Interview d’Anne-Sarah engagée aux côtés d’Amnesty

En février 2020, Anne-Sarah N’Kuna Mayama, jeune youtubeuse belge de 25 ans aux centaines de milliers de vues, recevait le Prix Amnesty Jeunes des droits humains pour ses vidéos engagées.
Aujourd’hui, elle se lance, pour Amnesty International, dans l’animation et la production d’une série de vidéos intitulées Freally ? (une contraction de Freedom et Really ?) destinées aux jeunes de 15 à 25 ans.
Sa première vidéo, consacrée à la question de la limitation des libertés en temps de pandémie, est à retrouver sur la chaîne YouTube d’Amnesty : @AmnestyBe.
On a profité du tournage de sa première vidéo dans les bureaux d’Amnesty pour lui poser quelques questions sur son parcours et ses engagements.

Peux-tu nous parler de ton parcours ? Comment fait-on pour devenir une youtubeuse si connue et reconnue ?

J’ai un parcours assez particulier, je n’ai pas terminé mes études secondaires, je n’ai pas eu mon CESS. J’avais des problèmes à la maison qui m’ont poussée à arrêter les cours. J’ai dû commencer à travailler jeune, et par hasard, je me suis retrouvée au bon endroit au bon moment : j’ai rencontré l’équipe de Tarmac (média de culture urbaine de la RTBF) qui cherchait une animatrice.

J’ai dû créer toute seule, en une semaine, une capsule vidéo. Je n’avais jamais fait ça de ma vie. J’avais étudié un peu l’audiovisuel, car j’étais passionnée par le cinéma, mais je ne pensais pas me retrouver un jour devant (et non pas derrière) une caméra, à devoir m’exprimer.

Je me suis dit que c’était l’occasion pour moi de parler, de manière cash et simple, de sujets qui concernaient les jeunes comme moi que l’on ne retrouvaient pas ou qui n’étaient pas abordés avec le bon ton dans les médias traditionnels. C’est comme ça que j’ai créé l’émission Izi News, dans laquelle je parlais à la fois du racisme, de l’homophobie, de la transphobie, du sexisme, des violences sexuelles, du cyber harcèlement ou encore de l’environnement. En tant que jeune femme racisée, c’était la première fois que j’avais accès à une telle plateforme pour dire ce que je pensais sans que personne ne me coupe la parole, ou me dise que j’avais tort.

Grâce à Internet et à cette émission avec laquelle j’ai grandi et à travers laquelle je me suis libérée, j’ai rencontré des alliés : des personnes qui me comprenaient et me soutenaient : c’est ça l’une des magies d’Internet.

Ça a pris de l’ampleur car je ne me donnais pas un genre (je me suis dit qu’il fallait juste que je sois moi), et grâce à la vulgarisation, je permettais aux jeunes de s’approprier facilement des sujets. Aujourd’hui, j’ai décidé de continuer à utiliser la vidéo pour militer et transmettre des outils aux jeunes en créant une nouvelle émission Fact check (sur le média indépendant Check) ainsi que des vidéos pour Amnesty International.

Finalement, avec tes vidéos, tu crées comme une sorte de mémoire collective de la résistance et des luttes sociales ?

Oui c’est ça. Je me sens un peu comme les moines dans les monastères qui devaient retranscrire à l’écrit ce qui était dit à l’oral pour garder une trace. J’essaye à travers mes vidéos de proposer des outils simples sur un grand nombre de sujets qui me touchent pour constituer une sorte de boîte à outils la plus complète possible pour le plus grand nombre.

Quelle est ton histoire avec Amnesty International ? Pourquoi as-tu accepté de participer à ce projet avec Amnesty International ?

Amnesty International, c’est un peu « aaaahhhh !!! » pour quelqu’un comme moi ! Quand j’ai reçu un email d’Amnesty m’annonçant que j’étais nominée pour le Prix Amnesty Jeunes des droits humains, c’était juste irréel et magique. Et quand je suis venue le recevoir devant de nombreux jeunes activistes, c’était la folie, je me croyais aux Oscars ! J’ai vu dans le regard des jeunes que c’était un moment fort pour eux. Et c’était, pour moi aussi, un moment très important et émouvant.

