États-Unis — les messages ambivalents d’Obama en matière de lutte antiterroriste durant ses 100 premiers jours

La politique de lutte contre le terrorisme mise en œuvre par le président Barack Obama au cours des 100 premiers jours de son mandat reposait sur « des promesses de changement assorties de mesures limitées ».

« Nous avons salué les mesures annoncées par le président Obama dans les deux jours qui ont suivi sa prise de fonctions, à savoir la fermeture de Guantánamo dans un délai d’un an, la fin du programme de détentions secrètes de la CIA et la rupture avec la culture du secret du gouvernement de George Bush, a déclaré Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International.

« Pour mener ­à bonne fin ces fermetures et la communication d’informations, le gouvernement américain doit aller plus loin en mettant un terme à toutes les détentions illégales, en déférant à la justice tous les auteurs présumés d’actes de torture et d’autres graves atteintes aux droits humains commis sous le gouvernement de George Bush et en accordant de réelles réparations aux victimes, a poursuivi Irene Khan.

« Le président Obama a avancé dans la bonne direction durant les 100 premiers jours de son mandat, mais il reste à finaliser ou franchir certaines étapes, notamment au sujet de Bagram, où des centaines de prisonniers sont toujours maintenus en détention, sans aucune perspective de solution. »

Le bilan d’Amnesty International concorde avec la publication d’un rapport qui analyse les nouvelles mesures du gouvernement en matière de politiques de détention liées à la lutte contre le terrorisme.

Ce rapport met l’accent sur plusieurs changements positifs intervenus au cours des 100 premiers jours de la présidence de Barack Obama : le troisième jour de son entrée en fonctions, il a notamment publié des décrets sur la fermeture de Guantánamo, la fin du programme de détentions secrètes de longue durée de la CIA et les nouvelles règles régissant les interrogatoires, qui ne doivent plus englober les prétendues techniques d’« interrogatoire renforcé ».

Toutefois, Amnesty International a également relevé plusieurs messages ambivalents, particulièrement lorsque le président Obama et son gouvernement :

  • ont rendu publics quatre mémorandums qui autorisaient légalement la CIA à user, contre les prisonniers qu’elle maintenait en détention secrète, de méthodes d’interrogatoire constituant des actes de torture ou d’autres mauvais traitements. Le président Obama a condamné la pratique de la torture, mais a assuré que les auteurs présumés de ces crimes ne seraient pas traduits en justice s’ils avaient suivi les conseils légaux du ministère de la Justice, soulignant qu’il préférait regarder vers l’avenir plutôt que vers le passé. Il a ajouté qu’il incombait au ministre de la Justice de décider d’ouvrir ou non des enquêtes sur ceux qui ont élaboré ces directives légales et qu’il ne voulait pas en « préjuger ».
  • ont publié un décret sur la future fermeture du centre de détention de Guantánamo, mais ne se sont pas engagés à inculper les détenus devant un tribunal civil ou à les libérer, laissant les 240 prisonniers dans le doute quant à leur avenir.
  • ont promis que les cas des détenus de Guantánamo seraient révisés « au fur et à mesure et aussi rapidement que possible », afin de déterminer lesquels étaient transférables ou libérables. Cependant, après des années d’incarcération – dont quelques mois sous le gouvernement actuel –, un seul prisonnier a été remis en liberté depuis janvier et aucun n’a été inculpé. Or, plusieurs détenus sont toujours incarcérés pour une durée indéterminée alors que, depuis des mois, des juges fédéraux américains ont ordonné leur libération immédiate.
  • ont ordonné à la CIA de fermer ses centres secrets de détention et lui ont interdit de gérer de tels centres à l’avenir, tout en lui laissant la possibilité d’enlever des personnes et d’opérer des détentions « de courte durée, transitoires ».
  • ont publié un décret interdisant le recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements, tout en approuvant sans réserve le Manuel de terrain de l’armée des États-Unis, qui autorise la privation prolongée de sommeil et l’isolement cellulaire, ainsi que l’exploitation des phobies des détenus d’une manière qui bafoue l’interdiction internationale de la torture et d’autres mauvais traitements.
  • ont annoncé une rupture avec la culture du secret privilégiée par le gouvernement Bush, mais ont invoqué la doctrine du secret d’État, bloquant dans les faits les réparations pour les violations des droits humains et s’abstenant de communiquer à la population des informations sur les quelque 500 hommes détenus à la base militaire américaine de Bagram.
  • ont visiblement cessé d’utiliser des termes comme « guerre contre le terrorisme » ou « combattant ennemi », mais continuent de s’appuyer sur les lois de la guerre, plutôt que sur la justice pénale et les droits humains, comme clé de voûte de leur politique de lutte contre le terrorisme.

Par ailleurs, le rapport d’Amnesty International a conclu que le président Obama et son gouvernement n’ont jusqu’à présent pas tenu leurs promesses en matière de droits humains lorsqu’ils :

  • ont affirmé que les agents de la CIA qui ont fait leur devoir en se basant sur les conseils légaux du ministère de la Justice ne seront pas poursuivis, même semble-t-il s’ils ont commis des actes de torture – par exemple en pratiquant le « waterboarding » (simulacre de noyade). Cela revient à accorder l’impunité à certains auteurs d’actes de torture, ce qui en soi viole le droit international.
  • ont privé du droit de révision judiciaire devant des tribunaux américains les ressortissants étrangers détenus à la base aérienne américaine de Bagram, en Afghanistan.
  • ont omis de prendre des mesures pertinentes afin de garantir l’obligation de rendre des comptes pour les violations généralisées des droits humains perpétrées dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ». À la veille de la fin des 100 jours, le président Obama a toutefois apporté un soutien relatif à un processus bipartite chargé d’examiner les politiques et les pratiques du passé. Amnesty International demande depuis 2004 qu’une commission totalement indépendante enquête sur toutes les facettes des pratiques de détention et d’interrogatoire mises en œuvre par les États-Unis dans le cadre de ce que le gouvernement Bush a appelé la «  guerre contre le terrorisme  ».

«  Il s’agit désormais de savoir si les promesses de changement du président Barack Obama et les premières mesures prises par son gouvernement préfigurent une véritable réorientation, solide et durable, vers le respect des droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Nous continuerons à faire campagne en faveur de cette évolution dans les jours, les mois et les années qui viennent », a conclu Irene Khan.

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