DARFOUR, UNE LUEUR DANS LA NUIT

NE PLUS AGIR POUR CETTE ACTION !

La communauté internationale a salué l’accord de paix intervenu le 5 mai entre le gouvernement de Khartoum et le principal groupe rebelle, qui vise à en finir avec la guerre civile au Darfour, où environ 300.000 personnes ont été tuées depuis 2003. Cet accord n’en demeure pas moins fragile - deux autre factions belligérantes ont refusé de le signer-, imprécis quant aux modalités de partage du pouvoir et des ressources, et évasif dans sa formulation. Mais par-dessus tout, sera-t-il respecté et parviendra t-il à préserver la trêve ? Pour l’heure, l’impact de cette avancée sur le sort des civils est indécelable. Pire encore, l’insécurité est omniprésente et la situation humanitaire s’est détériorée à un tel point qu’elle est pire que jamais.

On voudrait fêter l’accord et féliciter ses signataires mais le calvaire de la population se poursuit et des criminels continuent de violer et de tuer en toute impunité. Depuis 2003, plusieurs milliers de femmes et de jeunes filles ont été violées ou soumises à d’autres violences sexuelles au Darfour. Certains actes de violence contre les femmes ont désormais été explicitement reconnus comme des crimes contre l’humanité par la Cour Pénale Internationale. Pourtant, les autorités soudanaises ont refusé publiquement d’accéder aux requêtes de la CPI, qui demande que le Soudan mène des enquêtes, et arrête ou livre les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes de guerre.

Quant aux principaux groupes de défense des droits humains, leur sort n’est pas plus enviable. Ils sont la cible du gouvernement parce qu’ils tentent de recueillir des informations sur les violations des droits humains commises par les autorités soudanaises et qu’ils agissent auprès des populations maltraitées. Beaucoup sont torturés et détenus au secret sans jugement ni même inculpation pendant des semaines, voire des mois. Sous couvert d’état d’urgence et de lutte anti-insurrectionnelle, les autorités soudanaises peuvent enfreindre les droits civils et politiques. Leurs forces de sécurité sont investies de pouvoirs arbitraires considérables en matière d’arrestation et de détention et ont torturé des centaines d’habitants du Darfour. L’appareil judiciaire est faible et n’a pas la capacité ou la volonté de contraindre les forces gouvernementales et les milices qui leur sont alliées, à répondre de leurs actes en ce qui concerne les violations massives du droit international commises au Darfour. Les prétendues enquêtes sur les violations des droits humains sont, au mieux, entachées d’irrégularités et, au pire, inexistantes. Les procès inéquitables sont la norme et les tribunaux spéciaux rendant une justice sommaire sont toujours là, laissant peu d’espoir que la justice soit rendue équitablement.

Mais comment a-t-on pu en arriver là ? Bref rappel historique. Le conflit éclate en février 2003. C’est une réponse à la marginalisation économique, politique et sociale dont est victime cette région de la même superficie que la France, située à l’ouest du Soudan. Le gouvernement soudanais opte pour la solution militaire. Aujourd’hui encore, l’armée continue de prendre pour cibles les civils appartenant au même groupe ethnique que celui des insurgés. Les milices Janjawid, soutenues par le gouvernement, attaquent des villages, chassent et tuent les habitants, violent les femmes et les fillettes, brûlent ou pillent leurs maisons, leurs biens, leurs cultures et leurs troupeaux. Un tel climat d’impunité a permis le développement d’autres groupes armés qui volent et attaquent les civils et les équipes humanitaires.

Conséquences de la guerre civile : deux millions de civils ont dû abandonner leur foyer et plus de deux cent mille se trouvent dans des camps de réfugiés au Tchad, sans protection et en attente de justice.

La mission de l’Union Africaine au Darfour (AMIS) a été confrontée à la détérioration des conditions de sécurité sur le terrain. Il y a quelques semaines, dans la seule région de Gereida, 250.000 civils ont dû fuir des raids et des combats d’une intensité effroyable. Et des dizaines de milliers de déplacés restent hors d’atteinte des secours. Depuis la fin de l’année 2005, les attaques contre les civils, le personnel humanitaire et celui de l’AMIS se sont multipliées. Les Nations unies ont estimé qu’en avril 2006, quelque 650.000 civils dans le besoin ne bénéficiaient d’aucune aide parce que les agences humanitaires, faute de sécurité, ne pouvaient pas se rendre jusqu’à eux. Faute d’argent, le Programme Alimentaire Mondial a même dû réduire de moitié la valeur nutritive de ses rations alimentaires.

Seule une force puissante, mieux équipée et dotée d’un mandat fort, permettrait de protéger les civils, selon le Chapitre VII de la Charte de l’ONU. La communauté internationale se doit d’exercer une pression sur le gouvernement soudanais pour qu’il procède enfin au démantèlement et désarmement des milices Janjawid et applique les termes de l’accord de paix signé début du mois à Abuja (Nigéria).

