Introduction

Depuis 7 ans, la guerre frappe de façon presque ininterrompue la République démocratique du Congo (RDC). Depuis 1998, cette guerre a provoqué la mort de plus de 3 millions de personnes, pour la plupart des civils, hommes, femmes et enfants L’ International Rescue Committee (IRC) estime que 3,3 millions de personnes sont mortes ou ont été tuées par les effets de la guerre en août 1998 et décembre 2002 dans les 5 provinces dans l’Est de la RDC.

Des dizaines de milliers de femmes ont été violées. D’innombrables actes de torture on été commis. Des centaines de milliers de personnes fuyant le conflit, ont été contraintes de quitter leur maison pour aller dans les pays voisins ou dans d’autres régions du pays. Nombre d’entre elles sont mortes de malnutrition ou en raison de leur impossibilité de recevoir une assistance humanitaire. Jusqu’à 2 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur de la RDC, dont 400.000 enfants.

Ce n’est pas une guerre dans laquelle les civils sont les victimes malheureuses de ’dégâts collatéraux’, mais une guerre dans laquelle ils ont été inlassablement et impitoyablement pris pour cibles. La mort et les souffrances intenses sont devenues le lot quotidien des Congolais. En outre, ce conflit est également caractérisé par l’utilisation d’enfants comme forces combattantes par toutes les parties au conflit. Aujourd’hui, la RDC est l’un des pays au monde avec le plus grand nombre d’enfants soldats.

Amnesty International estime que le plus important facteur qui attise les combats est la compétition qui s’est instauré entre milices adverses, soutenues de manières différentes par le gouvernement de la RDC, l’Ouganda et le Rwanda, pour contrôler et bénéficier des immenses richesses provenance des ressources naturelles de la RDC. Parmi ces richesses naturelles, citons : l’or, les diamants, le bois et le coltan. Le contrôle militaire d’une région permet également aux dirigeants militaires et politiques des forces locales et étrangères d’extorquer la population locale et de monopoliser les droits de douane sur le commerce transfrontalier, commerce qui revient à plusieurs millions de dollars par mois. De leur côté, les combattants de base des milices, qui ne profitent pratiquement pas des richesses accumulées par leurs dirigeants, se livrent en toute liberté au pillage, aux viols et aux exécutions illégales, dès qu’ils remportent une victoire.

Les récompenses en matière de suprématie militaire sont telles que les groupes armés s’efforcent constamment et par n’importe quels moyens, de renforcer leurs capacités militaires. La nature souvent aléatoire des alliances forgées entre certaines des milices et leurs commanditaires étrangers soulignent l’absence d’un programme politique cohérent et théorisé. Ces alliances ne sont que des mariages de convenance dans lequel les dirigeants des milices s’engagent à respecter les ordres de leurs commanditaires en échange d’un soutien militaire direct. En dépit d’un embargo sur les armes officielles La résolution 1493 de juillet 2003 du Conseil de sécurité des Nations Unies impose un embargo sur les armes dans les provinces du Kivu et dans le district d’Ituri en RDC., des quantités substantielles d’armes continuent d’affluer dans le pays, sans pratiquement aucune vérification. Dans tout le pays, les armes sont utilisées pour commettre des actes de violence armée et des atteintes aux droits humains, en particulier des viols, des agressions, des exécutions sommaires et des déplacements forcés. Les dirigeants des milices, enrichis grâce au pillage des ressources et aux prélèvements abusifs, n’éprouvent aucune difficulté à acheter des armes, bouclant la boucle d’un cercle vicieux perpétuel de rapines par la force suivi de l’acquisition d’armes grâce aux bénéfices engrangés, suivie de nouvelles razzias.

Mais les armes ne sont pas suffisantes en elles-mêmes. Les groupes armés ont besoin de soldats pour former les rangs de cette armée. Les campagnes de recrutement sont pratiquement ininterrompues et l’enrôlement forcé est répandu depuis 1996, même si l’engagement militaire est lui aussi courant. Pour s’assurer qu’ils ont le nombre requis de soldats, tous les belligérants (groupes politiques armés et gouvernements) de la RDC se sont tournés sans scrupule vers le recrutement des enfants. Dans le contexte de la guerre, et de la destruction de la plupart des infrastructures économiques et sociales, les enfants souvent laissés à l’abandon ou qui sont déplacés en raison du conflit, sont généralement les plus susceptibles d’être recrutés. Certains rejoignent les rangs des forces ’volontairement’ pour assurer leur survie après l’éclatement de leur famille et des structures économiques et sociales ou sont plus sensibles que les adultes à la propagande des recruteurs et moins au fait des réalités de la guerre qui les attendent. Mais on ne laisse aucun choix à la grande majorité d’entre eux qui sont simplement enrôlés de force. Les chefs des milices estiment souvent que les enfants sont plus malléables, plus obéissants et plus faciles à endoctriner que les adultes. En outre, le flux massif d’armes légères en RDC a rendu plus viable l’utilisation d’enfants soldats, car ces armes légères peuvent être facilement portées par les garçons et les filles âgés de moins de 10 ans.

