Rapport annuel 2016

PHILIPPINES

République des Philippines
Chef de l’État et du gouvernement : Benigno S. Aquino III

Les actes de torture et autres mauvais traitements infligés par des policiers se poursuivaient dans un climat d’impunité. Aucune condamnation n’a été prononcée au titre des lois sanctionnant pénalement la torture et les disparitions forcées. Des journalistes, des juges, des avocats et des indigènes ont été pris pour cible et tués par des hommes armés non identifiés et des membres présumés de milices. Les avancées vers la concrétisation des droits sexuels et reproductifs des femmes ont marqué le pas. Plusieurs dizaines de milliers de victimes de violations passées cherchaient à obtenir réparation.

CONTEXTE
Malgré l’accord de paix signé en 2014 entre le gouvernement et le groupe armé Front de libération islamique moro (MILF), des heurts ont opposé en janvier les forces de police à des groupes rebelles à Maguindanao, entraînant la mort de 44 policiers d’élite et de 23 rebelles. Ces violences ont donné un coup d’arrêt aux efforts visant à adopter une loi cruciale qui créerait une région autonome de Bangsamoro dans le sud des Philippines.

La Commission des plaintes de victimes de violations des droits humains a reçu 75 000 demandes d’indemnisation de victimes de la loi martiale, qui a été en vigueur de 1972 à 1981 sous le régime du président Marcos. En juillet, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays a fait part d’un certain nombre de préoccupations à la suite de sa visite aux Philippines, concernant notamment le sort des personnes autochtones déplacées en raison des activités de développement économique.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
À la suite de l’ouverture d’une enquête en décembre 2014, le Sénat a mené deux audiences sur les tortures policières, une en janvier et une autre en décembre1.

Des informations continuaient à faire état d’actes de torture, attribués le plus souvent à des policiers. Bien que la torture ait été érigée en infraction dans la Loi de 2009 contre la torture, aucun auteur présumé n’avait été déclaré coupable en vertu de cette loi fin 2015. Plusieurs enquêtes et poursuites pénales étaient en cours.

La Commission philippine des droits humains a enregistré 51 cas de torture en 2014, qui concernaient 59 personnes. De janvier à septembre, elle a enregistré 47 cas, concernant 65 victimes.

En mai, une vidéo a montré le chef de la police de Carmona (province de Cavite) en train de frapper un détenu soupçonné de vol avec une épaisse planche en bois. La scène a été diffusée à la télévision nationale, ce qui a conduit la Police nationale philippine (PNP) à démettre le chef de la police de ses fonctions.

Au terme d’une enquête administrative qui aura duré un an, la PNP a estimé que deux policiers étaient responsables des tortures infligées à Alfreda Disbarro en 2013. Elle les a rétrogradés d’un échelon.

La PNP a ouvert une enquête administrative contre des policiers accusés d’avoir torturé Jerryme Corre en 2012. Les poursuites pénales pour torture étaient toujours en cours dans cette affaire, tout comme dans le cas de Darius Evangelista,torturé en 2010.

Les affaires découlant de la découverte en 2014 d’un lieu de détention secret dans la province de Laguna – dans lequel des policiers faisaient apparemment tourner une
« roue » afin de choisir la méthode utilisée pour torturer des détenus – étaient toujours au stade de l’enquête préliminaire à la fin de l’année.

DISPARITIONS FORCÉES
Trois ans après l’adoption, en décembre 2012, de la Loi contre les disparitions forcées ou involontaires, aucune condamnation n’avait été prononcée en vertu de ce texte.

Les audiences se poursuivaient dans le procès du général à la retraite Jovito Palparan, inculpé de l’enlèvement et de la détention illégale de deux étudiantes en 2006. Ce militaire avait été arrêté en 2014 et placé en détention provisoire. En octobre, il a demandé à quitter provisoirement sa cellule pour se présenter aux élections sénatoriales, ce que le tribunal a refusé.
IMPUNITÉ
Les audiences se poursuivaient dans l’affaire du massacre de Maguindanao, commis en 2009, au cours duquel 58 personnes, dont 32 professionnels des médias, ont été tuées par des milices armées par l’État et apparemment dirigées par des agents du gouvernement. On craignait que ce procès ne se termine pas avant la fin du mandat du président Aquino, en juin 2016.

La procédure a suivi lentement son cours, malgré les efforts faits par la Cour suprême pour accélérer les choses. Les témoins et leurs proches couraient toujours le risque d’être tués ou intimidés, même si 175 témoins ont pu déposer et si plus de 100 des 200 suspects ont été arrêtés. Au moins huit témoins ou membres de leur famille ont été tués depuis novembre 2009 ; personne n’a été amené à rendre des comptes pour ces assassinats.

