168 EXECUTIONS EXTRA-JUDICIAIRES DANS LE DARFOUR

Entre le 5 et le 7 mars 2004, des membres des forces armées et des services de renseignements de l’armée soudanaise, accompagnés par des membres des milices armées Janjawid, ont arrêté 168 hommes dans 10 villages de la province de Wadi Saleh, dans l’État du Darfour occidental. Tous ceux qui ont été arrêtés appartenaient à l’ethnie Four, l’ethnie la plus représentée dans le Darfour.

Les services de renseignements de l’armée les ont détenus à Deleij, situé à environ 30 kilomètres à l’est de la ville de Garsila, dans la province de Wadi Saleh. D’après les informations reçues, des membres des services de renseignements et de l’armée ont affirmé avoir arrêté ces 168 hommes au motif qu’ils étaient des sympathisants du groupe d’opposition Armée de libération du Soudan (ALS), en lutte armée contre le gouvernement depuis février 2003 pour des questions de discrimination et de marginalisation.

Les 168 hommes ont eu les yeux bandés et ont été emmenés par groupes de 40 environ, à bord de camions de l’armée, derrière une colline située près du village de Deleij. Là, on leur a ordonné de s’allonger sur le sol. Ils ont alors été fusillés par environ 45 membres des services de renseignements de l’armée et des Janjawid. Deux des fusillés, qui avaient seulement été blessés, sont restés cachés parmi les corps, puis ils se sont échappés et ont pu raconter ce qui s’était passé.

Le conflit dans le Darfour

Au cours des dernières années, dans le Darfour (situé dans l’ouest du Soudan), des groupes de nomades armés de la région, qui se sont par la suite organisés en milices Janjawid, ont tué ou blessé des centaines de civils appartenant à des communautés sédentaires d’agriculteurs comme les Four, les Zaghawa et les Masalit. Ils ont incendié leurs maisons et volé leur bétail. L’ALS et le Mouvement justice et égalité (MJE) ont pris les armes contre le gouvernement en février 2003 car ils estimaient qu’il ne protégeait pas suffisamment les habitants du Darfour et que cette région était marginalisée et sous-développée. Depuis, le gouvernement soudanais semble avoir laissé les Janjawid commettre librement des homicides, des enlèvements ainsi que des destructions de biens. Plus de 750 000 personnes ont fui leurs villages incendiés ; la plupart d’entre elles se sont réfugiées dans des villes du Darfour mais plus de 130 000 ont franchi
la frontière tchadienne.

De nombreuses informations font état de bombardements aériens visant des civils et des biens civils, par l’armée de l’air soudanaise. Les bombes utilisées sont généralement des boîtes remplies de bouts de métal larguées par des avions Antonov. Ces bombardements manquent en conséquence de précision. Des civils ont parfois signalé la présence d’hélicoptères armés volant à basse altitude et tirant sur les villages et la population civile.

Au cours des derniers mois, des centaines de personnes ont été tuées ou blessées, des femmes et des enfants violés, et des villages entiers réduits en cendres par les Janjawid qui agissent parfois avec des troupes gouvernementales. Un très grand nombre d’habitants de la région du Darfour ont été arrêtés. Le terme de « nettoyage ethnique » a parfois été utilisé, notamment par l’ancien coordonnateur humanitaire des Nations unies au Soudan, Mukesh Kapila, pour décrire le fait que certains groupes de cette région du Soudan semblent être systématiquement pris pour cibles.

Le 31 mars 2004, des négociations ont été entamées à N’Djamena, au Tchad, au sujet d’un accord de cessez-le-feu entre le gouvernement soudanais, d’une part, et l’ALS et le MJE, d’autre part. Les différentes parties sont parvenues à un accord garantissant le libre accès de l’aide humanitaire aux populations et prévoyant un cessez-le-feu d’une durée de quarante-cinq jours. Cet accord a pu être atteint en grand partie grâce à la forte pression exercée par la communauté internationale, principalement par les États-Unis, l’Union européenne et l’Union africaine dont des représentants ont assisté en tant qu’observateurs aux pourparlers. L’accord de cessez-le-feu devait être appliqué à compter du 12 avril. Cependant, selon les informations reçues, les Janjawid et l’armée de l’air soudanaise ont continué d’attaquer des civils et de s’en prendre à des biens civils.

Passez à l’action !

Ecrivez au Président soudanais. Ci-dessous, un modèle de lettre en anglais que vous pouvez envoyer (n’oubliez pas de la dater) et dans laquelle :
• vous dites être gravement préoccupé par les informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires perpétrées par des membres des services de sécurité soudanais, de l’armée soudanaise et des milices Janjawid, et demandez au gouvernement soudanais d’ouvrir immédiatement une enquête indépendante sur les allégations concernant l’exécution extrajudiciaire de 168 hommes dans la région de Wadi Saleh ;
• vous exhortez les autorités à faire en sorte que les auteurs de ces homicides ainsi que ceux qui les ont ordonnés soient déférés à la justice ;
• vous demandez aux autorités d’autoriser à l’avenir le déploiement d’observateurs internationaux des droits humains dans le Darfour afin qu’ils puissent enquêter sur toute information faisant état de tels agissements.

Lettre

Lieutenant-General Omar Hassan Ahmad al-Bashir,
President and Commander-in-Chief of Armed Forces,
President’s Palace,
PO Box 281,
Khartoum,
SUDAN

Your Excellency,

As a member of Amnesty International, I am deeply concerned over the reports of 131 extrajudicial executions perpetrated by elements of the Sudanese security services, the army and the Janjawid.

Between 5 and 7 March 2004, Sudanese military intelligence and armed forces officers accompanied by members of the armed militia, the Janjawid, arrested 168 people in 10 villages in Wadi Saleh province, in Western Darfur state. All those arrested belonged to the Fur, the largest ethnic group in Darfur.

The 168 men were then alledgedly blindfolded and taken in groups on army trucks to an area behind a hill near Deleij village. They were then told to lie on the ground and shot by members of the military intelligence and the Janjawid.

I am calling on the government of Sudan to launch an immediate independent investigation into the allegations of extra judicial executions in Wadi Saleh.

All human rights organizations expect the Sudanese authorities to make the findings of the investigation public and to bring to justice both the perpetrators and those who ordered the killings.

All human rights supporters would welcome your personal intervention in this matter.

Yours faithfully,

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