Pour mes parents aussi, c’était une grande fierté, car ce sont eux qui m’ont éduquée en me transmettant une grande ouverture d’esprit et en me poussant à me questionner et me positionner sans cesse. Sans eux, je ne serais pas la personne que je suis aujourd’hui.

Toutes les valeurs défendues et tous les combats menés par Amnesty sont les miens. Je suis constamment en train de militer en faveur de toutes les personnes en dehors de la norme, surtout les membres des communautés visibles qui doivent mener un combat permanent pour revendiquer leurs droits et ont besoin de notre aide. Quand Amnesty International m’a proposé, quelques mois plus tard, de créer et d’animer des vidéos sur les droits humains pour les jeunes, j’ai donc accepté sans hésitation.

Quel est le principal message que tu as envie de faire passer aux jeunes aujourd’hui à travers tes vidéos ?

N’hésitez pas à ouvrir la bouche ! N’hésitez pas à donner votre avis, peu importe ce que les gens vont dire. N’ayez pas peur du regard des autres parce que vous allez gagner dix fois plus en échange.

Faire des dons, signer des pétitions, sortir dans la rue pour manifester, mettre ses compétences au service des associations, c’est important, mais la première étape de l’engagement c’est de parler, de dénoncer. Si personne n’est là pour le faire, on n’avancera pas.

Je me suis trop longtemps tue, car j’avais peur des critiques et d’assumer qui j’étais (notamment ma culture, ma couleur, mon sexe) mais maintenant je suis fière de moi, j’ai confiance en moi, je n’ai plus peur de rien. Le dernier message que j’aimerais transmettre aux jeunes même si cela peut sembler cliché, c’est : croyez en vos rêves, croyez en vos luttes, croyez en vous !

On entend souvent dire que les jeunes ne s’engagent pas assez, ne se sentent pas concernés. Qu’en penses-tu ?

C’est faux ! Les jeunes sont hyper activistes ! On n’arrête pas de rabaisser les jeunes en disant qu’ils ne font rien, qu’ils sont égoïstes alors qu’au contraire, ils sont très concernés par le monde qui les entoure et par les autres, et ils militent beaucoup en faveur de toutes sortes de causes.

On est tous les jours en train de militer, notamment sur les réseaux sociaux. Comme on est hyper connectés, on a plus conscience de la réalité des autres, et on est clairement concernés par tout. On apprend aussi de plus en plus à se déconstruire. Avant, on n’avait que notre réalité. Maintenant, on a accès à toutes les réalités, on peut donc s’ouvrir sur le monde et s’engager. Il suffit de voir par exemple toutes les actions militantes qui sont menées sur Tiktok.

Quels sont les droits humains dont tu as davantage envie de parler ou les valeurs auxquelles tu es particulièrement attachée ?

L’égalité, c’est la base ! On doit être tous égaux face à la vie. C’est déjà dur d’être un être humain, quand tu es un homme blanc hétéro, cisgenre, alors quand tu es différent, c’est encore plus dur. Promouvoir et défendre l’égalité, lutter contre les discriminations, c’est essentiel pour moi.

Tout le monde doit prendre conscience de ses privilèges, et cela vaut pour moi aussi. Par exemple, en tant que femme hétéro, ma vie n’est pas compliquée du fait de mon orientation sexuelle même si je ne suis pas privilégiée pour d’autres choses.

J’ai eu la chance d’avoir une éducation privilégiée à travers l’éducation de mes parents, cela m’a permise d’être outillée pour verbaliser mes combats. Intellectuellement parlant, j’ai vraiment été nourrie à ce niveau-là. Tout le monde n’a pas cette chance-là, tout le monde n’est pas entouré pour. C’est pour cela que je me dis que c’est mon devoir de faire partager mes messages sur l’égalité, les discriminations et tous les autres droits humains, d’aider dans ces luttes-là, d’être une alliée, car on doit tous mettre une pierre à l’édifice.

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