LA RÉPONSE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE POUR METTRE FIN AU RECRUTEMENT ET À L’UTILISATION D’ENFANTS SOLDATS

En réponse au phénomène extrêmement répandu du recrutement et de l’utilisation des enfants soldats, la communauté internationale a, ces dernières années, pris un certain nombre d’initiatives pour surveiller, rassembler des données et rendre compte du recrutement et de l’utilisation d’enfants soldats en RDC. De plus, les normes juridiques internationales consacrent l’illégalité du recrutement et de l’utilisation des enfants. La difficulté réside dans les mesures appropriées à prendre à partir des informations collectées grâce à la surveillance et au suivi de la communauté internationale en collaboration avec les ONG locales. Pour dissuader l’ensemble des recruteurs en RDC, ceux-ci doivent être présentés à la justice conformément aux normes juridiques internationales développées pour lutter contre la culture de l’impunité qui entoure le recrutement des enfants soldats.

4.1 Les Nations unies

Dans plusieurs des 20 résolutions onusiennes concernant la RDC, en particulier la résolution 1341 (2001), le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné l’utilisation d’enfants soldats et demandé qu’il soit mis un terme à toutes les formes de recrutement, de formation et d’utilisation des enfants dans les forces armées ( para.18). Dans sa résolution 1355 (2001), le Conseil de sécurité de l’ONU, fait part de sa profonde préoccupation concernant la poursuite du recrutement et de l’utilisation d’enfants soldats. Il demande à toutes les parties de prendre de manière urgente les mesures qui s’imposent pour assurer la protection des enfants et en particulier leur désarmement, leur démobilisation et leur réinsertion. En 2002, la résolution 1445 (2002) du Conseil de sécurité demande à la MONUC de prêter une attention particulière dans l’accomplissement de son mandat à tous les aspects relatifs à la protection et à la réinsertion des enfants.

Le 14 janvier 2003, le Conseil de sécurité a ouvertement débattu du rapport du 26 novembre 2002, du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés. Le document établit la liste des 10 parties au conflit qui recrutent et utilisent des enfants. Au cours des débats, le Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants dans les conflits, Olara Otunnu, a demandé au Conseil de sécurité d’envisager des mesures spécifiques contre toutes les parties de cette liste parmi lesquelles citons : des restrictions sur les déplacements de leurs dirigeants, l’exclusion automatique de toute responsabilité gouvernementale pour leurs dirigeants et l’impossibilité pour ces derniers de bénéficier d’une quelconque amnistie. A la suite de cette requête, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité, la résolution 1460 (2003), qui prévoit la surveillance continue des 10 parties nommées par le Secrétaire général, en proposant également une amélioration des systèmes de surveillance et de compte rendu au sein de l’ONU. Dans sa résolution, le Conseil de sécurité exprime ’son intention d’envisager de prendre des mesures appropriées pour résoudre cette question’. La résolution 1460 soutient également l’appel du Secrétaire général en faveur d’une ’phase de mise en œuvre’ des normes et principes internationaux de protection des enfants touchés par les conflits internationaux . La résolution exprime son intention d’entamer un dialogue ou d’aider le Secrétaire général à entamer un dialogue avec les parties à un conflit armé. Enfin la résolution envisage de prendre des mesures appropriées pour mettre un terme au recrutement et à l’utilisation des enfants dans des conflits armés en violation des obligations internationales.

Dans sa résolution 1493 ( 2003), le Conseil de sécurité "condamne avec force le fait que des enfants continuent à être recrutés et utilisés en République démocratique du Congo, en particulier dans le Nord et le Sud-Kivu et dans l’Ituri, et réitère la demande adressée à toutes les parties dans sa résolution 1460 (2003) de fournir au Représentant spécial du Secrétaire général des informations sur les mesures qu’elles sont prises pour mettre fin au recrutement et à l’utilisation d’enfants dans leurs composantes armées, ainsi que les demandes relatives à la protection des enfants énoncées dans sa résolution 1261 (1999) et les résolutions ultérieures."

