Rapport annuel 2017

Togo

République togolaise
Chef de l’État : Faure Gnassingbé
Chef du gouvernement : Komi Sélom Klassou

Cette année encore, les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive face à des manifestants. Les arrestations et détentions arbitraires, la torture et les autres formes de mauvais traitements, ainsi que l’impunité en cas de violations des droits humains, avaient toujours cours. Une loi portant révision du Code pénal a été adoptée, qui a supprimé la prescription pour les actes de torture. D’autres évolutions législatives, en revanche, ont mis à mal l’indépendance de la Commission nationale des droits de l’homme et le droit à la liberté d’association.

Contexte

En septembre, le Togo a ratifié le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Le pays a été soumis à l’Examen périodique universel (EPU) en octobre. À cette occasion, les États membres des Nations unies ont exprimé leur préoccupation concernant, entre autres, l’impunité et les restrictions pesant sur la liberté d’expression et la liberté de réunion pacifique. Les États se sont aussi inquiétés de l’incapacité des autorités à garantir un enregistrement gratuit des naissances, ce qui peut compromettre l’accès des enfants à l’éducation, aux soins de santé et à d’autres services sociaux.

Recours excessif à la force

En janvier, des policiers et des gendarmes ont lancé des grenades lacrymogènes lors d’une manifestation organisée à l’université de Lomé ; cinq étudiants et trois agents des forces de sécurité ont été blessés.

En août, les forces de sécurité ont blessé au moins 10 personnes au cours d’une manifestation tenue à Abobo-Zéglé. Les participants protestaient parce qu’ils avaient été expulsés de leurs terres pour permettre l’extraction du phosphate. Les forces de sécurité ont chargé les manifestants à grand renfort de gaz lacrymogène, de coups de matraques et de tirs à balles réelles. Les habitants considéraient qu’ils n’avaient pas été suffisamment indemnisés pour leur expulsion.

Torture et autres mauvais traitements

En octobre, l’Assemblée nationale a adopté une loi portant révision du Code pénal, qui a mis la définition de la torture en conformité avec celle figurant dans la Convention contre la torture [ONU] et a rendu ce crime imprescriptible.

Une fois encore, des actes de torture et d’autres mauvais traitements ont été signalés tout au long de l’année.

En juin, Ibrahim Agriga a été arrêté à son domicile, à Guérin-Kouka, par trois policiers. Il a été emmené dans un poste de police et a reçu des coups de matraque sur les fesses et la plante des pieds, dans le but de lui faire « avouer » le vol d’une moto. Libéré sans inculpation au bout de trois jours, il a porté plainte auprès du tribunal de Guérin-Kouka. À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête n’avait été ouverte à la fin de l’année.

Arrestations et détentions arbitraires

Les autorités ont continué de pratiquer la détention arbitraire, en particulier à l’égard des personnes qui exprimaient des opinions dissidentes.

Le 1er avril, Adamou Moussa et Zékeria Namoro ont été détenus arbitrairement à Dapaong après avoir réclamé justice pour les personnes tuées lors de manifestations qui s’étaient tenues à Mango en novembre 2015 (sept civils et un policier avaient alors trouvé la mort). Durant l’interrogatoire, les gendarmes ont accusé Zékeria Namoro d’avoir fourni des informations sur la situation des droits humains à Mango à des journalistes, des groupes de la diaspora et des organisations de défense des droits humains. Adamou Moussa et Zékeria Namoro ont été inculpés d’« incitation à commettre une infraction » et libérés sous caution le 6 septembre.

Cinq hommes étaient toujours détenus sans jugement pour leur rôle présumé dans les manifestations de Mango. On pouvait craindre que ce soit le simple fait d’avoir été les organisateurs de ces manifestations qui leur vaille cette incarcération.

Sur les 10 hommes déclarés coupables en septembre 2011 de participation à la tentative de coup d’État de 2009, sept – dont Kpatcha Gnassingbé, demi-frère du président – demeuraient derrière les barreaux à la fin de l’année 2016.

Liberté d’association

En avril, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi relatif à la liberté d’association, qui n’est pas conforme aux normes internationales. En effet, ce texte dispose que les « associations étrangères ou internationales » doivent obtenir une autorisation afin de pouvoir mener leurs activités au Togo. Il précise également que les associations doivent respecter les lois nationales et la moralité. Cette disposition pourrait être utilisée de façon discriminatoire contre les personnes LGBTI, les relations sexuelles consenties entre adultes de même sexe étant toujours interdites par la loi. En outre, le projet de loi permet la dissolution des associations sur décision du Conseil des ministres, ou du ministre de l’Administration territoriale dans le cas des « associations étrangères et internationales ». Enfin, le texte prévoit des mesures d’incitation fiscale pour les associations qui accepteraient que leurs objectifs et leurs activités fassent l’objet d’un contrôle renforcé de la part de l’État.

Impunité

L’impunité demeurait la règle pour les auteurs de violations des droits humains.

En mars, une loi relative à la liberté d’accès à l’information et à la documentation publique a été adoptée en vue d’accroître la transparence et l’obligation de rendre des comptes. Cependant, en avril, l’Assemblée nationale a adopté un nouveau Code de justice militaire qui risque de favoriser l’impunité. En effet, il donne aux juridictions militaires le pouvoir d’instruire et de juger des infractions de droit commun commises par du personnel militaire, notamment le viol et la torture, et il reconnaît leur compétence pour juger des civils.

La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) a rendu public, en mars, son rapport sur les manifestations de novembre 2015 à Mango. Bien qu’elle ait conclu qu’« un manque de professionnalisme de la part de certains agents des forces de l’ordre et de sécurité et une insuffisance des éléments déployés sur le terrain » avaient entraîné « un usage excessif de la force », aucun membre des forces de sécurité n’avait été jugé et aucune victime indemnisée à la fin de l’année.

Plus de 11 ans après la mort de près de 500 personnes au cours des violences qui avaient émaillé l’élection présidentielle du 24 avril 2005, les autorités n’avaient toujours pris aucune mesure pour identifier les responsables présumés de ces homicides. D’après les informations disponibles, aucune des 72 plaintes déposées par des familles de victimes auprès des tribunaux d’Atakpamé, d’Amlamé et de Lomé n’a fait l’objet d’une enquête exhaustive.

Évolutions législatives, constitutionnelles ou institutionnelles

En mars, l’Assemblée nationale a adopté une loi autorisant le président à nommer les membres de la CNDH sans contrôle parlementaire. Le texte portait également création du Mécanisme national de prévention de la torture (MNP) – chargé de prévenir la torture et d’enquêter sur les cas de torture – au sein de la CNDH, ce qui jetait le doute sur sa capacité à fonctionner en toute indépendance.

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