Rapport annuel 2017

Érythrée

État d’Érythrée
Chef de l’État et du gouvernement : Issayas Afeworki

Cette année encore, des milliers de personnes ont quitté le pays, souvent pour échapper au service national à durée indéterminée. Le droit des citoyens de quitter le territoire était toujours soumis à des restrictions. Le droit à la liberté d’expression et de religion demeurait restreint. Les forces de sécurité ont commis des homicides illégaux. La détention arbitraire sans inculpation ni jugement est restée la norme pour des milliers de prisonniers d’opinion.

Contexte

Le changement de monnaie a eu des répercussions sur les moyens de subsistance des ménages. En vertu de réglementations du gouvernement, les retraits effectués sur des comptes bancaires détenus par des particuliers étaient limités à 5 000 nakfas (290 dollars des États-Unis) par mois.

Entre le 12 et le 14 juin, des affrontements armés ont opposé l’armée érythréenne à l’armée éthiopienne. Des centaines de combattants auraient été tués. L’Érythrée et l’Éthiopie se sont accusées mutuellement d’avoir été à l’origine du conflit. Les relations entre les deux pays sont demeurées tendues depuis que l’Éthiopie a demandé à engager des pourparlers avant l’application de la décision de la Commission du tracé de la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie.

Travail forcé – service national

Le service national obligatoire à durée indéterminée a perduré, bien que l’État se soit engagé en 2014 à y mettre fin. Un grand nombre d’appelés continuaient d’effectuer leur service national pendant une période indéfinie, qui pouvait aller jusqu’à 20 ans. Bien que la législation fixe l’âge minimum pour effectuer son service militaire à 18 ans, dans la pratique, des mineurs ont cette année encore été astreints à un entraînement militaire au motif qu’ils devaient accomplir leur 12e année scolaire (études secondaires) dans le camp militaire de Sawa, où ils étaient soumis à des conditions de vie très dures et à une discipline de type militaire, et formés au maniement des armes. Sur les 14 000 personnes ayant obtenu leur diplôme au camp en juillet, 48 % étaient des femmes. Celles-ci étaient davantage victimes de mauvais traitements que les hommes, notamment d’esclavage sexuel, de torture et d’autres atteintes sexuelles.

Les appelés étaient mal payés et ne bénéficiaient que de rares permissions accordées de façon arbitraire, ce qui se traduisait souvent par une désorganisation de la vie familiale. Ils servaient dans les forces de défense ou étaient affectés à des tâches dans des secteurs tels que l’agriculture, la construction, l’enseignement et l’administration. Le droit à l’objection de conscience n’était prévu par aucune disposition.

Des personnes âgées étaient toujours enrôlées dans l’« Armée populaire », où elles étaient armées et contraintes d’effectuer des tâches sous la menace de punitions. La conscription touchait des hommes jusqu’à l’âge de 67 ans.

Droit de circuler librement

Le droit des citoyens de quitter le territoire était limité. Les autorités ont continué d’interdire aux personnes âgées de cinq à 50 ans de se rendre à l’étranger et quiconque tentait de passer la frontière était arrêté arbitrairement. Les personnes souhaitant partir pour des questions de regroupement familial étaient obligées de passer par les frontières terrestres et de prendre des vols au départ d’autres pays. Si elles étaient arrêtées par l’armée en chemin, elles étaient placées en détention sans inculpation jusqu’à ce qu’elles paient des amendes exorbitantes. Le montant dépendait de plusieurs éléments, notamment du commandant effectuant l’arrestation et du moment de l’année. Les personnes arrêtées au moment de la fête de l’indépendance, par exemple, devaient acquitter des amendes plus élevées. Il en était de même pour celles qui avaient tenté de traverser la frontière avec l’Éthiopie. La ligne de conduite consistant à « tirer pour tuer » sur toute personne essayant de s’échapper et de franchir la frontière avec l’Éthiopie a continué d’être appliquée. Les mineurs proches de l’âge de la conscription qui étaient interceptés étaient envoyés au camp d’entraînement militaire de Sawa.

Homicides illégaux

En avril, des membres des forces de sécurité ont abattu au moins 11 personnes à Asmara, la capitale. Plusieurs appelés du service national avaient tenté de s’échapper alors qu’ils se trouvaient à bord d’un camion de l’armée. Des passants auraient aussi été tués. Aucune enquête n’avait été ouverte sur ces homicides à la fin de l’année.

Prisonniers d’opinion

Des milliers de prisonniers d’opinion et de prisonniers politiques, notamment d’anciens responsables politiques, journalistes et pratiquants de religions non autorisées, restaient détenus sans inculpation ni jugement, et sans pouvoir entrer en contact avec un avocat ou leur famille. Beaucoup étaient incarcérés depuis bien plus de 10 ans.

En juin, le ministre des Affaires étrangères a annoncé que 21 responsables politiques et journalistes arrêtés en septembre 2001 étaient en vie et seraient jugés lorsque l’État le déciderait. Il a refusé de révéler aux familles où ces prisonniers se trouvaient et quel était leur état de santé. Les intéressés avaient été placés en détention après avoir publié une lettre ouverte au gouvernement et au président Issayas Afeworki pour réclamer des réformes et un dialogue démocratique. Onze d’entre eux étaient d’anciens membres du conseil central du parti au pouvoir, le Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ). À la fin de l’année, ils étaient toujours en détention dans l’attente de leur procès.

Droits des réfugiés et des migrants

Des milliers d’Érythréens ont fui leur pays cette année encore. Pour les seuls mois de janvier à juillet, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a recensé 17 147 demandeurs d’asile érythréens dans 44 pays. Ils étaient en butte à de graves atteintes aux droits humains dans les pays de transit ou de destination. Ainsi, en mai, le Soudan a expulsé des centaines de migrants vers l’Érythrée après les avoir arrêtés alors qu’ils tentaient de gagner la frontière avec la Libye. Par ailleurs, les Érythréens qui essayaient de se rendre en Europe risquaient d’être victimes de détention arbitraire, d’enlèvement, de violences sexuelles et de mauvais traitements.

Surveillance internationale

En juin, la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en Érythrée [ONU] a communiqué ses conclusions au Conseil des droits de l’homme [ONU]. Elle a estimé que les autorités érythréennes s’étaient rendues coupables de crimes contre l’humanité depuis l’accession du pays à l’indépendance en 1991, notamment l’esclavage, les disparitions forcées, la détention arbitraire, la torture, le viol et le meurtre.

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