Cruelles et inhumaines, les conditions de détention à Guantanamo

A Guantánamo, les détenus vivent pour la plupart dans des conditions qu’Amnesty International assimile à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. La majorité des captifs passe au moins vingt-deux heures par jour en isolement total et subit diverses formes de privation sensorielle. Ces détenus sont restés enfermés près de six ans en moyenne. Ils n’ont qu’un accès limité, voire inexistant, à l’aide juridique, et n’ont pas non plus la perspective d’un procès équitable, ou d’un contact direct avec leur famille. Ces conditions de détention ont eu de graves conséquences sur la santé mentale et physique de nombre d’entre eux.

Les autorités américaines ont affirmé à plusieurs reprises que les détenus de Guantánamo étaient traités avec humanité. Selon elles, les prisonniers peuvent pratiquer leur religion et bénéficient de soins médicaux de haut niveau, d’une alimentation et d’installations sanitaires de bonne qualité. Toutefois, de nombreux détenus passent leur temps dans des cellules confinées, sans fenêtre donnant sur l’extérieur, sans lumière naturelle, ni arrivée d’air libre, avec peu de possibilités d’exercice physique ou d’autres activités. De telles conditions sont contraires aux normes minimales pour le traitement des détenus. Et c’est sans compter les conséquences désastreuses de la détention illimitée, des techniques d’interrogatoire violentes et des mauvais traitements infligés à certains prisonniers.

Les autorités américaines ont mis en avant la situation du Camp 4 de Guantánamo. Elles affirment que les détenus y vivent en communauté, ont plus d’activités, y compris récréatives, et passent la plupart de leur journée en extérieur. Toutefois, seule une minorité de détenus, quelques dizaines tout au plus, se trouvent dans ce camp. Les 300 prisonniers de Guantánamo sont essentiellement répartis entre les Camps 5, 6 et Echo. Là, chacun est placé à l’isolement et n’a donc que de rares contacts avec d’autres êtres humains.

Les détenus de Guantánamo n’ont pas droit aux visites de leur famille. Certains ont tout de même pu parler à leurs proches par téléphone. Les correspondances écrites sont largement censurées ou retardées. Par ailleurs, le papier et les stylos ne sont autorisés qu’à raison de trente minutes par semaine dans les cellules.

L’isolement prolongé peut entraîner de sérieux troubles psychologiques et physiques, en particulier lorsqu’il s’accompagne de privation sensorielle, d’inactivité forcée et de maintien dans un espace clos.

Les détenus n’ont généralement pas la possibilité de consulter des médecins ou des psychiatres indépendants.

Un donjon au-dessus du sol

Les autorités américaines ont décrit le Camp 6 comme une installation ultramoderne. Un détenu de ce camp le décrit comme un donjon au-dessus du sol.

Conçu pour recevoir 178 détenus, le Camp 6 est entouré de hauts murs de béton. À l’intérieur, les prisonniers sont maintenus pendant au moins vingt-deux heures par jour dans des cellules d’acier individuelles qui ne comportent aucune fenêtre donnant sur l’extérieur. Les cellules ne laissent entrer ni la lumière naturelle, ni l’air, ce qui est contraire aux normes internationales. Elles sont éclairées par des tubes fluorescents qui restent allumés vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Au Camp 5, les cellules et les conditions sont similaires. Les activités sociales et récréatives, ainsi que les contacts avec d’autres personnes, sont très restreints.

Le Camp Echo semble présenter les conditions les plus pénibles : les détenus passent de vingt-trois à vingt-quatre heures par jour dans des cellules réparties dans des bâtiments sans fenêtres. Des prisonniers auraient été privés d’exercice en plein air pendant plusieurs semaines d’affilée. Le Comité international de la Croix-Rouge a indiqué que les conditions de détention dans ce camp étaient extrêmement dures.

Certains détenus ont déclaré que des gardiens, et notamment des femmes, les observaient lorsqu’ils allaient aux toilettes ou se douchaient. Ce genre de comportement peut constituer une forme d’atteinte sexuelle.

Les détenus des Camps 5, 6 et Echo n’ont pas accès aux journaux, à la radio ou à la télévision.

