L’acteur Andro Chichinadze est une personnalité publique bien connue en Géorgie. Il critique ouvertement le gouvernement et a participé aux manifestations pro-européennes de novembre et décembre 2024. L’un de ses coaccusés, le comédien Onise Tskhadadze, est également une personnalité publique.
Outre les violations des droits humains, notamment les atteintes au droit à un procès équitable subies par tous les accusés dans cette affaire, Andro Chichinadze et Onise Tskhadadze semblent avoir été spécifiquement montrés du doigt par des responsables gouvernementaux, semble-t-il en raison de leur visibilité en tant que figures de la contestation, de sorte à créer un effet dissuasif.
Le parquet avait d’abord inculpé Andro Chichinadze et 18 autres manifestants de « violences en réunion », un « crime grave » passible de neuf ans de prison, mais au dernier moment, il a requalifié les faits en « actions de groupe perturbant l’ordre public », infraction passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans.
Les 2 et 3 septembre, dans le cadre de deux procédures distinctes, un tribunal de Tbilissi a condamné ces 19 personnes à des peines de deux ans à deux ans et demi de prison pour trouble à l’ordre public commis en groupe. Pourtant, il n’a pas été prouvé que les actes reprochés à Andro Chichinadze (avoir jeté des objets), ni les actions des autres accusés, aient mis en danger quiconque ou causé des dommages ou des préjudices.
Dans tous les cas, le parquet n’a pas réussi à prouver que les actes pour lesquels les personnes étaient jugées étaient prémédités, coordonnés ou liés à un plan de plus grande ampleur, éléments clés de la définition juridique des « actions de groupe perturbant l’ordre public ». Par ailleurs, lors du procès, les témoins de l’accusation, notamment des policiers disant avoir été victimes de « violences en réunion », n’ont pas été en mesure d’identifier Andro Chichinadze ni les autres accusés comme étant les personnes ayant commis des actes de violence à leur encontre.
Le procès d’Andro Chichinadze a été entaché de nombreuses violations du droit à un procès équitable, notamment le fait de lui avoir imposé des avocats commis d’office sans son consentement, le refus d’accorder à la défense un délai suffisant pour se préparer et le renvoi arbitraire de certains de ses coaccusés de la salle d’audience pendant le procès.
Les autres accusés ont été victimes des mêmes violations lors de leur procès. Celles-ci sont symptomatiques de l’instrumentalisation de la justice pénale par les autorités géorgiennes pour sanctionner les manifestant·e·s et museler l’opposition, et reflètent le déni de justice systématique pour les centaines de manifestant·e·s qui ont été pris pour cibles et punis en raison de leur participation aux manifestations antigouvernementales.
Depuis plus d’un an, des manifestations ont lieu dans toute la Géorgie, contre le projet de loi sur la transparence des influences étrangères en avril et mai 2024, les résultats contestés des élections d’octobre de la même année et la suspension du processus d’adhésion à l’UE en novembre-décembre 2024. La police a recouru à une force illégale pour disperser des manifestant·e·s majoritairement pacifiques, prenant la forme d’arrestations arbitraires, de passages à tabac et d’autres mauvais traitements, qui ont fait des blessés et entraîné la détention arbitraire de centaines de manifestant·e·s. La police a également poursuivi des personnes ayant participé à des manifestations en dehors de ces événements, en procédant à des perquisitions et des arrestations à leur domicile et sur leur lieu de travail.
Quelque 500 manifestant·e·s auraient été placés en détention lors des seules manifestations de novembre et décembre.
Amnesty International a fait état du recours généralisé à la torture et à d’autres mauvais traitements contre des manifestant·e·s détenus, de l’utilisation abusive de la justice pénale contre l’opposition politique et d’autres voix contestataires, ainsi que de représailles sexistes, notamment des violences, contre des manifestantes en Géorgie.
L’organisation a également lancé récemment une campagne mondiale pour demander justice et respect de l’obligation de rendre des comptes pour les manifestant·e·s en Géorgie.