« Le Conseil de sécurité des Nations unies doit assurer le déploiement urgent au Darfour d’une mission puissante et autorisée à recourir à la force pour protéger les civils », ont déclaré Amnesty International, Human Rights Watch et l’International Crisis Group dans une lettre conjointe envoyée le 25 mai 2006 aux États membres du Conseil de sécurité. « Le Conseil de sécurité doit assumer la responsabilité qu’il a de protéger les civils soudanais contre de nouvelles attaques, et insister pour que Khartoum cesse de tergiverser et accepte une mission vigoureuse des Nations unies, a déclaré Gareth Evans, président de l’International Crisis Group. Il faut aussi que l’action de l’Union africaine au Darfour soit soutenue et renforcée pour assurer une meilleure protection des civils. »

« Des mois pouvant s’écouler avant le déploiement complet de la mission des Nations unies, un soutien immédiat à l’Union africaine est essentiel, a commenté Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International. Les gouvernements donateurs doivent montrer qu’ils sont prêts à protéger la population du Darfour en s’engageant publiquement à fournir les fonds et les ressources militaires dont l’Union africaine - et les Nations unies - ont cruellement besoin. »

Le président al-Bachir, qui a toujours été hostile à une intervention d’une force de maintien de la paix au Darfour, envisagerait désormais de lever son veto sur le déploiement futur de Casques bleus appelés à suppléer les 7.000 soldats de la mission de maintien de la paix de l’Union Africaine au Soudan (AMIS). Sous-équipée, mal financée, en manque cruel d’effectifs et en l’absence d’un mandat proactif permettant une réelle protection des civils, l’AMIS n’a jamais été à même d’entraver les violences. Laisser la force de l’U.A. dans son état actuel reviendrait à voir le sort et les souffrances de plus de deux millions de civils empirer. CONCLUSION : IL FAUT AGIR ET AGIR RAPIDEMENT.

ACTION :
Amnesty International exhorte le gouvernement soudanais et toutes les factions rebelles à :
 cesser immédiatement les attaques contre les civils dans et en dehors des camps, les
travailleurs de l’aide humanitaire et les forces de l’AMIS ;
 désarmer et démanteler les milices Janjawid ;
 accepter le déploiement d’une force des Nations Unies ;
 mettre un terme aux viols et violences à caractère sexuel des femmes et jeunes filles ;
 poursuivre et déférer à la justice les coupables de tels crimes et mettre fin à l’impunité ;
 ratifier sans délai le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, et
collaborer pleinement avec la CPI.

Demandez avec nous que les choses changent ! Envoyez le modèle de lettre ci-dessous.

Dear Mr. President, 

Despite the Abuja peace agreement of May 5, a steady stream of reports from the United Nations and humanitarian officials at present in Darfur makes clear that violence continues apace, that the vast humanitarian crisis only grows more desperate, and that many hundreds of thousands of lives remain acutely at risk.

Your government has the responsibility to protect all of its citizens from human rights violations. However, there have been reports of Janjawid incursions across the border and forcible military recruitment and further acts of violence directed at the refugees. Janjawid militiamen continue to attack people outside the IDP camps and harass people inside. The Sudanese government has so far ignored AU Peace and Security Council and UN Security Council resolutions to control the Janjawid militias with the result that over two million civilians continue to suffer without protection, justice or any hope of redress.

I urge your government to immediately disarm and disband the Janjawid militia, prevent them from joining police, military, or security forces, and suspend any member of the Sudanese armed forces suspected of having committed or ordered human rights violations.
Another major concern is that the vital delivery of relief supplies is being hampered by the continuing outbreaks of violence. The consequences of insecurity are devastating. Large areas across Darfur are inaccessible to relief workers as a result of these direct attacks and continuing fighting. If relief workers have to pull out, hundreds of thousands of lives dependent upon a humanitarian lifeline are put at risk. As a result, Amnesty International calls on you to permit truly unfettered and unthreatened humanitarian access to humanitarian agencies in Darfur. 
Furthermore, I urge you, as President of Sudan, to agree to the deployment of UN peacekeeping forces adequate to address the security needs of over three million people, with a meaningful mandate for civilian or humanitarian protection. 
Rape and other forms of violence reportedly still occur within the IDP camps. Thousands of girls and women have been raped and subjected to other forms of sexual violence in the Darfur region of Sudan. Inquiries by the Prosecutor of the International Criminal Court identified “high numbers of mass rapes and other forms of extremely serious gender violence”, and a UN Commission of Inquiry found that these abuses amount to war crimes and crimes against humanity. Despite commitments to combat violence against women and girls in Darfur, the government of Sudan is overwhelmingly failing to investigate and prosecute these horrific crimes. It is essential that all cases are investigated and those responsible brought to justice. All victims should be provided with full and effective reparations.
Sudan has signed but not ratified the Rome Statute of the International Criminal Court. As the Court is currently investigating crimes committed in Darfur, it is important that Sudan ratifies the Rome Statute without delay. At the same time, I urge you to pledge and ensure Sudan's fullest cooperation with International Criminal Court, in accordance with UN Security Council Resolution 1593.
Yours sincerely,

Name: 

Address

DESTINATAIRE :
Lieutenant General Omar Hassan Ahmad AL-BASHIR
President’s palace
PO Box 281
Khartoum, SUDAN

COPIE A :
Embassy of the Republic of The Sudan
Avenue Franklin Roosevelt 124
1050 IXELLES
Email : sudanbx@yahoo.com

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