En août, des assaillants ont tué quatre hommes accusés d’avoir violé et tué une adolescente de 14 ans à Marawi. Les suspects avaient été arrêtés puis libérés sans qu’aucune charge ait été retenue contre eux. Un responsable du gouvernement local aurait déclaré que les familles des suspects et de la victime s’étaient mises d’accord sur ces homicides, qui s’apparentaient à une exécution, pour éviter de déclencher un rido (vendetta).

Trois juges ont été tués par balle en plein jour, en septembre et en novembre. Erwin Alaba a été tué devant le tribunal où il travaillait, à Aurora ; Wilfredo Nieves dans sa voiture, à Bulacan, alors qu’il rentrait chez lui, et Reynaldo Espinar dans une arène de combats de coqs dans la province du Samar du Nord. Trois avocats ont également été abattus au second semestre : Amelie Ocanada-Alegre en août à Mandaue ; Ramon Eduardo Elesteria à Bayawan et Pepito Suello à Bukidnon, en octobre, alors qu’il se rendait à une audience.

Selon l’Association internationale des avocats du peuple (IAPL), au moins 25 juges et plus de 80 avocats ont été assassinés depuis 1999. Bien que des enquêtes aient eu lieu, personne n’a apparemment jamais été inculpé dans ces affaires.

LIBERTÉ D’EXPRESSION
Sept journalistes ont été tués en 2015. La reporter de presse écrite Nerlita Ledesma a été abattue près de son domicile à Balanga en janvier. En février, l’animateur de radio Maurito Lim a été tué près d’une station de radio à Tagbilaran. Journaliste dans un quotidien, Melinda Magsino a été tuée en avril d’une balle dans la tête près de son appartement à Batangas.

Trois journalistes ont été tués en l’espace de deux semaines en août. Le directeur de la publication d’un journal, Gregorio Ybanez, a été tué par balle devant son domicile, à Tagum, tout comme l’animateur de radio Teodoro Escanilla, à Sorsogon. Le présentateur de radio Cosme Maestrado a été tué par quatre hommes armés à Ozamiz. En octobre, un autre journaliste de radio, Jose Bernardo, a été abattu à faible distance par deux hommes armés non identifiés.

D’après le Centre pour la liberté et la responsabilité de la presse, s’il s’avérait que ces homicides sont liés au travail des victimes, cela porterait à 150 le nombre de journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions depuis 1986, année marquant la fin du régime de Ferdinand Marcos et la levée des restrictions à la liberté d’expression. Fin 2015, seules 15 personnes avaient été déclarées coupables en lien avec des meurtres de journalistes.

En septembre, les principaux suspects du meurtre du journaliste et défenseur de l’environnement Gerardo Ortega, commis en 2011, ont été arrêtés en Thaïlande et extradés vers les Philippines.

VIOLATIONS COMMISES PAR DES MILICES ARMÉES
Trois dirigeants des Lumads, un groupe d’indigènes du sud des Philippines, ont été tués à Surigao del Sur en septembre. Dionel Campos et son cousin Aurelio Sinzo ont été abattus ; Emerito Samarca, directeur d’école, a été ligoté et poignardé.

Selon le parti populaire indigène KATRIBU, 13 Lumads ont été tués (dont les trois victimes de Surigao del Sur) et 4 000 autres évacués en 2015 en raison d’attaques armées commises par des membres présumés de milices.

KATRIBU a recensé un total de 53 exécutions extrajudiciaires de Lumads depuis le début du mandat du président Aquino en 2010. Des groupes de défense des droits humains ont accusé une milice armée, qui serait entraînée par des militaires, d’être derrière ces homicides.

Les rapporteurs spéciaux de l’ONU sur les droits des peuples autochtones et sur la situation des défenseurs des droits de l’homme ont condamné ces homicides. Des poursuites ont été engagées contre plusieurs suspects à la suite d’une enquête du ministère de la Justice.

DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS
Les autorités ont mis en œuvre la Loi relative à la santé reproductive en novembre, trois ans après son adoption. Cependant, un an après avoir confirmé la constitutionnalité de cette loi, qui accorde certains droits sexuels ou reproductifs aux femmes, la Cour suprême a rendu en juin une ordonnance restrictive temporaire empêchant le ministère de la Santé d’obtenir, de distribuer et de promouvoir des implants contraceptifs.

En mai, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [ONU] a estimé que les Philippines avaient porté atteinte aux droits humains des femmes en empêchant celles-ci de bénéficier de toute une série de services concernant la santé reproductive, notamment de contraceptifs universels et vendus à un prix abordable.

1. Philippines. L’audience du Sénat doit être une première étape en vue d’éradiquer la torture (communiqué de presse, 12 janvier)

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