Rapport annuel 2017

Éthiopie

République fédérale démocratique d’Éthiopie
Chef de l’État : Mulatu Teshome Wirtu
Chef du gouvernement : Hailemariam Desalegn

La police a eu recours à une force excessive et meurtrière pour réprimer une longue série de manifestations organisées pour exprimer des revendications politiques, économiques, sociales et culturelles. La répression de l’opposition politique s’est traduite par des arrestations arbitraires massives, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, des procès inéquitables et des violations du droit à liberté d’expression et d’association. Le 9 octobre, le gouvernement a proclamé l’état d’urgence, ce qui a entraîné d’autres violations des droits humains.

Contexte

Face aux manifestations répétées dans les régions Oromia et Amhara, les autorités ont adopté des réformes. Celles-ci n’ont cependant pas répondu aux revendications des manifestants, notamment en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels, le respect de l’état de droit et la libération de prisonniers d’opinion.

Les manifestations qui avaient commencé en novembre 2015 en Oromia contre le Grand programme pour Addis-Abeba, lequel prévoyait d’étendre la capitale au détriment de terres appartenant à des agriculteurs oromos, ont continué même après que le gouvernement a renoncé à ce programme en janvier.

À la fin du mois de juillet, des habitants de la région Amhara ont manifesté contre l’arrestation arbitraire de membres du Comité pour l’identité et l’autodétermination du Wolqait et ont demandé plus d’autonomie régionale, conformément à la Constitution. Des manifestations ont également été organisées par les Konsos de la région des Peuples, nations et nationalités du Sud pour réclamer une plus grande autonomie administrative.

Des militants ont annoncé une « semaine de rage » après la mort d’au moins 55 personnes dans un mouvement de foule qui aurait été causé par les violentes opérations de maintien de l’ordre de la police lors de la fête oromo de l’Irrecha, le 2 octobre. Certaines manifestations ont dégénéré et des manifestants ont incendié et détruit des commerces et des bâtiments gouvernementaux.

Après la déclaration de l’état d’urgence en octobre, les manifestations ont diminué, mais les violations des droits humains ont augmenté.

Recours excessif à la force

Les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive et meurtrière contre des manifestants. Elles avaient tué au moins 800 personnes entre le début des manifestations en novembre 2015 et la fin de l’année 2016.

Les forces gouvernementales ont par exemple tué au moins 100 personnes les 6 et 7 août, lorsqu’un appel à manifester a été lancé à Addis-Abeba. Plus de 1 000 manifestants ont été arrêtés et conduits à la base militaire d’Awash Arba, où ils ont été frappés et forcés à faire des exercices physiques intenses par temps chaud.

Liberté d’expression et de réunion

La répression des défenseurs des droits humains, des médias indépendants, des journalistes, des blogueurs, des manifestants pacifiques et des membres et dirigeants de l’opposition politique s’est intensifiée au cours de l’année, les autorités ayant souvent eu recours à des dispositions de la Loi de 2009 relative à la lutte contre le terrorisme à cette fin. La proclamation de l’état d’urgence a entraîné d’autres restrictions de la liberté d’expression, notamment le blocage momentané d’Internet.

Dans le cadre de l’état d’urgence, plus de 11 000 personnes ont été arrêtées et placées en détention sans pouvoir contacter un avocat ou leur famille, et sans voir aucun juge. Parmi les personnes arrêtées arbitrairement figuraient Befeqadu Hailu, un membre du collectif de blogueurs Zone 9 ; Merera Gudina, le président du Congrès fédéraliste oromo (CFO) ; Anania Sorri et Daniel Shibeshi, membres de l’ancien parti Unité pour la démocratie et la justice (Andinet) ; et Elias Gebru, un journaliste. Addisu Teferi, Feqadu Negeri, Roman Waqweya et Bulti Tessema, tous les quatre membres du Conseil éthiopien des droits humains, une ONG nationale, ont été arrêtés à Neqmte, dans l’Oromia.

