Rapport annuel 2017

Palestine

État de Palestine
Chef de l’État : Mahmoud Abbas
Chef du gouvernement : Rami Hamdallah

Les autorités palestiniennes de Cisjordanie ainsi que le gouvernement de facto du Hamas dans la bande de Gaza ont continué d’imposer des restrictions à la liberté d’expression, notamment en procédant à l’arrestation et au placement en détention de personnes critiques et d’opposants politiques. Ils ont restreint également le droit de réunion pacifique et ont utilisé une force excessive pour disperser certaines manifestations. Les actes de torture et autres mauvais traitements contre les détenus restaient une pratique courante à Gaza et en Cisjordanie. À Gaza, les autorités continuaient de soumettre des civils à des procès inéquitables devant des tribunaux militaires ; des personnes étaient maintenues en détention sans inculpation ni jugement en Cisjordanie. Les femmes et les filles étaient victimes de discrimination et de violences. Les tribunaux de Gaza ont continué de prononcer des condamnations à mort et le Hamas a procédé à des exécutions ; en Cisjordanie, aucune sentence capitale n’a été prononcée et aucune exécution n’a eu lieu.

Contexte

Les négociations entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) dirigée par le président Mahmoud Abbas sont restées au point mort toute l’année, malgré les efforts de la communauté internationale pour les relancer. Les tensions persistantes entre le Fatah et le Hamas ont affaibli le gouvernement d’unité nationale formé en juin 2014. Gaza continuait d’être administrée de facto par le Hamas.

Le blocus aérien, maritime et terrestre imposé par Israël à Gaza sans interruption depuis juin 2007 est resté en vigueur. Les restrictions persistantes à l’importation de matériaux de construction imposées dans le cadre du blocus, ainsi que le manque de financements, retardaient considérablement la reconstruction des habitations et des infrastructures endommagées ou détruites lors des récents conflits armés. Par ailleurs, les restrictions persistantes aux exportations paralysaient l’économie et aggravaient l’appauvrissement généralisé des 1,9 million d’habitants de Gaza. La fermeture quasi totale par les autorités égyptiennes du point de passage de Rafah complétait l’isolement de Gaza et aggravait les effets du blocus israélien.

Le Premier ministre Rami Hamdallah a annoncé, en juin, la tenue d’élections municipales le 8 octobre. La Haute Cour palestinienne a toutefois décidé en septembre que les élections devaient être suspendues pour une période indéterminée au motif que les contrôles israéliens empêchaient les Palestiniens de Jérusalem-Est de participer au scrutin et en raison de l’illégalité des tribunaux locaux de Gaza. Les autorités palestiniennes de Cisjordanie et de Gaza ont harcelé des candidats de l’opposition et les ont placés en détention dans la période précédant la décision de la Haute Cour.

Les tensions se sont renforcées à Naplouse, à Jénine et dans d’autres gouvernorats du nord de la Cisjordanie, où des personnes ont trouvé la mort à la suite d’affrontements entre des hommes armés affiliés au Fatah et les forces de sécurité.

Évolutions législatives, constitutionnelles ou institutionnelles

En février, le président Abbas a promulgué la Loi de protection des mineurs, qui a ouvert la voie à la création, en mars à Ramallah, du premier tribunal pour enfants de la Cisjordanie.

En mars, le président Abbas a approuvé la Loi relative à l’assurance nationale, qui a établi un système public de sécurité sociale pour les travailleurs du secteur privé et leur famille. La nouvelle loi porte notamment sur les pensions de retraite et les allocations pour les handicapés, ainsi que sur les prestations en cas d’accident du travail pour les travailleurs du secteur privé palestinien. Des organisations de la société civile l’ont critiquée, faisant valoir qu’elle n’établissait pas de normes minimales de protection et de justice sociale et qu’elle risquait de marginaliser davantage les personnes les plus vulnérables.

Une Cour suprême constitutionnelle palestinienne composée de neuf juges a été créée par décret présidentiel en avril. La nouvelle juridiction a la suprématie sur les autres tribunaux palestiniens. Cette initiative a été largement considérée comme un exemple sans précédent d’ingérence du pouvoir exécutif dans le système judiciaire. Le président du Haut Conseil judiciaire a été démis de ses fonctions en octobre. Il a déclaré dans une interview à la presse qu’il avait été contraint de signer sa démission au moment où il est entré en fonction.

À la suite d’un arrêt de la Cour suprême constitutionnelle l’y autorisant, le président a levé en décembre l’immunité de cinq membres du Conseil législatif palestinien, dont des opposants politiques. Cette initiative a soulevé des critiques de la part d’organisations de la société civile, qui ont dénoncé les coups portés à l’état de droit et à la séparation des pouvoirs.

La Palestine a ratifié en juin les amendements de Kampala au Statut de Rome de la Cour pénale internationale relatifs au crime d’agression. Des représentants du Bureau du procureur de la CPI ont effectué une visite en Israël et en Cisjordanie, mais ils ne se sont pas rendus à Gaza.

Arrestations et détentions arbitraires

Les services de sécurité de Cisjordanie, notamment la Sécurité préventive et les Renseignements généraux, ainsi que ceux de Gaza, notamment la Sécurité intérieure, ont arrêté et incarcéré arbitrairement des personnes qui les critiquaient, dont des sympathisants d’organisations politiques rivales. En Cisjordanie, les forces de sécurité ont utilisé la détention administrative sur ordre des gouverneurs pour maintenir des personnes en détention sans inculpation ni jugement, pendant des périodes s’étendant parfois sur plusieurs mois.

Procès inéquitables

En Cisjordanie et à Gaza, les autorités politiques et judiciaires ne faisaient rien pour garantir le respect des droits fondamentaux de la défense, notamment le droit de consulter sans délai un avocat et d’être inculpé ou, à défaut, remis en liberté. En Cisjordanie, les forces de sécurité palestiniennes ont maintenu des personnes en détention prolongée sans procès sur ordre des gouverneurs régionaux ; dans des dizaines de cas, elles n’ont pas respecté une décision de justice ordonnant la libération de détenus, ou ne l’ont fait qu’avec retard. À Gaza, des tribunaux militaires du Hamas continuaient de prononcer des condamnations, y compris de civils, à l’issue de procès inéquitables. Des peines capitales ont été infligées dans certains cas.

Torture et autres mauvais traitements

La police et les autres forces de sécurité palestiniennes de Cisjordanie et celles du Hamas à Gaza continuaient de torturer et maltraiter des détenus en toute impunité. Des enfants figuraient parmi les victimes, tant en Cisjordanie qu’à Gaza. La Commission indépendante des droits humains, organe national de surveillance, a indiqué avoir recueilli entre janvier et novembre 398 allégations de détenus faisant état de torture et d’autres mauvais traitements : 163 en Cisjordanie et 235 à Gaza. Dans les deux territoires, la plupart de ces plaintes mettaient en cause la police. Ni le gouvernement d’unité nationale ni le gouvernement de facto du Hamas à Gaza n’ont mené d’enquête indépendante sur les allégations de torture ou obligé les responsables présumés de ces actes à rendre des comptes.

Basel al Araj, Ali Dar al Sheikh et trois autres hommes ont affirmé que des agents des Renseignements généraux les avaient maintenus au secret et torturés et maltraités pendant près de trois semaines après leur arrestation, le 9 avril. Ils ont déclaré qu’ils avaient été battus, forcés de rester dans des positions douloureuses et privés de sommeil, ce qui les avait amenés à entamer une grève de la faim le 28 août pour protester contre ces mauvais traitements. Ils ont ensuite été placés à l’isolement pendant la durée de leur grève de la faim. Remis en liberté sous caution, les cinq hommes ont comparu devant le tribunal de première instance de Ramallah le 8 septembre pour détention illégale d’armes, entre autres chefs d’inculpation. La procédure à leur encontre était en cours à la fin de l’année.

