Les États-Unis : application de la peine de mort

Décision historique en matière de peine de mort aux USA

La Cour Suprême fédérale américaine a rendu deux arrêts très importants ces dernières années (en 2002 et en 2005). L’exécution des retardés mentaux ainsi que celle de mineurs au moment des faits est désormais interdite.

Dans ses décisions, la Cour Suprême fédérale prend en compte ce qu’on appelle les « evolving standards of decency » ou l’évolution de la mentalité américaine et des mœurs. Si une majorité d’Etats a interdit l’exécution d’arriérés mentaux ou de mineurs, elle estime qu’une majorité de citoyens s’opposent à cette pratique. La Cour suprême fédérale, en statuant dans l’affaire Atkins v. Virginia le 20 juin 2002, a interdit l’exécution de retardés mentaux en indiquant que les normes en matière de "bonnes moeurs" aux États-Unis ont évolué au point qu’il existe désormais un "consensus national" contre l’exécution de personnes affectées de retard mental . Néanmoins, la Cour suprême n’a pas précisé en quoi consiste le retard mental, laissant à chaque État de l’Union le soin de trancher cette question.

Pour la première fois dans un arrêt de la Cour, il est fait mention en 2005 de l’opinion MONDIALE et de l’isolement des Etats-Unis par rapport aux autres nations.

La décision de la Cour Suprême de mars 2005 a été prise à une très courte majorité (5 contre 4), ce qui fait ressortir l’importance que revêt la nomination des juges de la Cour par le président américain. Les juges à la Cour Suprême sont nommés à vie. Certains changements sont intervenus récemment : deux des neuf juges ont été remplacés. Le président Bush a choisi des juges très conservateurs…

LA PEINE DE MORT AUX USA

A l’heure actuelle, plus de 120 États dans le monde ont aboli la peine capitale de jure ou de facto. Les normes internationales visent à réduire le champ d’application de la peine de mort tandis que certaines conventions l’interdisent.

Depuis que la Cour suprême a mis fin en 1976 à un moratoire de quatre ans sur la peine de mort, plus de 1000 condamnés à mort ont été tués aux États-Unis. Les USA ont franchi un record en 1999 en procédant à 98 exécutions, soit le nombre le plus élevé depuis 1951 aux Etats-Unis. Le nombre d’exécutions a cependant diminué depuis cette année record ; en 2005, on a procédé à 60 exécutions. A ce jour, 38 États prévoient la peine capitale dans leur législation. Elle existe aussi au niveau fédéral et militaire.

Ces hommes et femmes exécutés jusqu’ici ont été sélectionnés par un système marqué au coin de l’arbitraire, gangrené par la discrimination et entaché de nombreuses erreurs. " Les victimes de crimes violents et leurs proches méritent qu’on leur témoigne respect et compassion et qu’on leur rende justice, " a souligné Amnesty International. Néanmoins, l’exécution d’un certain nombre de prisonniers sélectionnés ne satisfait aucune de ces exigences. Ce n’est qu’une solution illusoire à un problème social urgent, qui n’est en définitive rien d’autre que le résultat d’un manque de vision politique. " Au nombre de ces hommes et femmes figuraient des personnes condamnées pour des crimes commis alors qu’elles n’étaient encore que des enfants, des individus affectés de déficiences mentales, des personnes défendues par des avocats incompétents, des ressortissants étrangers privés de leur droit à une assistance consulaire, ainsi que des personnes dont la culpabilité a suscité des doutes persistants jusqu’à leur exécution. Par ailleurs, l’appartenance raciale des victimes de crimes passibles de la peine de mort et de ceux qui en sont accusés influe toujours sur l’application de ce châtiment. Dans plus de 80 % des cas, les crimes pour lesquels ces personnes ont été condamnées à mort impliquaient des victimes de race blanche. La peine capitale est appliquée de manière raciste. Un nombre à peu près équivalent de Blancs et de Noirs sont victimes de crimes violents ; pourtant 81 % des prisonniers exécutés depuis 1977 avaient été reconnus coupables du meurtre d’une victime blanche. D’autres facteurs tels que les circonstances aggravantes ne suffisent pas à expliquer les disparités liées à la race de l’accusé et de la victime. 42 % des condamnés à mort sont noirs alors que les Noirs ne constituent que 12% de la population des États-Unis. Le système judiciaire qui les a jugés et condamnés reste largement dominé par les Blancs.

