Six agents de la Direction des enquêtes criminelles ont arrêté Ronaldo Lopez Ulep à son domicile à Doha, le 7 avril 2010. Selon les informations reçues par Amnesty International, lors de deux séances d’interrogatoire qui ont eu lieu pendant les premiers mois de sa détention, des fonctionnaires lui ont infligé des brûlures de cigarette sur le dos et les jambes, lui ont fait enlever tous ses vêtements et l’ont obligé à ramper sur le sol jusqu’à ce que ses genoux soient en sang. Ils lui ont asséné des coups de poing et l’ont giflé.
Il a ensuite été maintenu à l’isolement dans les locaux de la Sûreté de l’État à Doha pendant quatre ans. Le 30 avril 2014, il a été déclaré coupable d’avoir « vendu des informations sur son employeur » par un tribunal de première instance de Doha et condamné à la réclusion à perpétuité. Son procès en appel a commencé le 26 mai 2014 et s’est déroulé sur six audiences. Certaines n’ont pas duré plus de 15 minutes et le prévenu n’a pas bénéficié des services d’un interprète.
Les autorités pénitentiaires n’ont autorisé Ronaldo Ulep à téléphoner à sa famille qu’une seule fois, malgré ses nombreuses demandes exprimées tant verbalement que par écrit. Ronaldo Ulep a en outre été empêché de façon répétée de transférer à sa famille, aux Philippines, ses économies qui se trouvent sur son compte en banque. Cela a de très lourdes conséquences pour sa famille qui manque d’argent et a besoin de ces économies pour financer l’éducation des enfants.
Deux autres ressortissants philippins ont été jugés en même temps que Ronaldo Lopez Ulep. Ils ont eux aussi fait appel. Ces deux hommes ont été arrêtés en mars et avril 2010 respectivement et auraient également été détenus à l’isolement dans les locaux de la Sûreté de l’État jusqu’à leur procès. Tous deux ont déclaré que les « aveux » présentés au tribunal leur avaient été extorqués sous la torture et au moyen d’autres mauvais traitements. Ils ont été condamnés l’un à la réclusion à perpétuité, et l’autre à la peine capitale en mai 2014. À l’issue d’une audience en appel le 31 mai 2015, le juge a ramené ces peines à 15 ans de prison et à la réclusion à perpétuité. Ces décisions ont également été confirmées par la Cour de Cassation le 2 mai 2016.
Amnesty International a écrit à deux reprises aux autorités qatariennes à propos de cette affaire – en septembre 2014 et en janvier 2015 – mais n’a jamais reçu de réponse. L’organisation en a également parlé avec l’ambassade des Philippines à Doha et à la Commission nationale des droits humains du Qatar.
Au cours des dernières années, Amnesty International a reçu un certain nombre d’informations signalant qu’au Qatar la torture et d’autres mauvais traitements sont utilisés pour contraindre des détenus à « avouer » ou à fournir des renseignements durant la période de détention précédant le procès, en particulier pendant la détention au secret aux mains d’agents de la Sûreté de l’État. Des militants qatariens ont exprimé leur inquiétude quant au fait que des agents de la Sûreté de l’État, généralement en civil, procèdent à des arrestations sans décliner leur identité et placent ensuite les personnes appréhendées dans des centres de détention gérés par la police et non par leur propre agence, visiblement dans le but de pouvoir nier toute responsabilité dans ce genre d’affaires et d’empêcher qu’on puisse critiquer leurs agissements.