Comme il est démontré dans ce rapport, les enfants continuent d’être recrutés dans les forces armées en raison d’une application insuffisante des normes et des recommandations internationales relatives à la protection des enfants. Il est crucial que l’ONU prenne les mesures appropriées pour assurer l’application effective des résolutions du Conseil de sécurité pour mettre un terme au recrutement et à l’utilisation des enfants soldats.

Le Secrétaire général a présenté 17 rapports au Conseil de sécurité concernant la situation en RDC. Plusieurs de ces rapports font référence de manière précise au recrutement et à l’utilisation d’enfants soldats. En février 2003, le Secrétaire général a rapporté que des enfants soldats continuent d’être présents dans tous les groupes armés en RDC. Parfois ils représenteraient 35 p. cent du nombre total de combattants et sont envoyés sur les lignes de front. Le rapport note également que de nouveaux recrutements ont lieu, y compris d’enfants soldats déjà démobilisés. Le document souligne enfin qu’il est important de se préoccuper de l’impunité pour crimes de guerre et autres exactions commises contre les enfants.

Outre le Conseil de sécurité de l’ONU, d’autres agences et organismes de l’ONU ont pris des mesures pour traiter la question du recrutement et de l’utilisation d’enfants soldats. En avril 2003, L’UNICEF et le PNUD ont organisé à Kinshasa, la première rencontre nationale sur le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des enfants soldats de tous les groupes armés. Participaient à cette rencontre beaucoup des parties au conflit, y compris les Maï maï, le RCD-Goma, et le MLC, ainsi que les représentants de la société civile et des ONG.

4.2 La MONUC

La Mission de l’ONU au Congo (MONUC) a été créée par la résolution 1279 du Conseil de sécurité de l’ONU, le 30 novembre 1999. Son mandat est la protection des civils. Toutefois, depuis sa création, la MONUC manque de personnel. A plusieurs reprises, elle s’est retrouvée dans l’impossibilité d’assurer la protection des civils en raison des restrictions imposées à son mandat, du manque de personnel et d’équipement, et d’une mauvaise coordination de localisation géographique. Les combats entre différents groupes politiques armés dans des territoires des provinces Orientale (en particulier dans la région de l’Ituri) du Sud-Kivu et du Nord-Kivu ont démontré l’incapacité de la MONUC d’assurer la protection des civils aux termes de son mandat actuel. C’est pour cela que depuis octobre 2002, Amnesty International et plusieurs ONG ont demandé un renforcement de la MONUC pour protéger les civils sous la menace imminente de violence physique. Les retards dans le déploiement d’un contingent plus substantiel de la MONUC à Bunia, ainsi que le peu d’empressement du Conseil de sécurité de l’ONU de promouvoir un rôle plus dynamique de la MONUC en vue d’assurer la protection des civils, ont conduit Amnesty International de soutenir l’appel lancé par le Secrétaire général et d’autres hauts responsables des Nations en faveur du déploiement immédiat d’une force multi-nationale sous l’égide de l’UE. Dans une lettre ouverte en date du 20 mai 2003 (AFR 62/016/2003) Amnesty International a demandé que la MONUC bénéficie d’une augmentation de son effectif militaire et des ressources et du matériel nécessaires pour accomplir son mandat, et assurer une protection efficace aux civils. La lettre précise que la MONUC devrait être doté d’un mandat fort afin de pouvoir assurer le maintien de l’ordre et la protection des civils dans le cadre de l’application des dispositions du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies. Le 28 juillet 2003, le Conseil de sécurité de l’ONU a prolongé le mandat de la MONUC jusqu’au 30 juillet 2004, accru le nombre de ses soldats qui est passé de 8700 soldats à 10.800, et imposé un embargo sur les armes contre tous les groupes armés congolais et étrangers opérant dans l’Est du pays.

