Soon Tabuni a été arrêté après avoir publié sur Facebook, le 25 mai 2020, le message suivant : « L’auteur du meurtre de deux écoliers (mile 34, Kalibiru, Timika) et de deux membres du personnel médical en Intan Jaya est le chef de la police de Papouasie, Paulus Waterpauw. »
Il a été appréhendé le surlendemain, le 27 mai, par des membres en civil de la police de Mimika qui n’ont pas présenté de mandat d’arrêt. Lors de son arrestation, Soon Tabuni a reçu trois balles dans la jambe et a dû être conduit à l’hôpital pour y être pris en charge en ambulatoire.
Soon Tabuni a ensuite été placé en détention dans la prison du commandement de la brigade mobile du cabupaten de Mimika, où il se trouve encore aujourd’hui. Il a été accusé d’infraction à l’article 45A.2 et à l’article 28.2 de la Loi n° 19 de 2016 portant modification de la Loi n° 11 de 2008 relative aux informations et aux transactions électroniques, ainsi qu’à l’article 55.1 du Code pénal.
La procédure judiciaire a été extrêmement lente, et Soon Tabuni est détenu depuis 332 jours. Ses avocats n’ont pu le voir qu’après avoir déposé de nombreuses plaintes. Tous les entretiens avec eux ont eu une durée très limitée et ont été étroitement surveillés.
Les procureurs ont lu l’acte d’accusation de Soon Tabuni le jeudi 15 avril 2021 et ont requis un emprisonnement de 18 mois, ainsi qu’une amende d’un milliard de roupies indonésiennes remplaçable par six autres mois d’emprisonnement. Le 23 avril 2021, le tribunal de district de Timika a condamné Soon Tabuni à six mois d’emprisonnement et à une amende d’un milliard de roupies indonésiennes.
Les mauvaises conditions de vie dans le centre de détention, à savoir une aération déficiente et une eau de qualité médiocre, ont affecté le bien-être physique et mental de Soon Tabuni. Sa famille ne peut lui rendre visite qu’une fois par semaine, ce qui laisse à craindre que sa santé ne continue à se détériorer. Interrogés sur les raisons pour lesquelles Soon Tabuni était détenu dans la prison du commandement de la brigade de police mobile, ce qui n’est pas la procédure habituelle, des fonctionnaires ont indiqué qu’il s’agissait d’un « ordre des supérieurs ».
Le président de la République d’Indonésie s’est dit préoccupé par la Loi ITE, craignant que celle-ci ne corresponde pas à la conception de la justice de l’opinion publique. Le président a ordonné au chef de la police et à tous les policiers d’être plus sélectifs lorsqu’ils réagissaient à des signalements ou acceptaient des signalements utilisant la Loi ITE comme référence juridique. .
Les autorités indonésiennes ont utilisé la Loi ITE pour poursuivre des centaines de militant·e·s pacifiques, de professionnel·le·s des médias et de défenseur·e·s des droits humains qui critiquaient le gouvernement. La Loi ITE est formulée en des termes vagues qui sont détournés par les autorités pour traiter comme une infraction l’exercice de la liberté d’expression, de pensée, de conscience et de religion en Indonésie. Les dispositions de la Loi ITE relatives à la diffamation et à l’« incitation » sont utilisées pour sanctionner pénalement l’exercice de la liberté d’expression. Il s’agit notamment de l’article 27.3, qui santionne « la conduite de toute personne qui, intentionnellement et sans en avoir le droit, diffuse et/ou transmet et/ou rend accessibles des informations électroniques et/ou des documents électroniques contenant des insultes et/ou des propos diffamatoires ».
L’article 28.2 de la Loi ITE criminalise également « la diffusion d’informations incitant à la haine ou à l’hostilité entre certaines personnes et/ou certains groupes sur la base de l’appartenance ethnique, de la religion, de la race ou des relations entre différents groupes ».