Rapport annuel 2017

Jordanie

Royaume hachémite de Jordanie
Chef de l’État : Abdallah II
Chef du gouvernement : Hani Mulki (a remplacé Abdullah Ensour en mai)

Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion restaient soumis à des restrictions, et des opposants ainsi que des personnes critiques à l’égard du gouvernement ont été arrêtés et poursuivis aux termes des lois sur la diffamation et le blasphème et de la législation antiterroriste. Cette année encore, des actes de torture et d’autres mauvais traitements ont été infligés dans des centres de détention. Des procès inéquitables se sont déroulés devant la Cour de sûreté de l’État. Les femmes faisaient l’objet de discrimination dans la législation et dans la pratique et elles n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences sexuelles, entre autres. Les employés de maison migrants étaient exploités et maltraités. La Jordanie accueillait plus de 655 000 réfugiés venus de Syrie, mais elle a fermé sa frontière aux nouveaux arrivants en juin. Cette année encore, des tribunaux ont prononcé des condamnations à mort ; aucune exécution n’a eu lieu.

Contexte

La Jordanie est restée membre de la coalition internationale dirigée par l’Arabie saoudite et engagée dans le conflit armé au Yémen (voir Yémen).

En mars, le gouvernement a soumis au roi un plan national relatif aux droits humains ayant pour objectif d’introduire progressivement des améliorations dans ce domaine sur une période de 10 ans.

En mai, le Parlement a approuvé des modifications de la Constitution qui donnaient au roi le pouvoir de nommer directement les hauts magistrats, les officiers supérieurs de l’armée et de la gendarmerie ainsi que les responsables du Département des renseignements généraux (DRG). Les élections législatives qui se sont tenues en septembre ont utilisé pour la première fois le système de la représentation proportionnelle.

L’insécurité persistait le long de la frontière syrienne. En juin, plusieurs soldats jordaniens ont trouvé la mort dans un attentat à l’explosif perpétré à proximité d’une zone frontalière où quelque 70 000 réfugiés syriens étaient bloqués dans des conditions extrêmement dures. À la suite de cette attaque, le gouvernement a fermé les points de passage de la frontière, empêchant les réfugiés qui fuyaient le conflit en Syrie de pénétrer en Jordanie. En décembre, 10 personnes, dont trois civils, ont été tuées par des hommes armés près de Karak ; cette attaque a été revendiquée par le groupe armé État islamique (EI).

Torture et autres mauvais traitements

Le plan national sur 10 ans relatif aux droits humains dressait une liste d’objectifs comprenant le renforcement des protections juridiques contre la torture et l’augmentation des poursuites débouchant sur des « sanctions » contre les auteurs d’actes de torture. Il ne semblait toutefois pas qu’une quelconque mesure en ce sens soit entrée en vigueur au cours de l’année. Les policiers accusés de tels crimes comparaissaient toujours devant des tribunaux spéciaux de la police, qui n’étaient ni indépendants ni transparents.

Morts en détention

En janvier, le Centre Adaleh pour les droits humains, une ONG basée à Amman, la capitale, a signalé avoir recensé au moins huit cas de mort en détention des suites de torture au cours des deux mois précédents. En avril, le coordinateur gouvernemental des droits humains a déclaré que les journalistes et les défenseurs des droits humains seraient autorisés à assister à certains procès devant des tribunaux spéciaux de la police, et notamment à celui de trois policiers accusés d’avoir battu à mort Omar al Naser durant sa détention par le Département des enquêtes criminelles en septembre 2015. Ce procès a fait l’objet de longs ajournements sans explication ; il n’était pas terminé à la fin de l’année. Par ailleurs, aucune information n’a été fournie à propos d’éventuelles poursuites contre les policiers accusés d’avoir battu à mort Abdullah Zubi durant sa garde à vue à Irbid en 2015.

Procès inéquitables

Cette année encore, des partisans présumés de l’EI et d’autres groupes armés, ainsi que des journalistes et des militants de l’opposition, ont fait l’objet, aux termes des lois antiterroristes et d’autres textes législatifs, de poursuites pénales devant la Cour de sûreté de l’État, un tribunal quasi militaire appliquant une procédure non conforme aux normes internationales d’équité.

Parmi les accusés figurait Adam al Natour, détenteur de la double nationalité jordanienne et polonaise, qui a été condamné à quatre ans d’emprisonnement après avoir été déclaré coupable d’« appartenance à un groupe armé et à une organisation terroriste » sur la base d’« aveux » qui lui auraient été extorqués sous la torture par des membres du DRG. Ceux-ci l’auraient battu et lui auraient administré des décharges électriques pendant les trois semaines de sa détention au secret. Cet homme a ensuite comparu devant le procureur de la Cour de sûreté de l’État et a été contraint de signer une déclaration en arabe, langue qu’il ne comprend pas et ne lit pas.

Détention administrative

Des dizaines de milliers de personnes ont été incarcérées au titre de la Loi de 1954 relative à la prévention de la criminalité. Cette loi autorise le placement en détention, sans inculpation ni jugement et sans possibilité de recours judiciaire, pour une durée pouvant aller jusqu’à un an.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

Cette année encore, les autorités ont restreint les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Des dizaines de journalistes et de détracteurs du gouvernement ont été arrêtés ou poursuivis au titre des dispositions du Code pénal relatives à la diffamation et de celles des lois antiterroristes, qui érigent en infraction pénale toute critique de dirigeants ou d’États étrangers. En juillet, le Centre national des droits humains a signalé une augmentation des arrestations et des renvois de détracteurs du gouvernement et de manifestants pacifiques devant la Cour de sûreté de l’État aux termes de ces textes législatifs.

