Les violences faites aux femmes

Introduction
1. La lutte contre les violences entre partenaires
2. La lutte contre les violences sexuelles
3. La lutte contre les violences liées à l’honneur
4. Les mutilations génitales féminines
5. L’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS)
Références complémentaires

Introduction

La lutte contre les violences intrafamiliales et la violence contre les femmes est une priorité que l’on retrouve dans le Plan national de sécurité 2012-2015. Tous les niveaux de pouvoir sont concernés par cette problématique et tous doivent augmenter leurs efforts pour lutter contre ce fléau.

Depuis 2001, la Belgique a concrétisé son engagement en la matière à travers des plans d’action nationaux (PAN) successifs associant l’État fédéral, les Communautés et les Régions. Au fil du temps, ces PAN se sont élargis aux problématiques des mariages forcés, des crimes liés à l’honneur et des mutilations génitales féminines, pour répondre aux engagements de la Belgique pris lors de l’UPR, (examen périodique universel) en septembre 2011. Le PAN actuellement en vigueur (2010-2014), récemment actualisé en collaboration avec la société civile, comporte désormais quelque 250 mesures de lutte contre ces différentes pratiques.

Selon les autorités concernées, au 10 juin 2013, presque toutes les mesures reprises dans le PAN actuel avaient été mises en place ou étaient en cours de réalisation [1]. Si cet état de fait est réjouissant, il importe toutefois d’aller toujours plus loin afin de mettre fin aux violences diverses que connaissent les femmes en Belgique.

1. La lutte contre les violences entre partenaires

En ce qui concerne précisément les violences entre partenaires, il faut mettre en place des mesures concrètes, adaptées et cohérentes, en s’assurant qu’elles sont suivies d’effet. Tous les niveaux de pouvoir dans notre pays sont concernés par cette problématique et doivent s’impliquer tant dans la prévention et dans l’aide aux victimes que dans la poursuite des auteurs de ces faits. Trop de personnes souffrent encore aujourd’hui de ce fléau ; il est temps de sortir ces violations des droits fondamentaux du silence et des tabous qui les entourent et de soutenir effectivement les victimes. Notons qu’au 5 septembre 2013, la ministre de l’Égalité des Chances de la Région wallonne, Madame Éliane Tillieux, annonçait la création d’un Centre d’appui contre les violences entre partenaires au Service Public de Wallonie [2].

Recommandations

Nous demandons aux autorités d’allouer les moyens financiers et humains suffisants afin :

  de faire en sorte que puissent perdurer les campagnes permanentes d’information, de prévention et de sensibilisation du grand public concernant la problématique des violences entre partenaires, l’aide disponible, et les conséquences humaines, physiques et psychologiques, économiques, sociales et culturelles de la violence (cf. « Fred et Marie », « Marie et Fred », …) ;

  de mener une politique concrète de prévention au sein des écoles pour favoriser une attitude respectueuse et égalitaire chez les jeunes ;

  de faire en sorte que les policiers ainsi que les travailleurs et étudiants de matières judiciaires et médico-psycho-sociales soient obligatoirement sensibilisés à la question des violences conjugales (médecins, infirmiers-ères, juristes, psychologues, assistant-e-s social-e-s, etc.) afin qu’ils perçoivent et comprennent les processus du cycle de cette violence et y apportent une réponse adéquate. Il s’agit ici de garantir une formation de base, mais aussi une formation continue ;

  d’établir des bases de données et des statistiques fiables en matière de violence entre partenaires ;

  d’être en mesure d’offrir un accueil adéquat et suffisant à toutes les victimes de violence qui le souhaitent, en particulier en situation de crise. Il en va de la sécurité des victimes ;

  de mener une politique judiciaire ferme à l’égard des auteurs. La violence conjugale est contraire à la loi et celle-ci doit être appliquée avec rigueur. Les auteurs de violences doivent également pouvoir bénéficier de mesures judiciaires alternatives (ex. services proposés par l’Asbl Praxis). À cet égard, il importe que ces associations reçoivent du SPF Justice et de façon structurelle, un financement adapté à leurs besoins ;

  d’optimaliser la coordination du travail à ce sujet entre les ministères fédéraux concernés, les gouvernements régionaux et communautaires et l’Institut pour l’égalité entre femmes et hommes en ayant, par exemple, une personne ou un service spécifiquement chargé de suivre les engagements et de faire le relais avec l’Institut. Une vision globale de la situation et du travail à mener en toute cohérence est essentielle.

2. La lutte contre les violences sexuelles [3]

Le viol doit être considéré comme une violation grave de l’intégrité physique et psychologique. Celui-ci nécessite une approche rigoureuse, efficace et coordonnée de la part des pouvoirs publics compétents (aux niveaux fédéral, communautaire et régional).

