Rapport annuel 2017

Cambodge

Royaume du Cambodge
Chef de l’État : Norodom Sihamoni
Chef du gouvernement : Hun Sen

La répression contre les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique s’est accentuée avant les élections prévues en 2017 et 2018. Les autorités ont utilisé le système judiciaire de façon de plus en plus abusive, et les forces de sécurité ont continué à harceler et punir la société civile et à faire taire les détracteurs du gouvernement. Des défenseurs des droits humains ont été arrêtés et placés en détention provisoire. Plusieurs ont été jugés et condamnés, notamment pour d’anciennes infractions présumées ; d’autres ont été condamnés à des peines avec sursis ou étaient toujours sous le coup d’une inculpation. L’opposition politique a été prise pour cible. Certains militants purgeaient de lourdes peines infligées les années précédentes, et de nouvelles actions judiciaires ont été engagées contre des responsables des partis d’opposition, entre autres. Un commentateur politique connu a été abattu et les auteurs d’homicides illégaux commis par le passé restaient impunis.

Contexte

Les tensions entre le Parti du peuple cambodgien (PPC), au pouvoir, et le Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC), dans l’opposition, restaient vives. La perspective des élections locales en 2017 et nationales en 2018 suscitait une instabilité politique qui menaçait les droits humains. À partir de mai, les députés du PSNC ont boycotté l’Assemblée nationale par intermittence afin de protester contre les poursuites judiciaires engagées contre le vice-président de leur parti, Kem Sokha, pour défaut de comparution en tant que témoin dans une affaire judiciaire. Le président du PSNC, Sam Rainsy, était toujours en exil volontaire en France ; en octobre, le gouvernement cambodgien a annoncé officiellement qu’il lui était interdit de rentrer au Cambodge. Il a fait l’objet d’une série d’inculpations pénales pendant l’année.

En septembre, 39 États ont publié une déclaration lors de la 33e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour faire part de leur inquiétude face à la situation politique au Cambodge et demander un environnement sûr et favorable pour les défenseurs des droits humains et la société civile.

Liberté d’expression et d’association

Les actions judiciaires contre l’opposition politique ont encore pris de l’ampleur, dans l’objectif semble-t-il d’entraver ses activités avant les élections locales de 2017. Au moins 16 militants ou cadres de l’opposition restaient emprisonnés après un procès inéquitable. Parmi eux figuraient 14 membres du PSNC déclarés coupables d’avoir mené une « insurrection » et/ou d’y avoir pris part, en lien avec une manifestation de juillet 2014. Au moins deux membres de partis d’opposition étaient en détention provisoire et au moins 13 autres faisaient l’objet de diverses accusations.

En décembre, Sam Rainsy et deux de ses assistants ont été condamnés à cinq ans d’emprisonnement pour « complicité » dans une affaire de faux datant de 2015 et impliquant un sénateur de l’opposition, Hong Sok Hour, qui a lui-même été condamné en novembre 2016 à sept ans d’emprisonnement pour escroquerie et provocation. Sam Rainsy et ses deux assistants étaient en exil en France.

En septembre, Kem Sokha a été condamné en son absence à cinq mois de prison pour avoir refusé de témoigner dans le procès de deux députés du PSNC accusés de « proxénétisme ». Il a bénéficié d’une grâce royale en décembre à la demande du Premier ministre.

Um Sam An, député du PSNC, a été condamné en octobre à deux ans et demi d’emprisonnement pour provocation à la suite de la campagne menée par son parti au sujet d’un empiétement présumé du Viêt-Nam sur le territoire cambodgien.

Défenseurs des droits humains

Des défenseurs des droits humains ont été menacés et arrêtés alors qu’ils ne faisaient qu’exercer pacifiquement leurs activités. Les actes d’intimidation, les menaces et la surveillance massive ont poussé plusieurs d’entre eux à quitter le pays par crainte pour leur sécurité.

En mai, des poursuites ont été engagées dans une affaire emblématique contre Ny Sokha, Yi Soksan, Nay Vanda et Lem Mony, quatre employés de l’Association pour les droits de l’homme et le développement au Cambodge (ADHOC) arrêtés le 28 avril, puis inculpés de corruption de témoin. Ny Chakrya, ancien employé de l’ADHOC et secrétaire général adjoint de la Commission électorale nationale (CEN), a quant à lui été inculpé de complicité. Cette affaire porte sur des conseils et une aide matérielle fournis par l’ADHOC à une femme qui aurait eu une relation extraconjugale avec Kem Sokha. En octobre, le juge d’instruction a porté la durée de leur détention provisoire à douze mois. Le ministre de l’Intérieur, Sar Kheng, a annoncé en décembre que ces cinq personnes seraient libérées, mais aucune mesure n’avait été prise en ce sens à la fin de l’année. La liaison supposée a donné lieu à trois procédures pénales distinctes contre huit responsables politiques et acteurs de la société civile, ainsi qu’à une quatrième procédure contre la femme mise en cause. Le PPC a porté plainte contre le commentateur politique Ou Virak pour diffamation après que celui-ci eut déclaré que ces poursuites étaient motivées par des considérations politiques. Seang Chet, conseiller communal d’opposition, a été reconnu coupable de subornation de témoin dans une de ces affaires en décembre. Condamné à cinq ans d’emprisonnement, il a été gracié et libéré deux jours plus tard.

