Le procès en appel du prisonnier d’opinion Ali Salman, condamné en première instance à quatre ans d’emprisonnement à l’issue d’un procès inique, a repris.
La deuxième audience concernant Ali Salman s’est déroulée le 14 octobre devant la cour d’appel de Manama, la capitale. Le juge n’a pas accédé à la demande des avocats de la défense, qui souhaitaient diffuser des enregistrements vidéo de discours prononcés par leur client afin de démontrer que les extraits ayant servi à le condamner avaient été sortis de leur contexte. Il n’a pas motivé son refus. Les avocats de la défense ont présenté leurs plaidoiries par écrit puis oralement mais le ministère public les a interrompus sans cesse. Ali Salman a été autorisé à s’exprimer pendant 15 minutes. Il a alors nié toutes les accusations portées contre lui et déclaré qu’il tentait de susciter un changement politique et constitutionnel par des moyens pacifiques et qu’il était poursuivi en raison de ses opinions. Le juge a accordé un ajournement au ministère public afin qu’il puisse préparer sa réponse à la défense. La prochaine audience a été fixée au 12 novembre.
Lors de la première audience d’appel, le 15 septembre, le ministère public avait requis la peine maximale et demandé qu’Ali Salman soit condamné pour « incitation à promouvoir la réforme du système politique par la force, la menace ou d’autres moyens illégaux », chef dont il avait été relaxé en première instance. Le 16 juin, Ali Salman avait été condamné à deux ans de prison pour « incitation publique à la haine et au mépris envers une partie de la population dans le but de troubler l’ordre public » et « insultes publiques envers le ministre de l’Intérieur », et à deux années supplémentaires pour « appel public à enfreindre la loi ».
Des agents pénitentiaires ont empêché Ali Salman de consulter ses avocats en privé lors d’une visite qui a eu lieu début septembre, avant la première audience d’appel. Cet homme n’a pas pu recevoir de document ni prendre de notes pendant l’entretien et ses avocats n’ont pas été autorisés à faire entrer de dossier ni d’autre pièce. Ils ont finalement pu se munir de certains dossiers après que les agents les ont examinés. Le droit à la confidentialité entre un avocat et son client et le droit à des installations adaptées pour préparer sa défense sont des éléments importants du droit à un procès équitable.
Écrire Un appel inique fait suite à un procès inique

Ali Salman est le secrétaire général d’Al Wefaq [Société islamique nationale], principal parti d’opposition à Bahreïn. Il a été arrêté quelques jours après avoir été réélu sans opposition pour un quatrième mandat, le 28 décembre 2014. Il a été accusé d’avoir « incité à promouvoir la réforme du système politique par la force, la menace et d’autres moyens illégaux », « incité publiquement à la haine et au mépris envers une partie de la population dans le but de troubler l’ordre public », « appelé publiquement à enfreindre la loi » et « insulté publiquement le ministre de l’Intérieur ». Ces charges semblaient découler des déclarations qu’il avait faites en 2012 et 2014, notamment lors de l’assemblée générale de son parti, le 26 décembre dernier. Il avait alors fait référence au refus de l’opposition bahreïnite de suivre l’exemple syrien et de transformer le pays en un champ de bataille. À la même occasion, il avait affirmé que l’opposition était toujours déterminée à prendre le pouvoir à Bahreïn afin de mettre en œuvre de façon pacifique les mesures réclamées par la population lors du soulèvement de 2011 et d’amener les responsables présumés de violences à rendre des comptes. Il a également souligné le besoin d’égalité pour tous les Bahreïnites, y compris la famille régnante.
Son procès devant la quatrième haute cour criminelle à Manama s’est ouvert le 28 janvier 2015 et il a nié les accusations portées contre lui. Dès la première audience, ses avocats ont déploré auprès du tribunal le fait que les éléments de preuve à charge soient des passages de ses discours sortis de leur contexte, et ont demandé au juge de permettre la diffusion des enregistrements complets. Le juge a refusé cette demande à plusieurs reprises ainsi que la requête des avocats d’appeler des témoins à la barre. Le juge a arbitrairement interféré avec le travail de l’équipe de défense, notamment le contre-interrogatoire de témoins importants, en particulier du policier ayant effectué l’enquête sur Ali Salman, en objectant aux questions des avocats ou en les reformulant. Le droit d’interroger des témoins est un élément fondamental du droit à un procès équitable. Lors de l’audience du 20 mai, le juge a suspendu les débats au bout de quelques minutes sans permettre aux avocats de soumettre de nouveaux documents à titre de preuve. L’accusation a ajouté un complément écrit à sa plaidoirie. L’équipe de défense a demandé à lire un exemplaire de ces ajouts, en vain. Le 17 juin, soit le lendemain de la déclaration de culpabilité, elle a interjeté appel.
Les autorités bahreïnites ont emprisonné d’autres militants politiques ayant exercé leur droit à la liberté d’expression. Fadhel Abbas, secrétaire général du parti d’opposition Al Wahdawi [Assemblée démocratique nationale unitaire], a été condamné à cinq ans de prison le 28 juin 2015 pour « diffusion de fausses informations qui pourraient compromettre des opérations militaires de Bahreïn et de ses alliés et appel à la résistance » et « insultes publiques envers les pays alliés » parce que le parti politique qu’il dirige avait déclaré que les frappes aériennes lancées par l’Arabie saoudite au Yémen constituaient une violation du droit international. Amnesty International considère Fadhel Abbas comme un prisonnier d’opinion (voir l’AU 142/15, https://www.amnesty.org/fr/documents/MDE11/1962/2015/fr/).
Ebrahim Sharif, ancien secrétaire général du parti d’opposition laïc Waad [Société d’action démocratique nationale]a été arrêté le 12 juillet à cause d’un discours qu’il avait prononcé à l’occasion d’un rassemblement public et dans lequel il évoquait le besoin de réformes à Bahreïn, soulignait l’engagement de l’opposition politique en faveur de la non-violence et appelait les pouvoirs publics à introduire des réformes économiques essentielles pour éviter que la faillite ne s’aggrave. Il a été inculpé d’« incitation à la haine et au mépris à l’égard du régime » et d’« incitation à renverser le régime par la force et par des moyens illégaux ». Son procès s’est ouvert le 24 août et se poursuit. Amnesty International considère cet homme comme un prisonnier d’opinion. Pour plus d’informations, voir la mise à jour de l’AU 168/15 : https://www.amnesty.org/fr/documents/mde11/2336/2015/fr/.
Le jugement rendu à l’encontre d’Ali Salman et les procès en cours illustrent l’intolérance croissante envers la moindre critique formulée à l’égard des autorités bahreïnites, qui s’efforcent d’étouffer les demandes légitimes de réformes et de respect des droits humains.
Action terminée