Rapport annuel 2017

Somalie

République fédérale de Somalie
Chef de l’État : Hassan Sheikh Mohamud
Chef du gouvernement : Omar Abdirashid Ali Sharmarke
Président de la République du Somaliland : Ahmed Mohamed Mahamoud Silyano

Le conflit armé opposant les forces du gouvernement fédéral somalien et les soldats de maintien de la paix de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) au groupe armé Al Shabab s’est poursuivi dans le centre et le sud du pays. Les forces gouvernementales et celles de l’AMISOM ont gardé le contrôle des régions du centre et du sud du pays dont elles étaient maîtresses. Plus de 50 000 civils ont été tués, blessés ou déplacés par le conflit armé et la violence généralisée. Toutes les parties au conflit se sont rendues coupables, en toute impunité, d’atteintes aux droits humains et au droit international humanitaire, parfois constitutives de crimes de guerre. Les groupes armés ont continué d’enrôler des enfants et d’enlever et torturer des civils, ou de commettre des homicides illégaux contre la population civile. Le viol et les autres formes de violences sexuelles étaient des pratiques répandues. L’accès des organisations humanitaires à certaines régions était entravé par la poursuite des combats, l’insécurité et les restrictions imposées par les parties au conflit. Quelque 4,7 millions de personnes avaient besoin d’une aide humanitaire ; 950 000 souffraient d’insécurité alimentaire. Des dizaines de milliers de personnes ont été expulsées de force de leur domicile. La liberté d’expression a fait l’objet de restrictions : deux journalistes ont été tués et d’autres ont été agressés, harcelés ou condamnés à des amendes.

Contexte

Le gouvernement fédéral somalien et l’AMISOM ont gardé le contrôle de la capitale, Mogadiscio. Ils sont également restés maîtres de zones prises à Al Shabab en 2015 et ont consolidé leur contrôle par l’intermédiaire des administrations fédérales dans les États du Galmudug, du Sud-Ouest et du Jubaland. L’AMISOM et les Forces armées nationales somaliennes ont affronté Al Shabab par intermittence, sans que cela n’entraîne un changement en termes de contrôle du territoire. À la fin de 2016, Al Shabab restait maître de nombreuses zones rurales, tout particulièrement dans les régions de Bay, de Gedo, du Bas-Shabelle et de Juba centre. Les combats ont entraîné de nouveaux déplacements de population. Les affrontements entre clans et les attaques d’Al Shabab contre des civils ont continué, en particulier dans les districts contrôlés tantôt par l’AMISOM, tantôt par Al Shabab. Des civils ont été tués ou blessés lors d’échanges de coups de feu et d’attaques ciblées, de l’utilisation de grenades ou de bombes artisanales, d’attentats-suicides et d’attaques complexes. Toutes les parties au conflit ont commis des crimes de guerre.

La résolution 2275 adoptée en mars par le Conseil de sécurité des Nations unies a prorogé jusqu’au 31 mars 2017 le mandat de la Mission d’assistance des Nations unies en Somalie (MANUSOM), et la résolution 2297 adoptée en juillet a prolongé celui de l’AMISOM jusqu’au 31 mai 2017. Les forces de sécurité gouvernementales et les milices alliées, ainsi que l’AMISOM, étaient toujours soutenues par la communauté internationale. À la suite de pressions pour que les parties au conflit rendent compte de leurs actes, neuf soldats ougandais de l’AMISOM ont été condamnés à des peines d’emprisonnement pour avoir violé les règles du maintien de la paix.

La situation humanitaire demeurait très précaire et il était à craindre que le retour de Somaliens de pays voisins n’exacerbe la crise. Au moins 4,7 millions de personnes, soit 40 % de la population, avaient besoin d’assistance ; les plus de 1,1 million de personnes déplacées étaient les plus vulnérables.

Le pays a été confronté à une crise politique à propos des collèges électoraux pour les élections législatives et présidentielle, qui devaient avoir lieu respectivement en septembre et en octobre. Un forum mis en place par des dirigeants politiques a finalement convenu que 275 collèges électoraux, formés chacun de 51 délégués choisis par les chefs de clans, éliraient chacun un député. Les élections pour les chambres haute et basse du Parlement, qui étaient prévues respectivement en septembre et en octobre, ont été reportées deux fois. De son côté, Al Shabab a rejeté toute forme d’élection et intensifié ses attaques. Le groupe a appelé ses partisans à attaquer les bureaux de vote et à tuer les chefs de clans, les responsables gouvernementaux et les députés qui participaient aux élections.

Exactions perpétrées par des groupes armés

Attaques menées sans discernement

Al Shabab a commis des attentats meurtriers aveugles dans des secteurs bien gardés de Mogadiscio et d’autres villes, faisant des centaines de morts et de blessés parmi la population civile. Les cibles très en vue étaient exposées à ce type d’attaques. Il était difficile d’établir le nombre de civils tués dans ces attaques en raison de l’absence de système fiable de suivi des données sur les victimes civiles.