Dans un autre dossier, Ny Chakrya a été condamné à six mois d’emprisonnement pour diffamation, dénonciation calomnieuse et publication de commentaires visant à exercer une contrainte illégale sur les autorités judiciaires. Il avait critiqué la façon dont un tribunal de Siem Reap avait géré un conflit foncier en mai 2015. En avril, Rong Chhun, ancien syndicaliste, a appris qu’il serait jugé pour des infractions pénales en lien avec une manifestation de 2014, au cours de laquelle des ouvriers qui manifestaient avaient été abattus par les forces de sécurité. Ny Chakrya et Rong Chhun travaillaient tous deux pour la CEN et les poursuites à leur encontre étaient considérées comme une tentative délibérée de leur faire perdre leur poste au sein de cette instance.

Try Sovikea, Sun Mala et Sim Samnang, militants de l’ONG de défense de l’environnement Mother Nature arrêtés en août 2015, ont été condamnés en juin à 18 mois de prison pour menace de destruction de biens. Ils ont été libérés après que la part de leur peine non purgée en détention provisoire eut été assortie d’un sursis.

Liberté de réunion

Cette année encore, les autorités ont entravé des manifestations pacifiques. En mai, la société civile a lancé une campagne pacifique, intitulée « Lundi noir », pour demander la libération de quatre employés de l’ADHOC et d’un ancien employé de la CEN (voir plus haut). Les manifestants, vêtus de noir, ont participé à des rassemblements et veillées hebdomadaires, dont ils ont publié les images sur les réseaux sociaux. Les autorités ont tenté d’interdire ces manifestations et ont menacé, arrêté et détenu des participants, qui n’ont généralement été remis en liberté qu’après avoir signé l’engagement de ne plus manifester. Les militants du droit au logement dans la capitale, Phnom Penh, figuraient parmi les personnes régulièrement prises pour cible.

Tep Vanny et Bov Sophea, habitantes du quartier de Boeung Kak, ont été arrêtées le 15 août pendant une veillée du « Lundi noir ». Elles ont été jugées le 22 août et condamnées à six jours d’emprisonnement chacune pour outrage à fonctionnaire. Bov Sophea a été libérée au terme de sa peine, mais Tep Vanny a été maintenue en détention dans le cadre d’une enquête sur une accusation ayant refait surface, liée à une manifestation de 2013. Dans une autre affaire qui était restée en sommeil, Tep Vanny, Bo Chhorvy, Heng Mom et Kong Chantha, toutes du quartier de Boeung Kak, ont été condamnées le 19 septembre à six mois d’emprisonnement pour outrage et entrave à des fonctionnaires en lien avec une manifestation de 2011. À la fin de l’année, Tep Vanny était toujours emprisonnée ; les trois autres femmes restaient en liberté en attendant l’examen de l’appel contre leur condamnation.

Homicides illégaux

Le commentateur politique Kem Ley a été abattu dans la matinée du 10 juillet dans une station-service où il se rendait régulièrement pour rencontrer des gens. Il était fréquemment invité à la radio et dans les médias d’information pour livrer son analyse sur les événements politiques au Cambodge, souvent critique à l’égard du gouvernement. Un ancien soldat, Oeuth Ang, a été arrêté peu après, mais les autorités n’ont pas mené d’enquête indépendante et efficace, ni fourni des informations suffisantes sur les éventuelles investigations menées à propos de cet homicide. Le Premier ministre, Hun Sen, a poursuivi Sam Rainsy en diffamation après que celui-ci eut écrit sur Facebook que le gouvernement pourrait être derrière ce meurtre. La sénatrice de l’opposition Thak Lany, jugée en son absence, a été reconnue coupable de diffamation et de provocation parce qu’elle aurait accusé Hun Sen d’avoir ordonné l’assassinat du commentateur politique.

Rien n’a été fait pour amener quiconque à rendre des comptes pour les homicides d’au moins six personnes et la disparition forcée de Khem Saphath dans le cadre de la violente vague de répression menée par les forces de sécurité contre la liberté de réunion pacifique en 2013 et 2014. La nouvelle enquête ordonnée en 2013 sur l’assassinat par arme à feu du syndicaliste Chea Vichea, commis en janvier 2004 par des tueurs non identifiés, ne semblait pas non plus avoir enregistré de quelconques avancées.

Droit à un niveau de vie suffisant

La saisie de terres, les concessions foncières économiques allouées à des opérateurs privés et les grands projets de développement continuaient d’avoir des répercussions sur le droit à un logement décent dans le pays. Les travaux du barrage hydroélectrique Bas-Sésan II, dans la province de Stung Tréng, au nord-est du pays, se sont poursuivis. D’après les estimations, quelque 5 000 membres de minorités autochtones allaient devoir être réinstallés en raison des inondations provoquées par ce barrage. La rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Cambodge [ONU] a demandé l’organisation d’une consultation en bonne et due forme, une meilleure prise en compte des pratiques culturelles et l’examen de la faisabilité des solutions de remplacement proposées par les populations.

Réfugiés et demandeurs d’asile

En janvier, après avoir d’abord opposé un refus, le ministère de l’Intérieur a confirmé que les demandes de reconnaissance du statut de réfugié de 170 demandeurs d’asile montagnards ayant fui le Viêt-Nam seraient examinées. Treize autres demandeurs d’asile ayant déjà obtenu le statut de réfugié ont été transférés aux Philippines en attendant leur réinstallation dans un autre pays. Durant l’année, quelque 29 réfugiés sont rentrés volontairement au Viêt-Nam avec l’aide du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

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