiques et politiques sur le tribunal pour qu’il prononce une sentence sévère, alors même que les accusés affirmaient avoir été torturés en détention par les policiers qui voulaient les faire avouer.
Le président Ashraf Ghani a ordonné un réexamen du cas de près de 400 condamnés à mort.

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