Rapport annuel 2016

SRI LANKA

République socialiste démocratique du Sri Lanka Chef de l’État et du gouvernement : Maithripala Sirisena (a remplacé Mahinda Rajapaksa en janvier)

Un nouveau gouvernement, arrivé au pouvoir en janvier, a lancé des réformes constitutionnelles et promis une meilleure protection des droits humains. De nombreuses violations des droits humains ont continué d’être signalées : arrestations et détentions arbitraires, actes de torture et autres formes de mauvais traitements, disparitions forcées et morts en détention. En outre, un climat d’impunité prévalait de longue date pour ces violations et d’autres exactions.

CONTEXTE

En septembre, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a conclu, à l’issue d’une enquête sur des violations qui auraient été commises pendant les sept dernières années du conflit armé et immédiatement après sa conclusion, que les disparitions forcées, les homicides illégaux, les actes de tortures et autres mauvais traitements, les violences sexuelles, l’enrôlement forcé, y compris d’enfants, les attaques militaires directes contre des civils et le refus d’accès à l’aide humanitaire, ainsi que la privation systématique de liberté des personnes déplacées en fonction de leur origine ethnique, pouvaient constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. Il a recommandé des réformes juridiques et procédurales pour remédier aux violations persistantes, et la création d’un tribunal spécial hybride composé d’enquêteurs, de juges, de procureurs et d’avocats internationaux afin de juger les personnes soupçonnées de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Le gouvernement a marqué son accord avec ces conclusions en coparrainant, en septembre, une résolution du Conseil des droits de l’homme [ONU] qui appelait à la mise enœuvre des recommandations du rapport. Elle proposait notamment des garanties de protection efficace des témoins et la consultation des victimes et de leurs familles lors de la conception des mécanismes de vérité et justice.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES
Des Tamouls soupçonnés d’avoir des liens avec les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE) ont été arrêtés et détenus au titre de la Loi relative à la prévention du terrorisme (PTA), qui autorisait la détention administrative prolongée et faisait reposer la charge de la preuve sur les détenus qui affirmaient avoir subi des actes de torture ou d’autres mauvais traitements.

En septembre, le gouvernement s’est engagé à abroger cette loi et à la remplacer par une législation antiterroriste conforme aux normes internationales. Il a également promis d’examiner les registres de détention et a affirmé avoir remis en liberté au moins 45 prisonniers à l’issue d’une « réadaptation ». Certains prisonniers restaient détenus de nombreuses années en attendant leur inculpation ou leur jugement. Le dirigeant de l’opposition Rajavarothiam Sampanthan a déclaré au Parlement en décembre que 217 personnes étaient toujours incarcérées au titre de la PTA ; la plupart n’avaient pas été jugées. Ce nombre ne tenait pas compte des personnes faisant l’objet d’une « réadaptation » – une autre forme de détention arbitraire.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements en détention – dont des violences sexuelles – ont continué d’être signalés, et l’impunité a persisté pour les auteurs de tels actes. En octobre, l’inspecteur général de la police a ouvert une enquête sur les violences qu’auraient subies un adolescent de 17 ans et un homme arrêtés en septembre en lien avec le viol et le meurtre d’une fillette de cinq ans à Kotadeniyawa. Leur avocat a déclaré que la police les avait tous deux passés à tabac, dénudés et photographiés afin de leur arracher de faux aveux. Ils ont été libérés sans avoir été inculpés. Peu avant ces faits, le gouvernement avait promis au Conseil des droits de l’homme qu’il donnerait des consignes précises à toutes les branches des forces de sécurité afin de leur rappeler que la torture et les autres formes de mauvais traitements, dont les violences sexuelles, entre autres violations des droits humains, étaient interdites et que les responsables de tels actes feraient l’objet d’enquêtes et seraient sanctionnés.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE
Cette année encore, des plaintes pour recours excessif à la force dans le cadre du maintien de l’ordre pendant des manifestations ont été recensées, et l’impunité est restée de mise pour les cas survenus par le passé. Les conclusions de l’enquête menée par l’armée à propos des manifestants non armés tués par des militaires en août 2013 alors qu’ils réclamaient l’accès à l’eau potable n’ont pas été rendues publiques. Personne n’avait été traduit en justice à la fin de l’année. Une enquête confiée à un magistrat était en cours.

