Guantanamo avril 2009 — pour certains, rien ne va changer...

Des détenus de Guantánamo continuent à attendre que leur cas fasse l’objet d’une révision judiciaire
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Seule une poignée de détenus de Guantánamo a bénéficié jusqu’à présent d’une audience judiciaire visant à déterminer la légalité de leur détention, en dépit de l’arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Boumediene c. Bush, il y a dix mois de cela ; avec ce jugement, la Cour suprême a reconnu aux détenus le droit à une audience « dans les meilleurs délais » en vertu de la procédure d’habeas corpus, qui permet la comparution immédiate d’un détenu devant une autorité judiciaire, afin de contester la légalité de la détention, et de permettre ainsi une éventuelle remise en liberté.

Le président Barack Obama a ordonné la fermeture du centre de détention de Guantánamo d’ici à janvier 2010. Cependant, le futur des quelque 240 détenus s’y trouvant encore reste incertain, tandis que se poursuit la révision de leurs cas et la refonte de la politique de détention américaine ordonnées par le nouveau président.

Ce processus a pour l’instant abouti à la libération d’un seul détenu. Aucun détenu de Guantánamo n’a été inculpé d’une quelconque infraction pénale par la nouvelle administration.

L’administration Bush avait réagi à l’arrêt Boumediene en recourant à des tactiques procédurales entraînant des retards dans les procédures d’habeas corpus. Le changement d’administration a encore allongé les délais.

Dans le cas de plusieurs détenus précédemment inculpés en vue d’un procès devant une commission militaire, la nouvelle administration a cherché à obtenir que leurs requêtes en habeas corpus soient rejetées au motif qu’ils ont été inculpés et sont en attente de leur procès, cela en dépit du fait que les commissions militaires ont été suspendues à la demande du président Obama. Parmi les détenus concernés figure Mohammed Jawad, un ressortissant afghan placé en détention sous la garde de l’armée américaine il y a plus de six ans, alors qu’il avait seize ou dix-sept ans.

Amnesty International a demandé à l’administration américaine de renoncer de manière définitive aux commissions et de ne pas s’opposer à une comparution dans des délais raisonnables en vertu de la procédure d’habeas corpus si un détenu dépose une requête en ce sens.

Au cours des sept mois qui se sont écoulés entre l’arrêt Boumediene et l’investiture du président, sur les 200 détenus contestant le bien-fondé de leur maintien en détention pour une durée indéterminée en raison de leur statut de « combattants ennemis », seuls neuf ont obtenu une décision sur le fond de leur dossier. Au cours des deux mois et demi qui ont suivi l’arrivée au pouvoir du nouveau président américain, la justice n’a statué que dans trois cas supplémentaires, dont l’un avait été examiné sous l’administration précédente.

« Une douzaine de décisions en dix mois, ce n’est pas là la révision prompte que souhaitait la Cour suprême, a déclaré Rob Freer, chercheur sur les États-Unis à Amnesty International. La résolution des cas des détenus de Guantánamo a déjà des années de retard. Chaque jour qui passe sans que la primauté du droit ne l’emporte de façon pleine et claire dans chaque cas contribue à des années de violations des droits humains. »

La détention pour une durée indéterminée se poursuit dans certains cas alors que des juges fédéraux ont prononcé la libération immédiate de l’intéressé. Deux hommes capturés en Bosnie-Herzégovine et transférés à Guantánamo en 2002 sont ainsi toujours derrière les barreaux quatre mois après que leur libération ait été ordonnée.

Un ressortissant tchadien arrivé à Guantánamo en 2002 à l’âge de quatorze ans, selon certaines sources, est lui aussi toujours incarcéré trois mois après qu’il ait été déterminé que sa détention était illégale.

Cela fait six mois qu’un juge fédéral a ordonné que 17 détenus ouïghours, que l’administration Bush ne considérait déjà plus comme des « combattants ennemis », soient remis en liberté sur le territoire américain. La nouvelle administration n’a pas retiré le recours formé par le gouvernement précédent contre cette décision et, en février, la cour d’appel a infirmé l’ordre de libération, considérant que le juge fédéral n’était pas compétent pour accorder telle réparation. Ce type de réparation est cependant expressément prévu par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel les États-Unis sont partie. La nouvelle administration semble désormais essayer de tirer parti de ce jugement pour renforcer son contrôle sur la libération des hommes encore détenus à la base navale.

«  Il est inacceptable qu’un seul détenu de Guantánamo continue à être incarcéré sans avoir été jugé ni même inculpé, a ajouté Rob Freer. Il faut que les détenus soient relâchés immédiatement, aux États-Unis si nécessaire, s’ils ne sont pas inculpés en vue d’être jugés dans le cadre d’un procès équitable devant des tribunaux fédéraux existants. »

Dans son nouveau rapport, Amnesty International revient sur la lenteur des procédures de révision judiciaire, et sur les manœuvres incessantes du gouvernement visant à restreindre autant que possible toute révision. Ce rapport que quelques cas viennent illustrer fournit également des exemples montrant que la nouvelle administration a engagé des procédures visant à limiter l’obligation de rendre des comptes et les voies de recours en ce qui concerne les atteintes aux droits fondamentaux des détenus, y compris la torture et la disparition forcée, qui sont des crimes au regard du droit international.

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