Le 21 janvier, une attaque d’Al Shabab contre l’hôtel Beach View et le restaurant de fruits de mer Lido, sur la plage du Lido, à Mogadiscio, a fait au moins 20 morts. Un attentat-suicide à la voiture piégée contre un poste de police de Mogadiscio a coûté la vie à trois personnes le 9 mars. Au moins quatre personnes ont été tuées et sept autres blessées le 9 avril lors d’un attentat-suicide contre un restaurant à proximité d’un bâtiment de l’administration locale à Mogadiscio. Cinq personnes au moins ont trouvé la mort le 9 mai à la suite d’un attentat-suicide à la voiture piégée contre le siège de la police de la route à Mogadiscio. Le 26 juin, une attaque d’Al Shabab contre l’hôtel Nasa Hablod de Mogadiscio a fait au moins 15 morts plus de 20 blessés. Quatorze civils ont été tués dans des échanges de tirs le 18 juillet lors d’affrontements entre des combattants d’Al Shabab et les Forces armées nationales somaliennes dans la région de Bay. Le 26 juillet, 10 personnes au moins – des civils et des membres des forces de sécurité – ont trouvé la mort lors de l’explosion de deux voitures piégées devant un bureau des Nations unies à Mogadiscio. Deux attentats-suicides perpétrés le 21 août contre le siège du gouvernement local à Galkayo, dans le Puntland, une région semi-autonome du nord-est de la Somalie, ont tué 20 civils au moins. Le 26 août, une attaque d’Al Shabab contre le restaurant de plage Banadir, sur la plage du Lido à Mogadiscio, a causé la mort d’au moins 10 civils. Le 30 août, l’explosion d’un camion devant l’hôtel SYL de Mogadiscio, à proximité du palais présidentiel, a fait au moins 15 morts et 45 blessés.

Des civils directement pris pour cible

Des civils ont également été directement visés lors des attaques, particulièrement par des membres d’Al Shabab et des milices claniques. Le 15 juin, Al Shabab a tiré des obus de mortier contre des zones densément peuplées de Mogadiscio ; cinq fortes explosions ont été entendues, mais aucun décès n’a été signalé. Le 6 août, des membres d’Al Shabab ont tiré des obus de mortier contre un quartier proche de l’hôpital général de Baidoa ; un homme a été tué et six autres personnes blessées.

Par ailleurs, cette année encore, les membres d’Al Shabab ont torturé et tué illégalement des personnes qu’ils accusaient d’espionnage ou qui ne se conformaient pas à leur interprétation de la loi islamique. Ils ont procédé à des exécutions en public, notamment par lapidation et décapitation, ainsi qu’à des amputations et des flagellations, en particulier dans les régions d’où l’AMISOM s’était retirée. Le 19 janvier, dans le district de Kurtuwary, des membres d’Al Shabab ont tué un homme qu’ils accusaient de sorcellerie. Trois hommes accusés d’espionnage au profit du gouvernement fédéral ont été décapités le 20 mai par Al Shabab dans le district de Buur Hakaba (région de Bay). Le 17 août, un homme également accusé d’espionnage au profit du gouvernement fédéral a été fusillé en public par un peloton d’exécution d’Al Shabab à Biyoley, non loin de Baidoa.

Cette année encore, des milices claniques ou alliées au gouvernement se sont rendues responsables d’exécutions extrajudiciaires, d’extorsion, d’arrestations arbitraires et de viols. Le 7 août, une milice clanique a tiré des obus de mortier contre des civils dans le district de Qansax Dheere (région de Bay) ; trois personnes ont été tuées. Plusieurs civils ont trouvé la mort en août lors d’affrontements entre clans dans la région de Bay.

Enfants soldats

Cette année encore, toutes les parties au conflit ont perpétré des atteintes graves aux droits fondamentaux des enfants. La Somalie est partie à la Convention relative aux droits de l’enfant [ONU], mais le gouvernement fédéral n’a pas mis en œuvre les deux plans d’action signés en 2012 et visant à mettre un terme au recrutement et à l’utilisation d’enfants soldats, ainsi qu’aux homicides et aux mutilations dont sont victimes des enfants.

En juin, l’UNICEF a déclaré avoir recensé jusqu’à 5 000 enfants soldats en Somalie, recrutés pour la plupart par Al Shabab et les milices claniques.

Personnes déplacées, réfugiés et demandeurs d’asile

Plus de 1,1 million de Somaliens étaient toujours déplacés à l’intérieur du pays. La plupart d’entre eux ont continué de s’installer le long du corridor d’Afgooye, entre Mogadiscio et Afgooye. Les affrontements sporadiques opposant les Forces armées nationales somaliennes et leurs alliés de l’AMISOM à Al Shabab ont perturbé le commerce dans plusieurs régions. Les Forces armées nationales somaliennes et l’AMISOM contrôlaient les villes principales tandis qu’Al Shabab bloquait les voies d’approvisionnement et taxait la population civile dans les districts qu’il contrôlait. La poursuite du conflit menaçait d’exacerber la situation humanitaire déjà désastreuse.