Des protestations pacifiques

Nous [les grévistes de la faim], demandons seulement la justice : traitez-nous, comme promis, conformément aux Conventions de Genève […] pendant notre détention, inculpez-nous d’infractions reconnues par la loi, jugez-nous lors d’un procès équitable ou libérez-nous.
Benyam Mohammed al Habashi

Des détenus ont organisé des grèves de la faim pour protester contre leur enfermement et leurs conditions de détention. Certains ont été nourris de force par intubation nasogastrique. Cette méthode peut s’apparenter à de la torture ou à un mauvais traitement. Des détenus auraient été attachés à des chaises et nourris de force avec un gros tube en plastique à embout métallique. Ce traitement leur aurait occasionné des souffrances considérables. Selon leurs avocats, ils ont été placés à l’isolement dans des pièces glaciales et certains ont été battus à titre de sanction pour avoir rejoint le mouvement des grévistes de la faim.

Sami al Hajj, journaliste d’Al Jazira et détenu de Guantánamo, actuellement en grève de la faim, a déclaré que les prisonniers protestaient notamment contre les persécutions constantes liées à la religion, l’isolement et le déni de procès équitable. Ses avocats sont très préoccupés par son état de santé psychologique et physique.

Perte de privilèges

Tous les détenus, y compris ceux qui se trouvent dans l’unité des soins psychiatriques, peuvent être sanctionnés par une perte de privilèges en cas d’infraction réelle ou supposée aux règles du centre de détention.

Peu de temps avant sa libération, Jumah al Dossari a indiqué à son avocat qu’un détenu algérien nommé Abdul, qui souffrait d’une grave lésion au cerveau, avait tourné en rond dans sa cellule pendant trois jours, sans s’arrêter ni se nourrir, avant de paraître se tétaniser sur place. Selon Jumah al Dossari, Abdul avait été puni : tous ses articles de confort lui avaient été retirés, alors qu’il n’était pas en mesure de comprendre les règles du centre de détention.

En janvier 2007, Abdul Hamid al Ghizzawi a enfreint la règle interdisant aux détenus de transporter quoi que ce soit dans leurs poches quand ils se rendent aux douches : il avait du papier toilette dans la poche. Il a perdu tous ses privilèges, y compris son vêtement isolant, alors qu’il est atteint d’une hépatite B et de la tuberculose.

Les suicides : un bon coup de pub ?

Il était désespéré [...] alors il s’est suicidé [...] Il y a comme un nuage de désespérance au-dessus de Guantánamo.
L’avocat de Mani al Utaybi

Les craintes concernant la santé psychologique des détenus de Guantánamo se sont aggravées : trois hommes sont morts en 2006. Il se seraient suicidés. Par ailleurs, des dizaines de tentatives de suicides ont été signalées.

Mani al Utaybi est mort, ainsi que deux autres personnes, en juin 2006. Il ignorait apparemment qu’on envisageait de le transférer hors de Guantánamo, voire de le libérer. Les trois hommes étaient détenus en haute sécurité au Camp 1. Ils étaient enfermés dans des petites cellules, avec une activité physique réduite et peu d’éléments de confort. Un responsable américain a décrit ces suicides comme un bon coup de pub et une tactique destinée à faire progresser la cause du djihad. Un autre homme est mort au Camp 5 en mai 2007 ; il s’agirait également d’un suicide.

Agissez !

Exhortez les autorités américaines à :

 mettre immédiatement fin aux détentions à l’isolement prolongées et aux privations sensorielles imposées aux détenus de Guantánamo ;
 autoriser davantage d’interactions humaines, d’activités et de récréations pour tous les détenus ;
 autoriser les détenus de Guantánamo à être examinés en privé par des professionnels de la santé indépendants ;
 autoriser les familles des détenus à entretenir des contacts réguliers avec ces derniers, par courrier électronique, par téléphone et en leur rendant visite.

Envoyez vos appels à :

Rear Admiral Mark H Buzby
Commander Joint Task Force Guantánamo
Department of Defense
Joint Task Force Guantánamo
Guantánamo Bay, Cuba, APO AAE 09360
Fax : +1 305 437 1241
Formule d’appel : Dear Rear Admiral

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit