Écrire L’Alabama s’apprête à procéder à sa troisième exécution depuis le début de l’année

Keith Gavin doit être exécuté en Alabama le 18 juillet 2024. Il a été déclaré coupable en 1999 d’un meurtre commis en 1998 et condamné à mort après que le jury s’est prononcé en faveur de cette peine par 10 voix contre deux.

En 2020, une juge fédérale a estimé que son assistance juridique lors de la phase du procès consacrée à la détermination de la peine avait été insuffisante au regard de la Constitution, mais la cour d’appel a annulé cette décision en 2022.

Le droit international dispose que toute personne passible de la peine de mort doit bénéficier d’une assistance juridique efficace à tous les stades de la procédure. Cette exigence n’a pas été respectée dans cette affaire.

Nous appelons la gouverneure de l’Alabama à commuer la condamnation à mort de Keith Gavin.

Keith Gavin, aujourd’hui âgé de 63 ans, a été reconnu coupable en 1999 du meurtre d’un livreur tué par balle dans sa camionnette le 6 mars 1998 à Centre, une ville du comté de Cherokee, en Alabama. À l’époque âgé de 37 ans, Keith Gavin a été arrêté le jour même des faits. L’arme du crime, un pistolet appartenant à son cousin, qui s’était rendu avec lui à Centre, a été retrouvée quelques jours après. Le cousin a également été inculpé du meurtre, mais ces poursuites ont par la suite été abandonnées et il a participé au procès en tant que principal témoin à charge. Ce meurtre a été rendu passible de la peine capitale en raison d’une précédente condamnation de Keith Gavin en 1982 pour un autre meurtre, dans le cadre de laquelle il était en liberté conditionnelle en 1998.

Les avocats de la défense n’ont fait intervenir que deux témoins à la barre lors de la phase de détermination de la peine, un prédicateur témoin de Jéhovah et la mère de Keith Gavin, révélant par là même leur propre manque de préparation. Quand l’un des avocats a présenté le prédicateur, qu’il n’avait rencontré qu’une fois lors d’une pause pendant la première phase du procès et avec qui il avait parlé seulement cinq minutes, il s’est trompé sur son nom devant le jury. Le prédicateur, qui avait rencontré Keith Gavin en prison et lui rendait visite une fois par semaine avant le procès, a délivré un témoignage préjudiciable indiquant que Keith Gavin « faisait porter la faute à tout le monde sauf [lui-même] », en allant même jusqu’à « rendre Dieu responsable de certaines des choses qui étaient arrivées », que « s’il était donné à Keith une chance de continuer à vivre, il [avait] le potentiel pour cultiver une relation plus profonde avec Dieu » et qu’il existait « des cas, même de nos jours, où la clémence pourrait l’emporter sur la justice froide ».

Le témoignage de la mère de l’accusé a débuté par des excuses de l’avocat de la défense : « Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de vous préparer pour votre témoignage aujourd’hui, mais je sais que vous souhaitez vous adresser à la cour et au jury pour leur faire part de vos impressions concernant Keith. » Elle a déclaré que son fils avait toujours vécu dans la foi des témoins de Jéhovah et qu’il « pourrait vraiment être une grande source d’aide pour les autres et pour notre Créateur », et elle a demandé au jury d’épargner sa vie. Après 75 minutes de délibération, le jury est revenu en recommandant une condamnation à mort par 10 voix contre deux. Le juge a accepté cette recommandation en janvier 2000.

Après le procès, les avocats qui ont défendu Keith Gavin en appel ont découvert de nombreuses circonstances atténuantes qui n’avaient pas été portées à la connaissance du jury, parmi lesquelles de multiples facteurs de risque psychologique au cours de son enfance et de son adolescence, notamment son exposition à la violence chez lui et dans son quartier. Il a grandi dans une fratrie de 12 enfants, dans un appartement délabré d’une des cités mal réputées de Chicago, et ses frères et sœurs dont il était le plus proche avaient tous des antécédents d’incarcération et de toxicomanie. Il était plus battu par son père que les autres enfants car il « assumait la responsabilité de choses qu’il n’avait pas faites parce qu’il pensait être assez fort pour supporter les coups ». En dehors du foyer, l’exposition à la violence prenait la forme d’une activité omniprésente des gangs. Sept des 12 enfants de sa fratrie ont fini par rejoindre l’un des gangs et plusieurs ont été victimes de la violence de ceux-ci.

