Tchad : « Sommes-nous citoyens de ce pays ? »

Les civils tchadiens laissés sans protection face aux attaques des Janjawids

La population de l’est du Tchad vit aujourd’hui le même cauchemar que celle du Darfour. Depuis la fin de la saison des pluies, en octobre 2006, les Janjawids soudanais ont repris leurs incursions dans l’est du Tchad, où ils massacrent les populations, pillent et détruisent les villages et violent les femmes en toute impunité.

Les Janjawids soudanais sont généralement accompagnés et aidés par des alliés locaux, des Arabes tchadiens et des groupes « africains » marginalisés comme les Ouaddaïs et les Mimis. La situation humanitaire et relative aux droits humains désastreuse est encore aggravée par les conflits entre groupes ethniques et par les attaques des rebelles tchadiens contre les civils. Le gouvernement tchadien ne semble avoir ni la volonté ni la capacité de protéger de ces attaques la population civile vivant dans l’est du pays, y compris les personnes déplacées et les réfugiés.

Les autorités soudanaises ne font aucun effort visible pour enrayer les incursions des Janjawids dans l’est du Tchad. Ceux-ci quittent librement le Soudan avec leurs armes et y reviennent sans encombre avec leur butin. Beaucoup font partie de groupes paramilitaires soudanais, et ils portent souvent des uniformes de l’armée soudanaise. Si la plupart se déplacent à cheval ou à dos de chameau, des témoins ont dit avoir vu des véhicules immatriculés au Soudan.

L’objectif des Janjawids semble être de vider des zones entières de certains groupes ethniques qui se considèrent et sont considérés comme « africains » plutôt qu’« arabes », et de les chasser de la zone de l’est du Tchad qui fait frontière avec le Soudan. Dans ce but, ils détruisent des villages entiers, se livrent à des pillages, spolient les groupes « africains » visés et les chassent de chez eux. Le soutien croissant du gouvernement soudanais aux rebelles tchadiens et la détérioration des relations entre le Tchad et le Soudan ont aussi contribué à la multiplication des affrontements armés et des attaques ciblées contre les civils.

Les raids meurtriers contre les groupes visés sont menés sur un vaste territoire. Les Janjawids pénètrent jusqu’à 150 kilomètres à l’intérieur du Tchad et font preuve d’une grande violence. Les villageois font des récits effrayants d’hommes attachés et traînés par des chevaux jusqu’à ce que mort s’ensuive, ainsi que d’exécutions sommaires. Les témoignages recueillis par les délégués d’Amnesty International montrent que les attaques sont très souvent accompagnées de viols et d’autres formes de violence sexuelle. Lors d’une attaque, des femmes ont été violées par plusieurs hommes devant la mosquée où elles pensaient avoir trouvé refuge.


Les personnes déplacées qui s’aventurent à l’extérieur des camps provisoires où elles sont installées pour aller ramasser du bois ou récupérer quelques biens dans leur village courent le risque d’être tuées, frappées ou violées par les Janjawids.
Face à de telles atrocités, le gouvernement tchadien préfère utiliser ses troupes pour se défendre contre les groupes d’opposition armés plutôt que pour protéger la population civile contre les attaques des Janjawids. Les Dajos et d’autres groupes ethniques pris pour cible dans la région de Dar Sila ont demandé à maintes reprises aux autorités et à l’armée de les protéger mais, même lorsque cette dernière ne se trouve qu’à quelques kilomètres, elle ne répond pas à leurs appels.
Pour ne rien arranger, les Nations unies n’ont toujours pas mis en place la force multidisciplinaire proposée par la Résolution 1706 du Conseil de sécurité en août 2006. Cette résolution prévoit le déploiement par les Nations Unies d’une « présence multidisciplinaire comprenant des spécialistes des affaires politiques, du personnel humanitaire et militaire et des officiers de liaison de la police civile affectés dans des lieux critiques au Tchad, y compris dans les camps de personnes déplacées et de réfugiés ». Si cette force multidisciplinaire avait été déployée, des centaines de vies auraient peut-être pu être sauvées. Or, fin décembre 2006, le Conseil de sécurité s’est contenté de proposer l’envoi d’une nouvelle mission d’évaluation au Tchad.

Le gouvernement du Soudan doit :

•désarmer les Janjawids, conformément aux résolutions 1556, 1654 et 1591 du Conseil de sécurité des Nations unies, au Protocole sur la sécurité de 2004 et à l’Accord de paix sur le Darfour de 2006, et prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher les incursions des Janjawids au Tchad ;

•mettre en place un processus indépendant, équitable et efficace de contrôle des forces paramilitaires, telles que les Forces de défense populaire (FDP) et la Garde frontalière de renseignements, afin de s’assurer qu’elles ne comptent pas parmi leurs membres des personnes pouvant raisonnablement être soupçonnées de crimes aux termes du droit international ou d’atteintes aux droits humains, dans l’attente d’enquêtes indépendantes et impartiales ;

•coopérer pleinement avec la MUAS ou toute autre force de maintien de la paix, en particulier pour empêcher les incursions au Tchad ;

•favoriser le déploiement d’une force de maintien de la paix efficace au Darfour, avec un mandat solide concernant la protection des civils.

ACTION :

Exhortez le Président de la République de satisfaire à ces demandes et envoyez lui la lettre ci-dessous :

Adresse : Lieutenant General Omar Hassan Ahmad AL-BASHIR, President’s palace, PO Box 281, Khartoum, SUDAN

Dear President,

The conflict in Darfur is spreading in eastern Chad where emergent Chadian armed groups, opposing the Chad government, are reported to have established links with pro-Sudanese government armed groups based in Darfur. The unarmed and unprotected civilians are paying the price for the continuing neglect of this region.

The governments of Chad and Sudan, as well as all the armed groups operating in their territories, must respect their obligations under international human rights and humanitarian law, in particular those relating to the protection of civilians.
Therefore, I urge you your government to :

 disarm the Janjawid in accordance with UN Security Council Resolutions 1556, 1654, and 1591, the Security Protocol of 2004, the Darfur Peace Agreement of 2006 and take all effective measures to prevent further cross-border incursions into Chad by the Janjawid.

 establish an independent, fair and effective vetting process for paramilitary forces such as the Popular Defence Force and the Border Intelligence Guard to ensure that those reasonably suspected of crimes under international law or human rights abuses are not part to these forces, pending independent and impartial investigations.

 cooperate fully with AMIS or any peacekeeping force particularly in preventing cross-border raids into Chad

 facilitate the deployment of an effective peacekeeping force in Darfur with a strong mandate to protect civilians.

Yours sincerely,

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