Écrire Accusé de diffamation pour des messages sur les réseaux sociaux

Haris Azhar, coordinateur exécutif d’une organisation non gouvernementale (ONG) de premier plan dans le domaine des droits humains en Indonésie, fait l’objet d’une information judiciaire pour diffamation parce qu’il a publié sur les réseaux sociaux un témoignage impliquant des agents des forces de sécurité et d’organes chargés de l’application des lois dans des affaires de trafic de stupéfiants et de corruption.

Le 28 juillet, Haris Azhar, coordinateur exécutif de la Commission pour les disparus et les victimes de la violence (KontraS), a publié un témoignage basé sur les conversations qu’il a eues en 2014 avec un trafiquant de stupéfiants condamné à mort. Ce message impliquait des agents des forces de sécurité et d’organes chargés de l’application des lois dans des affaires de trafic de stupéfiants et de corruption en Indonésie. Il a été publié et largement diffusé 24 heures avant que le prisonnier concerné ne soit exécuté, le 29 juillet, sur l’île de Nusakambangan (Java central), aux côtés de trois autres personnes condamnées pour des infractions liées aux stupéfiants.

Depuis la publication du témoignage, intitulé « The dark story of a bandit : testimony from a meeting with Freddy Budiman in Nusakambangan Prison (2014) », Haris Azhar a reçu des menaces proférées par des inconnus et les membres du personnel de la KontraS sont convaincus d’être surveillés par des agents du renseignement, qui se sont rendus dans leurs locaux incognito.

Le 2 août, la police nationale (POLRI), l’armée (TNI) et l’Agence nationale des narcotiques ont porté plainte collectivement pour diffamation contre Haris Azhar, qui aurait enfreint la Loi de 2008 relative aux informations et aux transactions électroniques (ITE). Elles l’ont aussi dénoncé à la Direction des enquêtes criminelles de la police nationale (BARESKRIM). S’il est inculpé et déclaré coupable, Haris Azhar encourt six ans d’emprisonnement et une amende d’un milliards de roupies indonésiennes (environ 82 610 dollars des États-Unis).

En 2014, Haris Azhar s’est rendu sur l’île de Nusakambangan (Java central) pour rencontrer deux condamnés à mort. Il s’est notamment entretenu avec Freddy Budiman, condamné à la peine capitale en 2012 par le tribunal du district de Djakarta-Ouest pour des infractions liées aux stupéfiants. Il a aussi rencontré le directeur de la prison, qui lui a indiqué que l’Agence nationale des narcotiques lui avait ordonné à plusieurs reprises de retirer les caméras de surveillance installées dans la cellule de ce détenu. La KontraS a ensuite constitué une équipe chargée d’enquêter sur ces allégations ; les investigations sont en cours. Le 24 juillet, Haris Azhar a tenté de transmettre le témoignage aux autorités à titre de preuve mais il lui a été conseillé de ne pas rendre le document public.

La Loi de 2008 relative aux informations et aux transactions électroniques (ITE), qui encadre l’information sur Internet, est formulée en des termes flous, ce qui permet d’interpréter de façon large la notion de diffamation et de blasphème afin d’ériger en infraction la liberté d’expression en Indonésie. L’article 28(2) de ce texte porte sur les informations « visant à susciter la haine ou l’hostilité [à l’égard] de quelqu’un » et sert, dans la pratique, à poursuivre des personnes accusées d’avoir diffamé ou insulté une religion sur Internet. Le 31 mars 2015, le tribunal du district de Bandung a condamné Wisni Yetty, une femme de 47 ans originaire de Bandung dans la province de Java occidental, à cinq mois de prison et une amende de 100 millions de roupies (7 670 dollars des États-Unis). Celle-ci a été condamnée en vertu de l’article 27(1) de la Loi ITE pour « transmission électronique de contenu portant atteinte aux bonnes mœurs », après avoir accusé son ex-mari d’avoir abusé d’elle dans une conversation privée sur Facebook avec une amie. Son mari avait eu accès à son compte, imprimé la conversation, et l’avait dénoncée à la police.

Dans une autre affaire jugée le même jour, le tribunal du district de Yogyakarta a condamné Florence Sihombing, une étudiante, à six mois de sursis ou deux mois de prison ferme, et à une amende de 10 millions de roupies (767 dollars des États-Unis). Cette femme a été condamnée pour diffamation en vertu de l’article 27(3) de la Loi ITE, après avoir publié sur le réseau social Path le message suivant : « Jogja est un endroit pauvre, stupide et barbare. A mes amis de Djakarta et de Bandung : ne venez jamais vivre à Jogja. » D’après le président du tribunal, sa publication contenait des « insultes » et a créé de « l’agitation » parmi les résidents de Yogyakarta.

En 2012, Alexander An a été condamné à six mois d’emprisonnement et une amende de 100 millions de roupies indonésiennes (environ 11 000 dollars des États-Unis) par le tribunal du district de Sijunjung (Sumatra-Ouest) pour des messages Facebook jugés « insultants » à l’égard de l’islam et du prophète Mahomet. Dans une autre affaire, Sebastian Joe a été condamné à cinq ans d’emprisonnement pour un message Facebook considéré comme un outrage à l’islam. Sa peine initiale de quatre ans d’emprisonnement, infligée par le tribunal du district de Ciamis en vertu de l’article 156(a) du Code pénal, a été portée à cinq ans par la haute cour de Bandung (Java occidental) en vertu de l’article 28(2) de la Loi ITE.

L’article 27(3) de la Loi ITE sert principalement à engager des poursuites pour diffamation pour des motifs divers et s’applique à « toute personne qui, délibérément et sans en détenir les droits, distribue des informations et/ou documents électroniques dont le contenu est insultant et/ou diffamatoire, et/ou les rend accessibles ». En 2014, Abraham Sujoko a été condamné à deux ans d’emprisonnement par le tribunal du district de Dompu (Nusa Tenggara-Ouest) en vertu de l’article 27(3) de la Loi ITE pour outrage à l’islam dans une séquence vidéo diffusée sur YouTube.

L’incrimination de la diffamation bafoue l’obligation légale faite à l’Indonésie de respecter et de protéger le droit à la liberté d’expression aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel cet État est partie. Le Comité des droits de l’homme [Nations unies] a encouragé les États à envisager de dépénaliser la diffamation et a souligné que les lois relatives à la diffamation devaient être élaborées avec soin de sorte qu’elles soient conformes aux obligations internationales des États en matière de droits humains et qu’elles ne répriment pas la liberté d’expression dans la pratique. L’intérêt collectif vis-à-vis du sujet soumis à la critique doit être reconnu comme une ligne de défense et les États doivent s’abstenir d’infliger des peines excessives.

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