Ahmad Izzat Halaweh est mort le 23 août dans la prison de Jeneid, à Naplouse, peu après son interpellation. Un porte-parole du gouvernement d’unité nationale a déclaré que cet homme avait été passé à tabac par des agents des services de sécurité avant sa mort. Les autorités ont ouvert une enquête sous la direction du ministère de la Justice ; les investigations se poursuivaient à la fin de l’année.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

Des restrictions sévères pesaient sur la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique en Cisjordanie et à Gaza. Dans les deux territoires, les forces de sécurité ont harcelé, arrêté et placé en détention des personnes qui critiquaient les autorités ainsi que des sympathisants d’organisations politiques rivales. Des manifestations ont été dispersées par la force et des journalistes, entre autres, ont été agressés.

En Cisjordanie, le professeur d’université Abd al Sattar Qassem a été arrêté en février par la police après avoir critiqué les autorités palestiniennes sur la chaîne de télévision Al Quds TV, qui est affiliée au Hamas. Inculpé de provocation, il a été détenu pendant cinq jours puis remis en liberté sous caution.

À Gaza, le journaliste Mohamed Ahmed Othman a été détenu pendant une courte période en septembre par des agents de la Sécurité intérieure, qui l’auraient torturé et maltraité pour le forcer à révéler la source d’un document gouvernemental qu’il avait publié. Libéré le lendemain sans inculpation, il a été convoqué deux fois dans les deux jours qui ont suivi sa remise en liberté.

En février, un débrayage de deux jours par des enseignants de Cisjordanie qui réclamaient une hausse de leur salaire a dégénéré en plusieurs semaines de grèves massives et de manifestations à la suite de l’intervention brutale des forces de sécurité palestiniennes, qui ont érigé des barrages routiers autour de Ramallah pour empêcher des professeurs de se joindre aux manifestations. Vingt-deux enseignants ont été arrêtés et remis en liberté sans inculpation. Le harcèlement des enseignants continuait à la fin de l’année et visait ceux qui avaient formé un nouveau syndicat.

Homicides illégaux

En Cisjordanie, les forces de sécurité ont tué au moins trois hommes et blessé d’autres personnes dans le cadre de leurs activités de maintien de l’ordre.

Le 7 juin, Adel Nasser Jaradat a été abattu par les forces de sécurité de Cisjordanie à Silet al Harethiya, un village situé au nord-ouest de Jénine. Les responsables de cet homicide n’ont pas été amenés à rendre compte de leurs actes.

Le 19 août à Naplouse, les forces de sécurité ont tué Fares Halawa et Khaled al Aghbar dans des circonstances peu claires. Bien que les autorités locales aient affirmé qu’ils avaient trouvé la mort au cours d’affrontements, des témoins ont déclaré qu’ils étaient vivants et n’étaient pas armés au moment de leur interpellation. L’enquête ouverte sur ces homicides n’était pas terminée à la fin de l’année.

À Gaza, les brigades Ezzedine al Qassam, branche armée du Hamas, ont exécuté sommairement le 7 février Mahmoud Rushdi Ishteiwi, un de leurs membres, après avoir annoncé que leurs « autorités militaires et judiciaires » l’avaient déclaré coupable d’« excès comportementaux et transgressions morales ». La famille de cet homme a indiqué qu’il était détenu au secret par les brigades depuis le 21 janvier 2015. Le gouvernement de facto du Hamas à Gaza n’a pris aucune mesure pour diligenter une enquête ni pour traduire en justice les responsables de cet homicide.

Droits des femmes et des filles

Les femmes et les filles continuaient de faire l’objet de discriminations dans la législation et dans la pratique. Elles n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences, sexuelles et autres, notamment les crimes d’« honneur ». Plusieurs cas de femmes et de filles assassinées pour des questions d’« honneur » par des proches de sexe masculin ont été signalés.

Le procureur général a émis en février une directive instituant une unité spécialisée au sein du parquet chargée de mener des enquêtes et des poursuites dans les affaires de violences contre les femmes.

Peine de mort

La peine de mort restait en vigueur pour les meurtres et d’autres crimes. Les tribunaux de Cisjordanie n’ont prononcé aucune condamnation à mort au cours de l’année.

En mai, des membres de Changement et réforme, le groupe parlementaire du Hamas, ont ouvert la voie permettant aux autorités de Gaza d’exécuter des prisonniers dont la sentence capitale n’avait pas été ratifiée par le président palestinien, en violation de la Loi fondamentale palestinienne de 2003 et du Code de procédure pénale de 2001.

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