Ceux-ci semblent conscients de l’ampleur et de la gravité du problème. Le 8 mars 2013, le Sénat belge y consacrait une conférence. La ministre de l’Intérieur et de l’Égalité des chances, Joëlle Milquet, a alors annoncé un plan de lutte contre le phénomène. En juin de la même année, elle demandait la mise en place d’urgence d’un groupe de travail « violences sexuelles » dont l’objectif était de définir et de mettre en œuvre des mesures à court terme visant à prévenir et à combattre la violence sexuelle, mais aussi à intégrer la problématique dans le Plan d’action national contre la violence entre partenaires et d’autres formes de violences intrafamiliales 2014-2018.

Amnesty International soutenu par SOS VIOL pour la plupart des recommandations reprises dans la liste ci-jointe demande que les autorités compétentes s’engagent à :

Des ressources

o Mettre à disposition, structurellement, des moyens financiers suffisants en matière de lutte contre les violences sexuelles afin de pouvoir assurer de façon optimale la prévention et la prise en charge des victimes et des auteurs.

Un travail en réseau

o Optimiser la coordination du travail en matière de violences sexuelles, tant entre les instances politiques, qu’avec les associations de la société civile et les instances judiciaires. Une vision globale de la situation, ainsi qu’un travail mené en toute cohérence, sont essentiels.

Le recensement statistique

o Enregistrer selon le sexe de la victime le nombre de faits de viols déclarés au niveau national par année. Il apparaît indispensable de pouvoir quantifier les cas de viols commis sur des femmes afin de mettre en exergue la spécificité de cette forme de violence, en ce qu’elle affecte particulièrement des femmes, et de pouvoir lutter plus efficacement contre elle.
Une telle collecte des données permettrait à la Belgique de se mettre en conformité avec les recommandations de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. (art.11)

Des campagnes de sensibilisation

o Mener, régulièrement, des campagnes de sensibilisation en matière de violences sexuelles à l’attention du grand public. La problématique, mais aussi les services et outils disponibles pour les victimes, doivent être davantage connus.

L’accueil et la prise en charge des victimes

o Évaluer l’opportunité de créer un numéro unique destiné à l’accueil et à l’orientation des victimes de violences sexuelles.

o Assurer l’accompagnement des victimes du début à la fin de la procédure judiciaire.

o Rendre effective l’obligation faite aux policiers de recevoir les plaintes. Ceux-ci ne peuvent refuser de dresser des procès-verbaux ou encore dissuader des victimes de porter plainte.

o Rendre effective l’obligation d’informer toute personne qui dépose une plainte auprès des services de police de la possibilité de se constituer partie lésée afin de pouvoir bénéficier des droits attachés à ce statut.

o Améliorer les conditions d’audition des victimes. Cela devrait passer par le fait de mener ces auditions dans une pièce séparée du reste du commissariat, par l’utilisation d’un protocole uniformisé, mais aussi par l’amélioration du recueil des premières informations déposées et notamment via le recours à l’enregistrement vidéo des auditions (afin, par exemple, d’éviter à la personne de devoir raconter son agression sexuelle à plusieurs reprises).

o Constituer un réseau de policiers spécialisés en matière de violences sexuelles, sur base volontaire, chargés des enquêtes en lien avec la thématique. Un tel réseau devrait être en mesure d’assurer une permanence 24h/24 et d’offrir une prise en charge spécialisée et optimale des victimes venant déposer plainte.

o Assurer une formation initiale et continue appropriée à tous les professionnels susceptibles d’être en contact avec des victimes de violences sexuelles (policiers, travailleurs médico-sociaux, professionnels de la justice, etc.). Le niveau de cette formation doit être adapté au type de contacts que le professionnel pourrait être amené à avoir avec ces victimes, et doit lui permettre d’être en mesure de saisir les besoins de celles-ci, et d’y répondre avec respect, tact, professionnalisme et de façon non discriminatoire. En fonction des professions, il peut donc s’agir de formations de base, de formations à l’utilisation du « Set d’Agression Sexuelle » à destination des professionnels de la santé, etc. Attention, ces formations doivent tenir compte du ressenti des professionnels concernés afin de les préserver émotionnellement.

o Formaliser et diffuser auprès des médecins un certificat médical type en matière de violences sexuelles.

o S’assurer que l’ensemble des examens médicaux résultant d’un viol soit gratuit.

o S’assurer que la possibilité de se soumettre au « Set d’Agression Sexuelle » (SAS) est systématiquement proposée par la police à la victime, si celle-ci se trouve dans les délais nécessaires à cet examen médical.

o La pratique du « Set d’Agression Sexuelle » (SAS) doit pouvoir se faire indépendamment d’un dépôt de plainte afin de permettre à la victime de conserver et de préserver d’éventuelles preuves matérielles en cas de procédure judiciaire ultérieure. Attention, la victime doit également, dans tous les cas et avant que le SAS ne soit pratiqué, être informée du fait que le SAS peut ne pas être analysé (sur décision du procureur du Roi, dans le cadre d’une information, ou du juge d’instruction, dans le cadre d’une instruction). Dans un tel cas, la victime devrait alors se voir expliquer pourquoi l’analyse n’a pas eu lieu. Il ne convient pas ici de dissuader la victime de se livrer au SAS, mais bien de l’informer de façon adéquate des suites de cet examen souvent difficile à vivre.

o De façon plus générale, Amnesty regrette que les résultats de ces tests ne soient pas davantage utilisés. 2/3 des échantillons ADN ne seraient pas étudiés. Amnesty International aimerait donc voir une plus large utilisation de ces données.

