Noureddine Bhiri, qui est âgé de 66 ans, est un membre dirigeant du parti Ennahdha et il a été ministre de la Justice de 2011 à 2013 au sein d’une coalition gouvernementale créée à la suite de l’éviction, le 14 janvier 2011, du président Zine el Abidine Ben Ali, au pouvoir de longue date. Noureddine Bhiri est avocat et membre permanent de l’Ordre national des avocats de Tunisie. Il avait précédemment été vice-président d’Ennahdha, le principal parti politique en Tunisie qui était majoritaire au Parlement avant sa suspension le 25 juillet 2021 par le président Kaïs Saïed, qui a invoqué des pouvoirs d’exception au titre de l’article 80 de la Constitution tunisienne. Le parti Ennahdha a critiqué la concentration des pouvoirs entre les mains du président Kaïs Saïed depuis la suspension du Parlement en juillet 2021, la qualifiant de « coup d’État ».
Les autorités ont tout particulièrement ciblé les membres d’Ennahdha, le plus grand parti d’opposition en Tunisie, et ils ont ordonné à cette formation de cesser de tenir des rassemblements dans ses locaux. Elles ont ouvert des enquêtes pénales sur au moins 21 de ses membres et dirigeants et en ont arrêté au moins 12. Le 30 octobre 2023, la cour d’appel de Tunis a condamné Rached Ghannouchi, président d’Ennahda et ancien président du Parlement dissous, à 15 mois d’emprisonnement au titre de la loi de 2015 relative à la lutte contre le terrorisme, pour des propos qu’il avait tenus publiquement.
L’arrestation de Noureddine Bhiri, le 13 février 2023, et son placement en détention subséquent découlent uniquement des propos critiques qu’il aurait, selon les affirmations des autorités, publiés le 8 janvier 2023 sur sa page Facebook personnelle, au moment d’une manifestation organisée par des membres du Front du salut national, une coalition de l’opposition.
Un membre de son équipe de défense a communiqué à Amnesty International une copie du message publié sur Facebook. La publication appelait à une « résistance pacifique au coup d’État ». Il y disait que « les gens ne doivent pas avoir peur du coup d’État et ont besoin de leadership ». De plus, Noureddine Bhiri a nié être l’auteur de ce message publié sur un réseau social. En tout état de cause, les propos tenus sur Facebook, qui ne sont plus disponibles en ligne, sont pleinement protégés par le droit international relatif aux droits humains.
Noureddine Bhiri souffre depuis longtemps de diabète et d’hypertension, et il prend normalement un traitement régulier pour ces deux problèmes de santé. Sa santé est menacée. Au titre du droit international relatif aux droits humains, et plus précisément du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, toute personne dispose des droits à la liberté d’expression et d’association et du droit à la liberté.
Noureddine Bhiri avait déjà été arrêté arbitrairement et assigné à résidence quand des hommes en civil l’avaient arrêté, avec Fathi Beldi, un ancien représentant du ministère de la Justice, le 31 décembre 2021. Les deux hommes avaient été détenus dans un endroit tenu secret pendant deux jours. Les autorités les ont ensuite assignés à résidence. Le 7 mars 2022, le ministère de l’Intérieur a levé leur assignation à résidence et les autorités tunisiennes n’ont finalement pas officiellement engagé de poursuites contre ces deux hommes.
Le 25 juillet 2021, le président Kaïs Saïed s’est octroyé des pouvoirs d’exception prévus selon lui par la Constitution tunisienne de 2014. Plus de 70 personnes, dont des opposant·e·s politiques, des avocat·e·s, des journalistes, des militant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains, ont été injustement poursuivies en justice et/ou détenues arbitrairement depuis fin 2022. En mai 2024, au moins 40 personnes se trouvaient toujours en détention arbitraire en lien avec l’exercice pacifique de leurs droits fondamentaux, notamment de leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion.
Le 15 octobre 2024, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Volker Türk a appelé le gouvernement tunisien à respecter les droits humains après une campagne présidentielle marquée par la répression de l’opposition, des militant·e·s indépendants et des journalistes.