Le Parlement fédéral a adopté, en janvier, une loi visant à protéger et réinsérer les réfugiés somaliens et les personnes déplacées, mais sa mise en application était lente. On recensait plus de 1,1 million de réfugiés somaliens dans les pays voisins et dans la diaspora plus lointaine. Les Somaliens réfugiés au Yémen, fuyant l’escalade de la violence dans ce pays, ont continué de rentrer en Somalie. Ils étaient plus de 30 500 à l’avoir fait à la fin de l’année. Par ailleurs, d’autres pays accueillant des demandeurs d’asile et des réfugiés somaliens, dont le Danemark et les Pays-Bas, ont exercé des pressions sur les Somaliens pour qu’ils rentrent dans leur pays, affirmant que la sécurité s’y était améliorée.

Droits en matière de logement – expulsions forcées

Les expulsions forcées de personnes déplacées et de personnes pauvres vivant en milieu urbain demeuraient un problème majeur, particulièrement à Mogadiscio. Au cours du premier semestre de l’année, les pouvoirs publics et des propriétaires privés ont procédé à l’expulsion forcée de près de 31 000 personnes dans les districts de Deynile, Dharkeinly, Hamar Weyne, Heliwa, Hodan, Kaxda et Wardhigley, à Mogadiscio. Plus de 14 000 personnes ont été expulsées de force durant le seul mois de janvier. La plupart de ces personnes se sont installées dans des zones peu sûres et isolées à la périphérie de la capitale, où les services sociaux étaient limités ou non existants et où elles vivaient dans des conditions déplorables.

Liberté d’expression

Des journalistes et d’autres professionnels des médias ont cette année encore été victimes d’agressions, de harcèlement et de manœuvres d’intimidation. Deux journalistes ont été tués. Le 4 juin, des hommes armés non identifiés ont abattu Sagal Salad Osman, une journaliste qui travaillait pour la radio-télévision d’État. Abdiasis Mohamed Ali, de Radio Shabelle, a été tué par deux hommes armés le 27 septembre à Mogadiscio. Plusieurs organes de presse ont été fermés. Le 9 juillet, des policiers ont effectué une descente dans les locaux de la radio City FM, qu’ils ont fermée. Le rédacteur en chef, Abdishakur Abdullahi Ahmed, et son adjoint, Abdirahman Hussein Omar Wadani, ont été arrêtés. Le matériel de la station de radio a également été saisi. Ali Dahir Herow, un journaliste indépendant, a été arrêté le 13 août par la police de la région de Beledweyn. Al Shabab a continué d’imposer des restrictions aux médias et a maintenu l’interdiction d’Internet dans les zones sous son contrôle.

La liberté des médias était également réduite dans le Somaliland, qui ne dispose pas de loi sur les médias protégeant les journalistes. Le gouvernement de ce territoire restreignait la liberté d’expression des personnes qui critiquaient sa politique. En octobre, neuf journalistes ont été arrêtés pour avoir exercé leur profession ; sept d’entre eux ont fait l’objet d’inculpations pénales. Ahmed Mouse Sakaaro, un journaliste basé à Burao, a été arrêté le 25 mai et inculpé d’incitation à la violence. Des policiers ont interpellé en juin Abdirashid Abdiwahaab Ibraahim, éditeur du journal indépendant Foore, et Mohamed Mahamoud Yousuf, rédacteur en chef, auxquels il était reproché d’avoir rendu compte d’un accord sur la gestion du port de Berbera conclu entre le gouvernement du Somaliland et une société privée basée à l’étranger. Deux journalistes, Cabdirashid Nuur Wacays et Siciid Khadar, respectivement éditeur et rédacteur en chef de Hubsad, ont été arrêtés en mai ; le journal a été fermé. En outre, le gouvernement a suspendu la publication de Haartif ; un tribunal a annulé l’autorisation de parution de ce journal et la police a occupé ses locaux.

Peine de mort

La Somalie a continué de recourir à la peine de mort malgré son soutien à la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’un moratoire. Peu d’exécutions ont été signalées, mais le Tribunal militaire, qui appliquait une procédure non conforme aux normes internationales d’équité, a prononcé des sentences capitales. Parmi les condamnés à mort figurait un ancien journaliste accusé d’avoir aidé Al Shabab à tuer cinq autres journalistes. Le 14 août, à Garowe, un tribunal militaire du Puntland a ordonné de passer par les armes un officier de l’armée. On ignorait si l’exécution avait eu lieu.

Dans le Somaliland, six condamnés à mort détenus dans la prison de haute sécurité de Mandera ont été exécutés en janvier. Un tribunal civil de Berbera a condamné huit hommes à mort le 25 juillet. Cette année encore, des tribunaux civils ont prononcé des sentences capitales ; 50 personnes au moins étaient sous le coup d’une condamnation à mort à la fin de l’année.

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