Procès inéquitables

Des militants politiques ont fait l’objet de procès inéquitables pour des accusations au titre de la Loi relative à la lutte contre le terrorisme, qui définit les actes terroristes de manière excessivement large et en des termes vagues, et qui prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à 20 ans d’emprisonnement.

Gurmesa Ayano et le président adjoint du CFO Beqele Gerba, tous deux des dirigeants de l’opposition, faisaient partie des 22 accusés qui ont fait l’objet d’un procès inéquitable pour des accusations au titre de la Loi relative à la lutte contre le terrorisme en raison de leur rôle dans l’organisation des manifestations de novembre 2015 dans la région Oromia. Le 11 mai, alors qu’ils devaient comparaître devant le tribunal, les autorités ont refusé de les y conduire car ils portaient des costumes noirs en signe de deuil pour les personnes tuées pendant les manifestations. Lors de l’audience suivante, qui s’est tenue le 3 juin, les représentants de l’administration pénitentiaire les ont conduits au tribunal en sous-vêtements. Les accusés ont déclaré au tribunal qu’ils avaient été frappés en détention et que des représentants de l’administration pénitentiaire leur avaient pris leurs vêtements. Le tribunal n’a pas ordonné qu’une enquête soit ouverte sur leurs allégations de torture et d’autres mauvais traitements.

Desta Dinka, coordinateur des jeunes du CFO, a été maintenu en détention provisoire du 23 décembre 2015 à mai 2016, avant d’être inculpé au titre de la Loi relative à la lutte contre le terrorisme. Le tribunal a ordonné son placement en détention dans l’attente de son procès. La loi limite la détention provisoire à quatre mois.

Berhanu Tekleyared, Eyerusalem Tesfaw et Fikremariam Asmamaw ont été privés de leur droit de présenter une défense lors de leur procès pour des accusations liées au terrorisme. Ils ont malgré cela été déclarés coupables le 20 juillet.

Impunité

Le gouvernement a rejeté les appels du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples demandant que des enquêtes indépendantes et impartiales soient menées sur les violations des droits humains commises dans le cadre des manifestations qui se sont déroulées dans plusieurs régions.

Exécutions extrajudiciaires

La police Liyu, une unité de forces spéciales de la région Somali, dans l’est de l’Éthiopie, a procédé à 21 exécutions extrajudiciaires à Jamaa Dhuubed le 5 juin. Quatorze personnes ont été abattues dans la mosquée du village et sept autres personnes dans d’autres endroits du village. Lorsque les proches des victimes sont venus pour faire leur deuil et enterrer les morts, la police Liyu a menacé de les tuer.

Droits en matière de logement – expulsions forcées

Le 30 juin, le gouvernement a expulsé de force au moins 3 000 habitants du district de Lafto, à Addis-Abeba, qui étaient considérés comme des « squatteurs ». Les habitants n’auraient pas été consultés au préalable, aucune solution de relogement ne leur aurait été proposée et ils n’auraient bénéficié d’un préavis d’expulsion que de trois jours. Les forces gouvernementales ont commencé à détruire leurs logements alors que les habitants rencontraient des représentants de l’administration locale pour se plaindre. La situation a tourné à la violence et l’administrateur du district et deux policiers ont été tués. La police a arrêté tous les hommes parmi les habitants et a terminé la démolition dans les jours qui ont suivi.

Enlèvements d’enfants

Les autorités n’ont pas fait le nécessaire pour protéger les habitants de la région Gambela des attaques répétées par des membres armés du groupe ethnique des Murles, basé au Soudan du Sud, pays voisin de l’Éthiopie. Des centaines d’enfants ont été enlevés pendant ces attaques. En février et mars, des combattants murles ont enlevé 26 enfants anuaks. Dans la nuit du 15 avril, ils ont attaqué 13 villages nuers dans les districts de Jikawo et de Lare (région Gambela) ; ils ont tué 208 personnes et enlevé 159 enfants. En juin, les forces éthiopiennes avaient porté secours à 91 des enfants enlevés.

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