Bogotá a espionné sur le territoire belge

Dans le cadre du Sommet Europe - Amérique latine - Caraïbes (EU - LAC), un accord de libre-échange entre Union européenne et Colombie doit être signé ce mercredi à Madrid.

Broederlijk Delen, espionné et saboté

Le magazine flamand MO* révèlera dans son édition de juin que le principal service de renseignement colombien, le Département administratif de sécurité (DAS) a bel et bien espionné en Belgique le Parlement européen, l’ONG catholique flamande Broederlijk Delen, l’ONG Oxfam Solidarité, ainsi qu’une ONG colombienne disposant d’un siège à Bruxelles, Oficina Internacional de Derechos Humanos Acción Colombia (Oidhaco). Ces noms, révèlent MO*, figurent dans les documents du DAS saisis par la justice colombienne. On y précise notamment qu’il y a eu un ordre d’enquête sur le fait de savoir « si les collaborateurs de Broederlijk Delen auraient d’autres relations que professionnelles avec les collaborateurs des organisations partenaires colombiennes » et qu’injonction fut donnée de s’opposer à l’approbation par l’Union européenne d’un projet introduit par Broederlijk Delen au bénéfice de l’association colombienne Colectivo de Abogados (Collectif des avocats).

MO* révèle que le nouveau directeur du DAS s’est déplacé en Belgique ces dernières semaines pour tenter de limiter l’impact du scandale. Il aurait notamment rencontré Broederlijk Delen, ainsi que l’un des membres de Colectivo de Abogados, Luis Guillermo Perez, dont l’habitation aurait fait l’objet en octobre 2009 d’un cambriolage avec vol d’ordinateurs et disques durs externes.

Cette signature ne présenterait que peu d’intérêt si elle n’intervenait avant que l’Europe et les pays concernés – surtout la Belgique, hôte des institutions européennes – ne connaissent le fin mot des opérations d’espionnage et d’intoxication menées en Europe par le Département administratif de sécurité (DAS), le principal service de renseignement colombien. Or ces opérations d’infiltration ont eu notamment pour objet de faciliter la conclusion de cet accord de libre-échange. En d’autres termes, l’Union prend le risque de signer un accord dont la prémisse a peut-être été manipulée par Bogotá.

Explication : depuis plusieurs années, le DAS, principal service secret d’Amérique latine (6.500 agents) est sous enquête judiciaire en Colombie pour avoir mené des opérations de surveillance, d’écoute et de dénigrement, non seulement de militants des droits de l’homme et opposants supposés, mais aussi de magistrats de la Cour suprême et de dirigeants politiques. En Colombie, ces dérapages allaient jusqu’à favoriser l’assassinat de syndicalistes.

Les « indélicatesses » de la DAS ont été à ce point manifestes que, début avril, les Etats-Unis suspendaient leur aide à la DAS (pourtant partenaire privilégié de Washington dans la lutte antidrogue) pour transférer ces fonds à la police nationale et à l’équivalent de la police judiciaire colombienne (CTI).

Source : Alain LALLEMAND, Le Soir, mercredi 19 mai 2010

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