Des agents des services de renseignement des gardiens de la révolution ont arrêté Ali Mojadam, Moein Khanfari, Mohammad Reza Moghadam, Salem Mousavi, Adnan Ghobeishavi et Habib Deris à leur domicile, dans la province du Khuzestan, lors de raids distincts entre octobre 2018 et le début de l’année 2019 environ. Amnesty International a reçu des informations de diverses sources indiquant que les six hommes, à la suite de leur arrestation, ont été soumis à la torture et aux mauvais traitements lors d’interrogatoires pendant qu’ils étaient détenus dans des centres gérés par les gardiens de la révolution. D’après ces sources, dont Karim Borvayeh, un Arabe ahwazi, incarcéré en même temps que plusieurs d’entre eux à la prison de Sheiban en 2019 et 2020, ils étaient maintenus à l’isolement pendant des périodes allant jusqu’à huit mois dans des centres de détention gérés par les gardiens de la révolution, où ils ont été soumis à des méthodes de torture effroyables.
Ali Mojadam a subi six semaines de torture et de mauvais traitements en vue de lui arracher des « aveux », ce qu’il a refusé jusqu’à ce que des agents des gardiens de la révolution arrêtent arbitrairement sa femme et son fils, âgé de moins de 18 ans, et menacent de les garder jusqu’à ce qu’il « avoue » tout ce qu’ils voulaient. Selon certaines sources, c’est à ce moment-là qu’Ali Mojadam a déclaré : « Apportez-moi une feuille blanche et j’écrirai tout ce que vous voulez ». Les gardiens de la révolution ont ensuite libéré sa femme et son fils, mais les ont obligés à signer un document dans lequel ils s’engageaient à ne rien dire aux médias. Ses « aveux » forcés ont ensuite été diffusés, avant son procès, en violation de la présomption d’innocence, dans une vidéo de propagande diffusée par la télévision d’État.
Ali Mojadam a été maintenu à l’isolement pendant huit mois. Il a eu les yeux bandés et a été ligoté à un lit qui se trouvait à côté d’une machine à infliger des décharges électriques. Ils ont connecté des fils à ses deux oreilles et, alors qu’il avait toujours les yeux bandés, ils ont placé sa main sur un cadran de la machine et lui ont dit de le bouger avec ses doigts, envoyant ainsi des décharges de différentes tensions dans son corps.
En janvier 2021, il s’est cousu les lèvres et a entamé une grève de la faim pour protester contre le fait d’être détenu à l’isolement, d’être privé de son droit à un procès équitable et de vivre constamment sous la menace d’une exécution. Alors qu’il était détenu au centre géré par les gardiens de la révolution après son arrestation, des agents ont attaché Habib Deris à une table avec des chaînes, lui ont mis une serviette mouillée sur le visage et l’ont soumis au « waterboarding » (simulacre de noyade) en versant de l’eau sur la serviette, le faisant suffoquer. Ils l’ont suspendu la tête en bas, lui ont plongé la tête dans un grand récipient rempli d’eau et l’ont battu si violemment à coups de câbles et de tuyaux que son corps était entièrement couvert de sang et d’ecchymoses et que sa peau se détachait. Ils lui ont administré des décharges électriques au bout des doigts et sur les mamelons. Karim Borvayeh a déclaré avoir vu des marques ressemblant à des contusions sur le front, le dos, les omoplates et les pieds de Habib Deris.
Le 6 mars 2023, le site Internet de l’autorité judiciaire, l’agence Mizan Online, a publié une déclaration annonçant que six membres d’un groupe « terroriste » appelé Harakat al Nizal, responsables selon lui de certaines « opérations armées » dans la province du Khuzestan entre 2017 et 2019, avaient été condamnés à mort par un tribunal révolutionnaire d’Ahvaz. Le communiqué désigne les six personnes comme étant Ali Mojadam, Mohammad Reza Moghadam, Moein Khanfari, Habib Deris, Adnan Ghobeishavi et Salem Mousavi, et affirme qu’ils ont mené des « opérations terroristes » dans la province du Khuzestan, au cours desquelles deux membres de la force paramilitaire Bassidj, un policier et un soldat conscrit ont été tués. Toujours selon cette déclaration, ces opérations ont été menées sur ordre des « chefs » du groupe qui vivent en Europe, dont Habib Chaab (Asyoud), enlevé en Turquie en octobre 2020 et emmené en Iran où il a par la suite été exécuté. Selon des sources informées, le procès manifestement inique des six hommes a débuté vers décembre 2021.
À plusieurs reprises, ils ont été conduits au tribunal, mais les audiences ont été annulées en raison de l’absence du juge et ils ont été ramenés à la prison. Au cours du procès, les six hommes sont revenus sur leurs « aveux » forcés et ont déclaré au président du tribunal qu’ils leur avaient été extorqués sous la torture. Cependant, celui-ci a rejeté leurs déclarations et refusé d’ordonner une enquête sur leurs allégations. Ils n’ont jamais reçu de copies des jugements rendus par le tribunal révolutionnaire les condamnant à mort ni par la Cour suprême confirmant leurs sentences et leurs peines de mort.
Ces dernières années, les autorités iraniennes ont exécuté plusieurs Arabes ahwazis à l’issue de procès manifestement iniques et entachés d’allégations de torture, parfois en secret. Étant donné le caractère irréversible de la peine capitale, les procès de personnes passibles de ce châtiment doivent respecter scrupuleusement toutes les normes internationales garantissant le droit à un procès équitable. En vertu du droit international, l’imposition de la peine de mort à l’issue d’un procès inique constitue une privation arbitraire du droit à la vie.
Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception. La peine de mort est une violation du droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.