La résolution 1493 de juillet 2003, autorise la MONUC à prendre les mesures nécessaires pour protéger les civils et les employés humanitaires contre toute menace imminente de violence physique, protéger le personnel et les installations de l’ONU et d’assurer sa liberté de mouvement et, enfin, de contribuer à améliorer les conditions de sécurité pour le passage de l’assistance humanitaire.

La mission comprend également du personnel civil de soutien en matière de protection des enfants, de droits humains, d’affaires humanitaires, d’affaires politiques ainsi que du personnel médical et administratif. La MONUC dispose de 5 principaux secteurs opérationnels à Kinshasa, Kisangani, Kananga, Kalemie et Mbandaka. La responsabilité de la MONUC est également de faciliter l’assistance humanitaire et la surveillance du respect des droits humains, en prêtant particulièrement attention aux groupes vulnérables comme les femmes et les enfants. La Section de protection de l’enfant est opérationnelle depuis février 2000. En plus d’un chef de section, il y a 10 Spécialistes de la protection de l’enfant (SPE) et un assistant national. La responsabilité des SPE est de développer une approche tenant compte des enfants dans les activités de la MONUC, en s’assurant que le Département des opérations de maintien de la paix, le Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants dans les conflits armés, et toutes les autres sections de la MONUC sont informées de manière adéquate. La section est également chargée de fournir des conseils sur les stratégies et les campagnes de sensibilisation concernant la protection des enfants, la surveillance, l’information et la sensibilisation aux violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains, avec une mention spéciale sur la nécessité de mettre un terme à l’impunité. Les SPE sont également impliqués dans le désarmement, la démobilisation et le rapatriement des enfants soldats congolais et étrangers. Dans ce contexte, les SPE ont entrepris des actions de sensibilisation pour mettre fin au recrutement et à l’utilisation des enfants soldats. Ils s’efforcent aussi d’avoir accès aux centres militaires où les enfants soldats suivent une formation et assistant les parties au conflit dans le processus de démobilisation. Toutefois la Section de protection de l’enfant de la MONUC et l’UNICEF doivent faire face à un problème de financement En juin 2003, un représentant de l’UNICEF a déclaré que seulement 12 p. cent des 45 millions de dollars (40, 1 millions d’euros) requis pour la RDC fin 2002, lui étaient parvenus. Ce représentant estime que la RDC est la dernière sur la liste des pays qui bénéficient d’une assistance de la part de la communauté internationale. Voir "Up to 10,000 child soldiers in strife-hit DRC region : UNICEF" Agence France Press, Genève, juin 2003. pour pouvoir mener à bien leur mandat.

4.3 Normes juridiques internationales relatives aux enfants soldats

Basés sur un consensus international jugeant illégal et immoral le recrutement et l’utilisation des enfants soldats, plusieurs traités internationaux et régionaux ont été élaborés pour prévenir le recrutement ou l’utilisation des enfants soldats. Toutefois, s’il est vrai que ces développements juridiques instituent des normes fondamentales en matière de protection des enfants, le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats continuent en raison d’une application inadéquate ou des violations de ces normes par les parties au conflit.

Reflétant la limite d’age établie par le droit international humanitaire, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant La RDC (le 27 septembre 1990), le Rwanda (le 24 janvier 1991), l’Ouganda (le 19 octobre 1990) et le Burundi (19 octobre 1990) ont ratifié la Convention relative aux Droits de l’Homme. prohibe le recrutement des enfants de moins de 15 ans. A cette convention, s’ajoute le Protocole optionnel à la Convention relative aux droits de l’enfant sur la participation des enfants dans les conflits qui fait passer l’âge minimum requis pour la participation des enfants aux hostilités de 15 à 18 ans. Le Protocole a été adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 12 février 2002. Les gouvernements de la RDC, du Rwanda et de l’Ouganda ont ratifié ce protocole. Ces pays ont déposé des déclarations contraignantes plaçant l’âge minimum requis pour le recrutement volontaire à 18 ans.