Ces dernières années, Amnesty International a publié plusieurs rapports sur des aspects précis comme la question des délinquants mineurs, le problème de l’innocence, de la race et de la santé mentale. Ceci dans le but d’attirer l’attention sur des aspects particulièrement "choquants" dans l’application de la PDM aux USA.

Dans son arrêt sur la question de l’arriération mentale mentionné plus haut, la Cour suprême a jugé dans l’affaire Atkins c. Virginie, que l’exécution de personnes souffrant d’arriération mentale était contraire à la Constitution. Les juges ont notamment invoqué le « grand nombre » d’États qui se sont dotés d’une législation prohibant l’exécution de personnes atteintes d’arriération mentale et la « constance dans l’évolution », à savoir « l’absence totale d’États adoptant des textes législatifs qui rétablissent le pouvoir de procéder à de telles exécutions ». Amnesty International est d’avis que le même raisonnement doit maintenant amener la Cour suprême à déclarer inconstitutionnelle l’application de la peine capitale à des prisonniers atteints de grave maladie mentale.

Le problème de l’innocence est apparu de manière flagrante avec la libération de prisonniers reconnus innocents, entre autres dans l’Illinois, où ce fait a fait naître un débat sur la question et où le gouverneur Ryan à la fin de son mandat, a vidé le couloir de la mort de l’Illinois. Depuis 77, plus de 120 prisonniers reconnus innocents ont été libérés du couloir de la mort.

Le problème de la race est lui aussi particulièrement inquiétant. Le rapport d’Amnesty montre clairement que les préjugés raciaux vis-à-vis des Noirs américains et des Hispaniques influent directement sur le jugement et mènent à des condamnations à mort. Quant à la santé mentale, le constat est lui aussi alarmant. La prise en charge des problèmes graves de maladie mentale est tout à fait insuffisante.

Rien n’indique que les autorités américaines aient empêché le moindre crime en mettant en oeuvre une telle politique. L’application de la peine de mort a nécessité des millions de dollars, qui auraient pu être consacrés à des mesures plus constructives destinées à lutter contre la criminalité. Et le comble de cette macabre absurdité, c’est qu’elle crée de nouvelles victimes : les membres des familles des condamnés souvent au nom des droits des victimes. La peine de mort est un symptôme de la violence, et non un remède à ce fléau. Il est grand temps que les responsables politiques américains trouvent le courage d’éduquer l’opinion publique, au lieu de se retrancher derrière elle.

La vie ou la mort d’un accusé dépend parfois davantage de son défenseur que du crime qu’il a commis. Celui qui ne peut s’offrir les services d’un avocat compétent et expérimenté risque davantage d’être condamné à mort qu’un autre disposant des ressources financières suffisantes. Nul ne sait combien de prisonniers ont été exécutés aux États-Unis pour des crimes qu’ils n’ont pas commis. Amnesty International a recueilli des informations sur de nombreux cas de condamnés exécutés en dépit des doutes très sérieux qui subsistaient sur leur culpabilité.

On ne peut nier la cruauté de la peine de mort, quelle que soit la méthode utilisée. De nombreux condamnés à mort ont participé à des crimes odieux. Néanmoins, la peine de mort constitue une violation du droit à la vie et du droit de ne pas être soumis à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, droits qui sont ceux de tous les êtres humains, indépendamment de leur personnalité et de leurs actes.

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