À 17 ans, Keith Gavin a été conduit à l’hôpital après que des membres d’un gang l’ont frappé à coups de crosse de pistolet et de batte de baseball. Par ailleurs, étant donné qu’il avait passé la majeure partie de sa vie d’adulte en prison, quelqu’un a conseillé à ses avocats d’engager un spécialiste des conséquences psychologiques du placement en institution et leur en a même recommandé un, mais ils n’ont pas suivi ce conseil. En appel, ce spécialiste a souligné que les 17 années passées en prison par Keith Gavin à la suite de sa condamnation en 1982 l’avaient profondément marqué, notamment parce qu’il avait été poignardé par des membres d’un gang au début de sa détention. Son jeune âge (22 ans) au moment où il avait été emprisonné et son enfance traumatisante ont eu une influence sur son degré de désinsertion et, selon le spécialiste, alors qu’il s’était adapté à la prison au fil du temps, il lui avait été difficile de s’adapter à la vie en liberté après sa libération conditionnelle, qui avait eu lieu deux mois avant le meurtre du livreur.

Deux membres du jury ont tout de même voté en faveur d’une peine de réclusion à perpétuité plutôt qu’une condamnation à mort. Les avocats du procès en appel ont affirmé que, si le jury avait été informé « de la jeunesse [de l’accusé] dans les cités de Chicago infestées par les gangs et des violences qu’il avait subies, en plus du reste des circonstances atténuantes présentées lors des procédures qui ont suivi sa condamnation, ces deux voix en faveur de Keith Gavin auraient pu aisément devenir sept voix ou plus. »

En 2020, une juge d’une cour fédérale de district a estimé que, même en appliquant le niveau élevé de déférence avec lequel elle devait examiner le travail des avocats et les décisions des juridictions d’État, Keith Gavin avait été privé de son droit constitutionnel à une assistance juridique efficace lors de la phase de détermination de la peine, ce qui lui avait porté préjudice : « Les avocats n’étaient absolument pas préparés pour la phase du procès de M. Gavin consacrée à la détermination de sa peine », a-t-elle écrit. S’ils avaient mené les recherches nécessaires, « ils auraient pu découvrir les très nombreuses circonstances atténuantes » présentées en appel. Elle a conclu que les avocats avaient fourni un travail « insuffisant » et que, s’ils avaient soumis au jury le genre d’éléments qui ont été présentés lors des procédures qui ont suivi sa condamnation, « il aurait existé une probabilité raisonnable qu’il soit condamné à la réclusion à perpétuité au lieu de la peine de mort ».

En 2022, la cour d’appel fédérale du 11e circuit a annulé cette décision, estimant que la cour de district avait commis une erreur en ne déférant pas au jugement du tribunal de l’Alabama ayant conclu que les efforts visant à établir des circonstances atténuantes avaient été raisonnables.

Une enquête menée par les avocats ayant défendu Keith Gavin en appel a permis d’établir que le jury avait entamé prématurément la délibération sur la peine à prononcer et avait voté sur celle-ci avant même que la phase consacrée à la détermination de la peine ait commencé. La personne présidant le jury a en outre révélé que, avant le vote sur la peine, l’un des jurés avait demandé aux autres s’ils pensaient qu’il voterait différemment parce que lui et l’accusé étaient noirs tous les deux, et leur avait fait savoir qu’il allait voter en faveur d’une condamnation à mort. Chaque membre du jury a ensuite écrit son vote à la fois sur la détermination de la culpabilité et sur la peine à prononcer. Le vote a été de 10 voix à deux pour une condamnation à mort, soit le même qu’à l’issue de la phase de détermination de la peine. Les cours d’appel ont rejeté l’argument selon lequel cette délibération prématurée constituait une faute du jury.

Depuis 1976, 1 591 personnes ont été exécutées aux États-Unis, dont 74 en Alabama. Sur les neuf exécutions réalisées jusqu’à présent en 2024, deux ont eu lieu en Alabama.

Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort en toutes circonstances.

Action terminée

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