Le Protocole optionnel prohibe absolument tout recrutement forcé d’enfants de moins de 18 ans dans les forces armées (Article 2). L’Article 4 du Protocole indique que ’les groupes armés qui sont disctints des forces armées d’un état ne devraient en aucune circonstances enrôlés ni utilisés dans les hostilités des personnes âgées de moins de 18 ans.’ C’est une interdiction absolue. Amnesty International et 7 autres ONG intégrées au sein de la Coalition pour stopper l’utilisation d’enfants soldats demandent que l’âge de la conscription militaire, volontaire ou obligatoire, dans les forces armées gouvernementales ou les groupes d’opposition armés, ainsi que l’envoi sur les lignes de front, soit élevé à 18 ans. Amnesty International, Human Rights Watch, International Federation Terre des hommes, International Save the Children Alliance, Jesuit Refugee Service et Quaker UN office (Genève) ont mis sur pied la Coalition pour stopper l’utilisation des enfants soldats en juin 1999. Elle a depuis été rejointe par World Vision et Defence for Children International. La Coalition unit des organisations nationales, régionales et internationales ainsi que des réseaux en Afrique, en Asie, en Asie, en Europe, en Amérique latine et au Moyen Orient. Il y a des coalitions régionales dans 4 régions du monde (Amérique latin, Asie, Afrique et Moyen Orient) et de nombreuses coalitions régionales, y compris en RDC. La Coalition entreprend des recherches et des actions de surveillance sur l’utilisation des enfants soldats, des campagnes de sensibilisation et d’instruction publique sur la ratification et la mise en application des normes juridiques internationales interdisant le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats. En outre la Coalition se préoccupe des questions relatives au maillage de réseaux et au renforcement des capacités.

La RDC, le Rwanda et l’Ouganda sont également parties à la Convention 182 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les pires formes de travail des enfants. La Convention No.182 de juin 1999 visant l’interdiction et l’élimination des pires immédiates des pires formes du travail des enfants prévoit la prohibition du recrutement forcé ou obligatoire des enfants de moins de 18 ans dans les conflits armés. Cette convention interdit le recrutement forcé d’enfants pour être utilisés dans des conflits armés, comme travailleurs du sexe ou dans un quelconque emploi qui par ’leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant’ (Article 3 (d)). Cela oblige chaque état partie à ’prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l’interdiction et l’élimination des pires formes du travail des enfants, et ce de toute urgence’ (Article 1). Selon l’article 2 de la Convention, la définition d’un enfant s’applique à toute personne de moins de 18 ans. L’Article 3 précise que les pires formes du travail des enfants incluent ’le recrutement forcé ou obligatoire d’enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés’. C’est la première reconnaissance juridique spécifique selon laquelle le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats constitue un travail d’enfants. La Convention 182 de l’OIT est entrée en vigueur le 19 novembre 2000.

La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant est entrée en vigueur le 29 novembre 1999. Il s’agit d’un instrument régional qui prohibe spécifiquement le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats de moins de 18 ans dans des conflits armés internationaux ou non. L’Article 22 (2) exige que les états parties ’prennent toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’aucun enfant ne prennent directement part aux hostilités et en particulier à ce qu’aucun enfant ne soit enrôlé sous les drapeaux.’

4.4 La prohibition d’un crime de guerre

En plus de la prohibition du recrutement et de l’utilisation d’enfants âgés de moins de 18 ans, dans le cadre du traité mentionné ci-dessus, le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats de moins de 15 ans dans des conflits armés constituent un crime de guerre aux termes du droit international depuis 1977. De tels crimes de guerre entrent dans la juridiction du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et de la CPI. Le crime de guerre que constituent le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats de moins de 15 ans dans des conflits armés internationaux et non internationaux sont inclus dans le Statut de Rome portant création de la CPI. L’Article 8 (2) (b) (xxvi) définit le crime de guerre dans le cadre des conflits armés internationaux et l’Article 8 (2) (e) (vii), dans le cadre des conflits armés non internationaux.