Eyad Qunaibi, un professeur d’université qui avait été condamné en décembre 2015 à deux ans d’emprisonnement par la Cour de sûreté de l’État, a été libéré en mai. Il avait été déclaré coupable d’« atteinte au régime politique […] ou incitation à s’y opposer » pour avoir critiqué sur Facebook les relations entre la Jordanie et Israël.

Nahed Hattar, journaliste, a été abattu le 25 septembre devant un tribunal d’Amman qui le jugeait pour avoir partagé sur Facebook une caricature considérée comme offensante pour l’islam. Il avait été détenu pendant près d’un mois dans l’attente de son procès, avant qu’un tribunal lui accorde une libération sous caution. Selon l’agence de presse officielle, l’auteur présumé de l’assassinat a été arrêté sur les lieux ; l’affaire a par la suite été renvoyée devant la Cour de sûreté de l’État pour meurtre, entre autres.

S’ils étaient adoptés, des projets de modification de la Loi sur les sociétés, soumis en mars, renforceraient le pouvoir du gouvernement d’empêcher l’enregistrement des ONG ou leurs activités pour des motifs liés à la sécurité nationale ou à l’ordre public, et les priveraient d’accès à un financement international sans aucune justification. Ces modifications n’avaient pas été promulguées à la fin de l’année.

Droits des femmes

Les femmes continuaient d’être victimes de discrimination dans la législation et dans la pratique, et elles n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences liées au genre, notamment les crimes « d’honneur ».

En avril, une commission législative parlementaire a approuvé des modifications de l’article 308 du Code pénal, qui annulaient la disposition permettant à l’auteur d’un viol d’échapper aux poursuites en épousant sa victime. Ces modifications, qui ne s’appliquaient toutefois pas aux cas où la victime était âgée de 15 à 18 ans, n’avaient pas été promulguées à la fin de l’année.

En juillet le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [ONU] a demandé des informations au gouvernement avant l’examen de la situation en Jordanie prévu pour 2017. Il a sollicité, entre autres, des détails sur d’éventuels projets gouvernementaux de modification de la Loi relative à la nationalité en vue de permettre aux Jordaniennes mariées à des étrangers de transmettre leur nationalité à leurs enfants et à leur conjoint dans les mêmes conditions que les hommes jordaniens, et en vue de faciliter leur accès aux soins médicaux et à l’éducation, entre autres services. Le Comité a également demandé des informations sur les projets gouvernementaux de modification de l’article 308 et d’autres dispositions du Code pénal qui permettent à l’auteur d’un viol d’échapper aux poursuites et réduisent les peines encourues par les auteurs de crimes « d’honneur ».

Droits des travailleurs migrants

Les travailleurs migrants étaient toujours en butte à l’exploitation et aux mauvais traitements. En février, l’ONG Tamkeen, basée à Amman, a signalé que 80 000 employées de maison étrangères ne bénéficiaient pas de la protection des lois sur le travail et étaient exposées à la violence, entre autres mauvais traitements infligés par leur employeur. Au cours d’une visite en Jordanie, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la traite des êtres humains a indiqué que les employées de maison migrantes qui fuyaient un employeur qui les maltraitait risquaient d’être victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Elle a également signalé que des femmes et des filles réfugiées de Syrie étaient victimes d’exploitation sexuelle.

Réfugiés et demandeurs d’asile

La Jordanie accueillait plus de 655 000 réfugiés venus de Syrie, dont 16 000 Palestiniens, ainsi que près de 60 000 réfugiés en provenance d’autres pays tels que l’Irak, le Yémen et la Somalie, et 2,1 millions de Palestiniens réfugiés de longue date.

À la fin de l’année, 75 000 réfugiés syriens étaient bloqués dans la zone désertique appelée la « berme », entre les points de passage de Rukban et Hadalat, à la frontière jordano-syrienne, où ils vivaient dans des conditions effroyables. Le gouvernement refusait l’entrée sur son territoire à la plupart d’entre eux pour des raisons de sécurité. Il a toutefois permis en mai à quelque 12 000 réfugiés d’entrer en Jordanie, où ils ont été confinés dans le village 5, une zone clôturée à l’intérieur du camp de réfugiés d’Azraq. Les autorités ont fermé la frontière avec la Syrie le 21 juin à la suite d’un attentat-suicide, ce qui a interrompu l’accès à l’aide humanitaire pour les réfugiés de la berme. La Jordanie a renforcé depuis 2012 les contrôles à sa frontière. Les autorités ont aussi expulsé plusieurs réfugiés, officiellement pour des raisons de sécurité.

Les Nations unies ont déclaré qu’en juillet la Jordanie n’avait reçu de la communauté internationale que 45 % du financement nécessaire pour répondre aux besoins des réfugiés de Syrie. Selon certaines sources, quelque 86 % des Syriens installés dans les zones urbaines de Jordanie vivaient sous le seuil de pauvreté et avaient un accès limité aux services.

Peine de mort

Les tribunaux ont prononcé des sentences capitales ; aucune exécution n’a eu lieu. En février, un porte-parole du gouvernement a démenti des informations diffusées par les médias selon lesquelles les autorités avaient l’intention d’exécuter 13 prisonniers.

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