artcile paru dans Chengming, Hong Kong, traduit et publié par Courrier International n°770 du 4 au 24 août 2005

Cinq millions d’armes dans la nature par Yue Shan

L’an dernier, pendant la "semaine d’or" de congés accordée à l’occasion de la fête nationale du 1er octobre, des armes à feu ont été volées aux arsenaux de la sous-région militaire de Fenyang, dans la province du Shanxi, (centre-nord de la Chine). Début janvier, la même chose s’est produite au dépôt de la sous-région militaire de Luohe, dans la province du Henan (centre), puis, en mars, pendant la session parlementaire, au service du matériel déclassé du dépôt logistique de la subdivision de Huaihua, dans la province de Henan. Au total, ce sont plus de 27 000 armes légères de différents calibres qui ont disparu.
Mi-avril, le gouvernement et le ministère de la Sécurité publique ont ordonné l’annulation immédiate des permis de commercialisation d’armes de chasse et d’armes militaires dont disposaient les villes d’Erlianhaote en Mongolie-Intérieure, Yanji dans la provicne du Jilin (nord-est) et Jiamusi dans la province du Heilongjiang (nord-est).
A la veille du 1er mai, dans sept préfectures de quatre provinces, les autorités ont fait fermer onze entreprises fabriquant illégalement des armes, certaines de ces entreprises étant des sociétés publiques.
Le 14 mai, le secrétariat du Premier ministre et le ministère de la sécurité publique ont organisé une conférence téléphonique nationale entre les responsables provinciaux des services de la Sécurité publique, de la police armée et des forces armées. A cette occasion, le ministre de la sécurité publique, Zhou Shuikang, a demandé à ss services et à la police armée de contrôler plus sévèrement, conformément à la reglementation, la détention d’armes à feu et de procéder à des vérifications en la matière, en revoyant à intervalles réguliers les autorisations de port d’armes et en s’attaquant résolument à la fabrication illégale d’armes à feu.
Selon lui, les infractions dans ce domaine constituent désormais un grave danger pour la sécurité en Chine. Zhou Shuikang a indiqué qu’actuellement plus de 5 millions d’armes étaient en circulation dans la société, dont 680 000 sont déténues par 280 000 personnes en toute légalité. Chaque année, on relève près de 2 000 cas de blessures à autrui occasionnées par des détenteurs d’un permis de port d’armes.
Le ministre a également révélé que des milices armées illégales ne cessent de se créer dans les provinces du Henan, du Shanxi, du Hebei et du Jiangsu.
Toujours selon ce haut resposnable, une enquête réalisée en octobre 1982 à l’instigation du Comité central montrait déjà que, pendant la Révolution culturelle*, plus de 7.2 millions d’armes à feu s’étaient évanouies au sein des organisations de base, des entreprises, des communes populaires (forme d’organisation collective des villages), et des collectivités. Sur ce nombre, plus de 4 millions seraient des armes de fabrication américaine, japonaise ou soviétique datant des années 1940 ou 1950.
Le 16 mai, le gouvernement et la commission militaire du Comité central ont émis une circulaire ordonnant la confiscation de toutes les armes détenues sans autorisation. Il s’agit là de la septième directive en la matière depuis février 1990, chacune s’inscrivant dans un contexte particulièrement grave et complexe. Chaque fois, des dizaines de milliers d’armes ont été confisquées.


1 200 armes perdues par l’armée à Tian’Anmen.

Ainsi, celle du février 1990 faisait suite à la perte de 1 200 armes à feu après l’entrée de l’armée dans Pékin au moment des événements de juin 1989 (répression du mouvement prodémocratique). Aujourd’hui, environ 2 millions de personnes en Chine populaire détiendraient encore illégalemnt des armes. Près de 500 000 d’entre elles seraient d’anciens officiers ou hommes de troupes démobilisés.
L’origine des armes éparpillées au sein de la population est diverse : tout d’abord, il y a celles obtenues à l’occasion du renouvellement du matériel militaire ; les armes destinées en théorie à la case, mais en réalité, subtilisées pour être revendues ou offertes ; les armes produites en surnombre dans les usines militaires d’armement et revendues en secret ; il y a les armes conservées comme avantage en nature au sein de l’armée ; les armes disparues pendant les combats de la Révolution culturelle ; les armes des anciennes milices des communes populaires ou des milices urbaines dont on a perdu la trace ; enfin, il y a les armes renvoyées en Chine après la guerre contre le Vietnam ( vers le milieu des années 1980, plus de 700 000 armes chinoises avaient été capturées par les Vietnamiens).
En 1985, l’état-major et le département général de l’intendance de l’aréme ont fait procéder à un inventaire des armes mises au rebut ou dépôt de matériel militaire de Lanzhou (capitale de la province du Gansu), dans le nord-ouest du pays. Cet arsenal contenait au départ 400 000 armes de fabrication soviètique et plus de 500 000 fusils de type 54, fabriqués en Chine dans les années 1950, et pistolets-mitrailleurs semi-automatiqués datant des années 1960. L’invenatire a permis de trouver seulement 300 000 pistolets-mitrailleurs de fabrication soviétique, les autres armes ayant disparu on en sait où, l’enquête à ce sujet étant restée sans résultats.
Lors de l’été 2003, l’état-major et le département général de l’équipement ont effectué une inspection sur le terrain du Corps de production et de construction de Xinjiang**. Lors de leur visite, ils ont découvert que cette organistaion, tour en déposant chaque année une demande de renouvellement d’armement portant sur 50 000 armes, en revendait localement entre 30 000 et 50 000, au prix de 2 000 à 3 000 yuans l’unité, les bénéfices enregistrés par ces ventes étant censés alimenter un fond d’aide social.
Dans les anciennes bases révolutionnaires (du Parti communiste chinois non encore parvenu au pouvoir, dans les années 1930 et 1940) des provinces du Shaanxi , du Hebei, du Shanxi, du Jiangsu et du Shandong, plus de 1 millions de descendants d’acteurs de la révolution chinoise détiendraient encore des armes de leurs ancêtres et auraient crée localement des organisations armées sous forme d’"associations d’entreaide", ce qui constituerait une véritable bombe à retardement pour les autorités locales.

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