Ces développements récents complètent la prohibition de l’utilisation des enfants de moins de 15 ans dans les Protocoles additionnels I (8) et II (9) de 1977 des Conventions de Genève de 1949. Ces deux Protocoles interdisent le recrutement et l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans les forces armées. De plus, ils soulignent le droit spécifique des enfants aux soins, au respect et à la protection. Le droit international humanitaire, ’le droit des conflits armés’, prohibe expressément le recrutement d’enfants de moins de 15 ans dans les groupes armés et leur participation aux hostilités. L’Article 4 (3) (c) du Protocole additionnel II aux Conventions de Genève précise que : ’les enfants de moins de 15 ans ne devront pas être recrutés dans les forces ou groupes armés, ni autorisés à prendre part aux hostilités’. Les violations graves des droits humains tombent sous la juridiction du Tribunal pénal international (TPIR) pour le Rwanda selon les dispositions du Statut du TPIR. Le Protocole II et l’Article 4 (3)(C) tombent dans cette catégorie.

4.5 Enquête et poursuites judiciaires pour crimes de guerre dans le cas du recrutement et de l’utilisation d’enfants soldats

Au niveau national, il est crucial que le gouvernement de transition s’assure de la compétence, de l’indépendance et de l’impartialité des tribunaux et que ceux-ci ont l’autorité et les ressources nécessaires pour enquêter sur le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats. De même, le gouvernement devrait s’assurer que les personnes soupçonnées soient présentées devant les tribunaux conformément aux normes internationales d’équité des procès, sans recourir à la peine de mort.

La communauté internationale a une responsabilité légale d’aider le gouvernement de transition de la RDC à renforcer son système judiciaire et à présenter devant les tribunaux les personnes soupçonnées du recrutement et de l’utilisation d’enfants soldats en RDC, dans la mesure où le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats constituent des crimes de guerre. En ce sens, ils constituent des crimes contre l’ensemble de la communauté internationale et pas seulement contre les enfants de RDC. Une mission conjointe, composée d’experts en justice pénale internationaux et provenant de la RDC, indépendants et impartiaux, devrait évaluer les besoins (ressources matérielles, formation des magistrats locaux, contributions de magistrats internationaux), et faire des recommandations pour l’établissement d’un plan d’action à long terme afin de reconstruire le système judiciaire du pays dans les dix ans à venir. Ce plan d’action devrait être développé dans le cadre d’un processus transparent en relation étroite avec la société civile. Par ailleurs, un tel plan pourrait également inclure l’établissement d’une commission nationale d’enquête soutenue par la communauté internationale, qui serait alors responsable des investigations et des poursuites judiciaires dans le système judiciaire national. Tous les dirigeants gouvernementaux, tous les responsables des groupes politiques et des milices parties au conflit devraient coopérer dans le cadre des enquêtes et des poursuites judiciaires engagées pour recrutement et utilisation d’enfants soldats conformément aux normes relatives à l’équité des procès et sans avoir recours à la peine de mort. Les états devraient également passer des accords d’extradition avec la RDC ainsi que des accords et d’assistance judiciaire mutuelle pour ces crimes dans les cas qui excluent le recours à la peine de mort.

Aux termes de la ratification du Statut de Rome, ces crimes devraient être définis comme crimes de guerre dans la législation de la RDC. Et cette définition devrait inclure le recrutement et l’utilisation de tous les enfants de moins de 18 ans, quel que soit le moment et le lieu où ces crimes ont été commis et devrait concerner tous les crimes de guerre, pas seulement ceux commis après le 1 juillet 2002. Voir les explications d’Amnesty International dans The International Criminal Court : Checklist for Effective Implementation AI Index : IOR 46/11/00, août 2000. Selon la proposition de loi actuelle, adoptée en octobre 2002 après des consultations publiques, le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats sera bien une infraction à la législation nationale mais cette infraction semble limitée au recrutement et à l’utilisation après la date de promulgation de la loi. Puisque le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats sont interdits par le droit international depuis 1977, la législation nationale devrait permettre à des tribunaux d’avoir juridiction pour les crimes de guerre commis depuis cette date-là. Amnesty International a l’intention de présenter à la RDC des commentaires et des recommandations concernant sa proposition de loi en septembre 2003.