MORTS EN DÉTENTION
Cette année encore, des morts en détention survenues dans des circonstances suspectes ont été signalées. Des prisonniers sont morts de blessures pouvant résulter d’actes de torture et d’autres mauvais traitements, notamment des passages à tabac ou des étouffements. La police a affirmé que les suspects s’étaient suicidés ou, dans un cas, que la personne s’était noyée en tentant de s’évader.

DISPARITIONS FORCÉES
Le témoignage d’un représentant de la police judiciaire dans le cadre des requêtes en habeas corpus déposées par les familles de cinq jeunes disparus en 2008 en périphérie de la capitale, Colombo, a confirmé lesinformations d’un ancien détenu selon lesquelles la marine avait géré des camps de détention secrets à Colombo et à Trincomalee, où des détenus auraient été torturés et exécutés.

La Commission présidentielle chargée d’enquêter sur les plaintes relatives aux personnes disparues a reçu 18 586 signalements de civils disparus, mais peu de progrès ont été accomplis dans la recherche d’informations sur leur sort ou leur localisation, ainsi que dans la comparution en justice des responsables de ces disparitions forcées. En octobre, ayant constaté une méfiance généralisée à l’égard de cette Commission, le gouvernement a annoncé qu’elle serait remplacée par une autre entité. En octobre, il a signé la Convention contre les disparitions forcées et s’est engagé à la ratifier, ainsi qu’à ériger les disparitions forcées en infraction pénale.

IMPUNITÉ
Les crimes de droit international présumés commis pendant le conflit armé sont restés impunis, notamment les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et le pilonnage délibéré de civils et de zones protégées, comme les hôpitaux. L’impunité est aussi restée la norme pour de nombreuses autres violations des droits humains, telles que l’exécution extrajudiciaire de cinq étudiants à Trincomalee par les forces de sécurité en janvier 2006 ; la mort de 17 travailleurs humanitaires d’Action contre la faim tués à Muttur en août 2006 ; le meurtre du journaliste Lasantha Wickrematunge en janvier 2009 ; et la disparition des militants politiques Lalith Weeraraj et Kugan Muruganandan à Jaffna en 2011. Des militaires et leurs alliés ont été interrogés sur la disparition en 2010 de Prageeth Eknaligoda, un dessinateur de presse dissident. L’enquête n’était pas terminée à la fin de l’année.

Le rapport d’une commission d’enquête de 2006 chargée de faire la lumière sur les exécutions survenues à Trincomalee et Muttur a enfin été publié en octobre. Ildénonçait le manque de professionnalisme des enquêtes initiales de la police. Le rapport d’une enquête sur la mort de civils pendant le conflit armé, également publié en octobre, a appelé à l’adoption d’une nouvelle loi reconnaissant la responsabilité de la hiérarchie, ainsi qu’à l’ouverture d’une information judiciaire indépendante sur des allégations crédibles selon lesquelles des membres des forces armées auraient commis des crimes de guerre.

DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
En janvier, des têtes de chien coupées ont été déposées devant chez Brito et Prasanga Fernando, deux militants de l’organisation de défense des droits humains Right to Life.

Tous deux et leur collègue Phillip Dissanayake ont également reçu des menaces téléphoniques dans lesquelles étaient évoquées leurs actions militantes contre des policiers soupçonnés d’être impliqués dans des disparitions forcées.

Des défenseurs des droits humains dans le nord et l’est du pays ont de nouveau signalé qu’ils étaient surveillés par la police et l’armée, et qu’ils avaient été interrogés sur leur travail pour des ONG locales et sur leur participation à des réunions politiques, des manifestations, des campagnes pour l’obligation de rendre des comptes en matière de droits humains et de grands événements internationaux, comme les sessions du Conseil des droits de l’homme [ONU]. Des militants de l’est du Sri Lanka auraient reçu des appels téléphoniques anonymes leur demandant des précisions sur les réunions auxquelles ils avaient participé, ainsi que des menaces anonymes après avoir signé une déclaration appelant à l’ouverture d’une enquête indépendante internationale sur des crimes de guerre présumés.
Balendran Jeyakumari, une militante qui lutte contre les disparitions forcées, a été libérée sous caution en mars après avoir passé presque un an en détention sans inculpation au titre de la PTA. Elle a de nouveau été arrêtée et détenue pendant plusieurs jours en septembre. Le 30 juin, letribunal de première instance de Colombo a levé les restrictions en matière de déplacements imposées à Ruki Fernando depuis mars 2014. Ces restrictions avaient été prises à la demande du Service d’enquête sur le terrorisme (TID) après que cet homme et un prêtre catholique, Praveen Mahesan, avaient été arrêtés au titre de la PTA pour avoir tenté d’enquêter sur l’arrestation de Balendran Jeyakumari. À la fin de l’année, Ruki Fernando n’avait toujours pas le droit de s’exprimer sur l’enquête en cours du TID, et ses appareils électroniques confisqués ne lui ont pas été restitués.