En général, les belligérants en RDC manquent de professionnalisme et de formation militaires ou tout simplement ils n’ont pas les moyens de développer des stratégies militaires complexes. De nombreuses batailles sont livrées, et remportées, sur la simple base de la supériorité numérique. C’est pour cela que plus une milice pourra recruter des enfants, meilleures seront ses chances de remporter une victoire militaire. Autrement dit : les enfants sont souvent recrutés pour servir de chair à canon. Une fois recrutés, les enfants sont généralement envoyés dans des camps avec des adultes pour y suivre un entraînement et un endoctrinement. Sur la ligne de front, les enfants sont régulièrement forcés de commettre des exactions en particulier des meurtres ou des viols contre des civils ou des soldats ennemis. Le sentiment de perte et les traumatismes auxquels ils ont été exposés ou qu’ils ont été contraints de commettre pendant les actions militaires ont un impact dévastateur sur leur intégrité mentale et physique.

En réaction aux pressions appuyées nationales et internationales concernant les méthodes de recrutement, la plupart des dirigeants des forces armées en RDC ont compris que pour essayer de regagner un semblant de respectabilité internationale, ils doivent se déclarer opposés aux recrutements des enfants et favorables aux opérations de démobilisation. Toutefois, ces prises de position semblent plus être un exercice de relations publiques qu’un engagement honnête et concret. Au cours de l’année 2003, le taux de recrutement des enfants s’est en fait accéléré dans certaines régions orientales du pays. Cela est dû en partie aux milices qui essayent de compenser le retrait officiel, mais en réalité bien incomplet, des troupes ougandaises et rwandaises du pays En juillet 2002, après des négociations à Prétoria en Afrique du Sud, le Rwanda a accepté de retirer ses troupes de la RDC en échange d’un engagement de la part du gouvernement de la RDC de désarmer les rebelles rwandais à majorité hutue et de présenter les personnes accusées d’avoir pris part au génocide rwandais de 1994, devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda basé dans la ville tanzanienne de Arusha. Le retrait des forces pro-gouvernementales angolaises, namibiennes et zimbabwéenne s’est accéléré. Par ailleurs, l’Ouganda a accepté de retirer ses troupes suite à un accord avec le gouvernement de RDC, à Luanda en Angola, en août 2002.. Bien qu’en période de soi-disant transition vers la paix, beaucoup des parties au conflit continuent de recruter des combattants, en particulier un nombre important d’enfants soldats. En juillet 2003, un gouvernement de transition national avec à sa tête, le président Joseph Kabila, assisté de 4 vice-présidents a été formé.

Par conséquent, il est du devoir du gouvernement de transition d’unité nationale de la RDC, des responsables des groupes armés et milices non représentés au sein du gouvernement de transition ainsi que des gouvernements étrangers impliqués dans le conflit en RDC, de donner des ordres précis pour faire cesser le recrutement, l’entraînement et l’utilisation d’enfants de moins de 18 ans comme combattants En outre, le gouvernement de transition devra s’assurer que personne de moins de 18 ans n’est incorporé dans la nouvelle armée. . S’agissant de la question de l’impunité des recruteurs d’enfants, les personnes soupçonnées du recrutement et de l’utilisation d’enfants soldats doivent être présentées à la justice.

Les informations et les analyses contenues dans ce rapport sont basées essentiellement sur des recherches effectuées par Amnesty International sur le terrain, en RDC durant l’année 2003. Au cours de leurs visites à Beni, Bukavu, Bunia, Goma, Kinshasa et Uvira, les chercheurs ont interviewé de nombreux enfants soldats enrôlés ou démobilisés. Les chercheurs ont également eu des entretiens avec des experts locaux et expatriés spécialisés dans le domaine du recrutement, de la démobilisation et des droits humains relatifs aux enfants soldats. Ils ont également rencontré plusieurs responsables gouvernementaux et de groupes armés pour faire part de leurs préoccupations concernant l’utilisation d’enfants soldats. Les réponses officielles émises durant ces rencontres sont contenues dans le présent document.

Nous souhaitons remercier tous les militants des droits humains qui ont aidé les chercheurs d’Amnesty International dans leur tâche. Travaillant dans des conditions souvent difficiles et dangereuses, leur courage, leur engagement et leur respect pour la personne humaine contrastent singulièrement avec l’indifférence flagrante aux souffrances humaines qui caractérise un si grand nombre de dirigeants militaires et politiques du pays. Afin de protéger leur identité nous n’avons pas donné le nom des militants des droits humains avec qui Amnesty International a collaboré et nous avons changé le nom de tous les enfants qui ont bien voulu témoigner. Amnesty International tient également à remercier les enfants et les jeunes adultes qui ont témoigné de leur expérience déchirante de la vie militaire et de leur espoir une fois démobilisés.

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