De plus, la RDC et d’autres états, ainsi que les membres des groupes armés en RDC, devraient coopérer pleinement avec le procureur de la CPI dans le cadre de son information judiciaire sur la situation en RDC et dans toutes les enquêtes qu’il pourrait diligenter sur la situation dans ce pays. En juillet 2003, le procureur a annoncé que les atteintes aux droits humains en RDC constitueront la priorité de son information judiciaire dans le but de voir s’il y a lieu ou non de demander l’autorisation à la Chambre d’instruction de diligenter une enquête criminelle. Le gouvernement de la RDC a signé le 8 septembre 20002 le Statut de Rome, qu’il a ratifié le 11 avril 2002. Le Statut de Rome s’applique à l’ensemble de la RDC et les membres des différents groupes armés et des armées étrangères pourraient faire l’objet d’enquêtes et, s’il existe assez de preuves recevables, de poursuite devant la CPI pour des crimes commis sur le territoire de la RDC, y compris le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats.

Amnesty International estime que parmi les crimes qui devraient faire l’objet d’une information judiciaire sur la RDC sont les crimes contre les enfants, en particulier le crime de recrutement d’enfants de moins de 15 ans ou de les impliquer dans des situations au cours desquelles ils ont participé à ou ont été victimes de graves atteintes aux droits humains. Au niveau international, les états devraient coopérer avec les informations et les poursuites judiciaires contre toute personne soupçonnée de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de génocide, d’actes de tortures et autres infractions prohibées par le droit international à condition d’exclure le recours à la peine de mort.

4.6 Des victimes qui perpétuent des crimes aux termes du droit international

Les dirigeants politiques et les commandants militaires dans la région des Grands Lacs, en particulier en RDC, ayant ordonné ou encouragé des atteintes aux droits humains ou ayant fermé les yeux, en particulier les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, ont impliqué de nombreux enfants dans ces crimes. Dans beaucoup de cas, les enfants ont été brutalisés ou menacés de recours à la violence physique ou à la mort s’ils n’exécutaient pas les ordres qu’on leur avait donnés. Toute personne responsable de ces crimes devrait être traduite en justice. En particulier, les responsables politiques et militaires devraient être tenus responsables selon le principe du commandement et de la supériorité hiérarchique reconnu par le droit international pour les crimes commis par des enfants sous leur contrôle.

En fonction de l’âge de la responsabilité pénale, si un enfant est soupçonné d’être responsable de crimes selon les termes du droit international, Amnesty International estime qu’il devrait faire l’objet d’une enquête et que, s’il existe des preuves suffisantes recevables, devrait être poursuivi conformément aux normes et aux principes du droit international pour l’équité des procès pour les personnes de moins de 18 ans. Les normes et le droit international font de l’intérêt de l’enfant leur priorité. Ils reconnaissent les besoins spécifiques et la vulnérabilité des enfants et soulignent l’importance de la réhabilitation et de la réinsertion des enfants dans la société plutôt que la sanction. Souvent, les anciens enfants soldats qui ont commis des crimes craignent d’être rejetés par leur entourage. Il est donc essentiel d’identifier les acteurs clefs qui vont faciliter un certain niveau de réconciliation mutuelle avec leur famille et leur entourage. En fonction des actes commis par l’enfant, ce processus peut prendre du temps, voire même être voué à l’échec. Cela requiert donc une surveillance et un suivi extrêmement longs.

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