Suivi judiciaire

o Assurer un meilleur suivi judiciaire des plaintes pour viol, sachant qu’aujourd’hui, seule une petite minorité des plaintes déposées aboutissent à une condamnation judiciaire, ce qui est inférieur à la moyenne européenne en la matière. Des recherches qualitatives et quantitatives sur cet état de fait devraient permettre aux décideurs politiques de prendre les mesures nécessaires afin de lutter contre l’impunité des auteurs de viols.

3. La lutte contre les violences liées à l’honneur

Il importe de continuer à mener des politiques de sensibilisation à cette pratique qui met en cause la liberté et l’intégrité des femmes et des filles.

On soulignera le fait que l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes s’est constitué partie civile dans l’affaire « Sadia », du nom de cette jeune fille assassinée par son frère car elle refusait un mariage arrangé.

4. Les mutilations génitales féminines

D’après les estimations du GAMS, association belge de lutte pour l’abolition des mutilations génitales féminines, « entre 100 et 130 millions de fillettes et de femmes, dans le monde, ont subi une mutilation sexuelle. Chaque année, 3 millions de fillettes risquent d’être soumises à cette pratique. Les mutilations génitales féminines recouvrent toutes les interventions relatives à l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou la lésion des organes génitaux féminins pratiqués pour des raisons culturelles, religieuses ou pour toute autre raison non thérapeutique. » [4]

En Belgique, plusieurs dispositions législatives sanctionnent les mutilations génitales féminines.

La police a recueilli en 2012 quatre plaintes relatives aux mutilations génitales féminines [5].

Recommandations

Amnesty International recommande :

  d’introduire la problématique des mutilations génitales féminines dans les cursus d’études concernés (écoles de sages-femmes, métiers psycho-sociaux, médecine, etc.) ;

  de faire en sorte que la Direction Générale du Développement (DGD) et la Coopération Technique Belge (CTB) prennent la lutte contre les mutilations génitales féminines en compte dans leurs programmes ;

  de mettre en place un pôle d’interprètes formés à la terminologie relative aux mutilations génitales féminines ;

  de faire en sorte que la question des mutilations génitales féminines soit débattue avec les responsables des communautés religieuses.

5. L’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS)

Comme mentionnée plus haut, la lutte contre les diverses violences faites aux femmes passe aussi par l’éducation. C’est ainsi que nous demandons au futur gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles de poursuivre, en collaboration avec la Région wallonne et la Commission communautaire française, les efforts visant à la généralisation de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) sur le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous demandons la mise en œuvre effective du protocole d’accord adopté le 20 juin 2013 par les 3 entités précitées et son évaluation régulière par l’ensemble des parties concernées. Ce protocole précise le contenu de l’EVRAS en milieu scolaire, apporte une garantie d’égalité de traitement des élèves en la matière, et permet d’améliorer la cohérence des actions de terrain. Il précise également les objectifs de l’EVRAS ainsi que les thèmes qu’il est recommandé d’aborder dans ce cadre.

Références complémentaires

Note de politique générale, Égalité des chances, 21/12/2012 :
http://www.milquet.belgium.be/sites...

Septième rapport périodique relatif à l’application de la convention CEDAW
(janvier 2007 — juin 2012) :
http://igvm-iefh.belgium.be/fr/binaries/7%C3%A8me%20rapport%20CEDAW%20BE_tcm337-212606.pdf

Sites web et articles de presse :
http://www.sosviol.be
http://www.garance.be
http://www.levif.be/info/actualite/belgique/4000-viols-par-an-en-belgique/article-4000387965954.htm
http://gouvernement.cfwb.be/protocole-d-accord-entre-la-communaut-fran-aise-la-r-gion-wallonne-et-la-commission-communautaire-fran-aise-de-la-r-gion

Version du 31/01/2014

Pour tout renseignement complémentaire, contactez Mme Montserrat CARRERAS, chargée de relations avec les autorités politiques :
 Tél : +32 2 538 81 77
 Email : mcarrerasATamnestyPOINTbe (remplacez AT par « @ » et POINT par « . »)
 Twitter : twitter.com/AmnestyLobby


2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit