Davit Katsarava est un dirigeant du mouvement géorgien anti-occupation « Force dans l’Unité », qui surveille la ligne d’occupation russe (la frontière entre le territoire contrôlé par la Géorgie et les régions du pays occupées par la Russie) depuis 2017. Aux côtés des membres du mouvement, il se rend régulièrement sur place pour rassembler des informations sur les plaintes déposées par des habitants et observer les mouvements militaires russes.
En outre, il a participé activement aux grandes manifestations contre le projet de loi « sur la transparence de l’influence étrangère », qui contraint les organisations de la société civile recevant des financements de sources étrangères à s’enregistrer en tant qu’« organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère ». Ce projet de loi, qui a depuis été promulgué, viole les droits à la liberté d’expression et d’association.
Davit Katsarava a été appréhendé par les forces spéciales de la police le 14 mai devant le Parlement alors qu’il manifestait pacifiquement contre l’adoption du texte de loi au Parlement. Dans la vidéo filmant son arrestation, on peut le voir debout parmi les autres participants au rassemblement, s’adressant à des policiers de manière pacifique, lorsque plusieurs d’entre eux, tous ayant le visage couvert par des masques noirs, sortent des rangs, courent dans sa direction et le traînent plus loin.
Dans une interview vidéo accordée à Amnesty International le 28 mai, il a raconté en détail comment il a été arrêté, roué de coups et maltraité pendant plus d’une heure par des membres des forces spéciales de la police :
« Les coups et les violences physiques ont commencé immédiatement, dès qu’ils m’ont capturé et traîné à l’extérieur de la zone de manifestation. Ils ont pris mon sac, mon téléphone, mes effets personnels et ont commencé à me frapper sans pitié tout en criant des insultes déshumanisantes. À un moment donné, j’ai entendu quelqu’un donner l’ordre de faire un cercle, et une dizaine d’agents des forces spéciales ont commencé à me frapper simultanément alors que j’étais au sol, menotté. Ensuite, ils m’ont mis dans la fourgonnette où les insultes, les violences et les coups ont continué. Ils portaient des gants spéciaux en forme de coups de poing américain et dirigeaient les coups au niveau de mon visage et de ma tête.
Au troisième passage à tabac, ils ont fait preuve d’une cruauté particulière, puisque l’un d’eux a crié : « Tuez-le, tuez-le ». Ils ont alors commencé à m’étouffer avec le foulard que je portais. J’étais certain que j’allais soit mourir, soit finir mutilé. Quand ils ont vu que j’avais le visage et la tête couverts de sang et que je ne pouvais pas ouvrir l’œil gauche, ils ont sorti un téléphone et ont commencé à me filmer. Ce n’est qu’après avoir pris ces images qu’ils m’ont remis à la police, qui m’a fait signer une notification de procédure administrative et a appelé une ambulance d’urgence. »
Davit Katsarava a dû subir une intervention chirurgicale en urgence pour les fractures des os de son visage et une chirurgie oculaire, et souffre des séquelles d’une commotion cérébrale qui l’empêchent d’effectuer des activités même normales. Il souffre de problèmes de vue et de lésions oculaires permanentes.
Le Service spécial d’enquête, organisme chargé d’enquêter sur les atteintes aux droits humains imputables à la police, a ouvert une enquête sur les passages à tabac infligés à Davit Katsarava, qu’il a qualifiés d’« abus d’autorité avec usage de la violence » (article 333-3-b du Code pénal).
La police aurait arrêté 13 personnes lors de la manifestation du 14 mai, toutes accusées d’houliganisme simple ou de désobéissance à la police.
Selon les rapports d’organismes géorgiens de surveillance des droits humains, depuis le début des manifestations le 15 avril, environ 300 personnes ont été arrêtées pour avoir protesté contre la loi « sur la transparence de l’influence étrangère », plus de 200 ont été accusées de violations administratives et condamnées à une amende pour leur participation aux manifestations. Une dizaine de manifestants ont fait l’objet de poursuites pénales et une centaine ont signalé avoir été battus et soumis à d’autres formes de mauvais traitements par la police, dont plusieurs souffrent de graves lésions.