LIBERTÉ D’EXPRESSION, DE RÉUNION ET D’ASSOCIATION
Le président Maithripala Sirisena a déclaré Journée du souvenir le 19 mai, date anniversaire de la fin du long conflit armé dans le pays. Il a souligné que cette journée avait pour but de rendre hommage à toutes les personnes mortes pendant la guerre.

Cette décision a laissé augurer une levée des restrictions imposées jusque-là aux commémorations organisées par les Tamouls dans le nord du pays. De fait, des commémorations ont été autorisées dans la plupart des régions, mais une forte présence policière a été signalée lors de ces rassemblements dans le nord et l’est, et des cérémonies auraient été interdites par les forces de sécurité à Mullaitivu, site de l’offensive finale.
Cette année encore, des personnes qui assistaient à des rassemblements et participaient à des actions militantes, notamment dans le nord et l’est, se sont plaintes du harcèlement et de la surveillance imposés par les forces de sécurité.

SYSTÈME JUDICIAIRE
Le nouveau gouvernement a rétabli dans ses fonctions la présidente de la Cour suprême, Shirani Bandaranayake, qui avait été destituée en 2013 pour des raisons politiques. Elle a immédiatement annoncé son départ à la retraite et elle a été remplacée par Kanagasabapathy Sripavan. Le nouveaugouvernement a promulgué le 19e amendement à la Constitution, qui impose des garde-fous au pouvoir exécutif, notamment en mettant fin à la nomination et la destitution, directement par le président, des juges de haut rang et des membres des principales institutions, telles que la Commission des services judiciaires (JSC). Ces pouvoirs ont été transférés à un Conseil constitutionnel.

DISCRIMINATION – MINORITÉS RELIGIEUSES
Les musulmans et les chrétiens ont continué à signaler des cas de harcèlement imputables à la police, à des particuliers et à des personnalités politiques, en particulier dans le contexte de campagnes menées par des partis politiques bouddhistes radicaux à l’approche des élections législatives, en août. De précédents incidents de violence et d’intimidation à l’encontre de minorités religieuses n’avaient toujours pas fait l’objet d’enquêtes. Personne n’a eu à rendre de comptes pour les décès, blessures et pertes matérielles subies par les habitants musulmans d’Aluthgama Dharga Town et de Beruwala lors d’émeutes en juin 2014.

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES

En mai, le viol et le meurtre de Sivayoganathan Vidhya, 17 ans, sur l’île de Pungudutivu a provoqué des manifestations de grande ampleur exigeant que justice soit faite dans les affaires de violences à l’égard des femmes et des filles. La police locale a été critiquée pour avoir refusé de rechercher l’adolescente disparue ; des agents auraient déclaré à sa famille qu’elle s’était probablement enfuie avec un petit ami. En septembre, le viol et le meurtre d’une fillette de cinq ans à Kotadeniyama ont suscité des appels au rétablissement de la peine de mort, même après que l’on eut appris que la police avait torturé deux suspects pour leur soutirer de faux aveux.

Les éléments de preuve étaient de plus en plus nombreux à indiquer que les violencessexuelles auraient été utilisées de façon systématique contre les Tamouls (détenus, membres des LTTE qui s’étaient rendus et civils) pendant et immédiatement après le conflit, donnant un nouvel élan aux appels à la création d’un mécanisme judiciaire pour juger les crimes de guerre. La condamnation, le 7 octobre, de quatre soldats pour le viol en réunion d’une femme dans un camp de réinstallation à Kilinochchi, en 2010, a été considérée par beaucoup comme une petite victoire face au climat d’impunité généralisée.

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