Dans la matinée du 5 juin, le journaliste britannique Dom Phillips, qui écrit pour le journal The Guardian, et l’expert indigène brésilien Bruno Pereira, fonctionnaire accrédité de la Fondation nationale de l’Indien (FUNAI), ont été aperçus pour la dernière fois avant leur disparition sur la route reliant la communauté riveraine de São Rafael et la ville d’Atalaia do Norte, dans l’État d’Amazonas, dans le nord du Brésil.
Les deux hommes ont traversé la vallée de Javari pour aller interviewer une équipe de surveillance indigène mise sur pied afin d’assurer la protection de la réserve et la préservation de l’environnement sur ses terres.
La vallée de Javari est située à la frontière amazonienne avec le Pérou et la Colombie et elle s’étend sur 8,5 millions d’hectares de terres démarquées et représente la deuxième zone indigène homologuée la plus grande du Brésil. Cette région reculée abrite la plus grande concentration au monde de peuples indigènes ayant choisi de s’isoler, et on ne peut s’y rendre que par des petites routes et par voie fluviale. Comme d’autres régions de l’Amazonie brésilienne, la vallée de Javari est le théâtre d’intenses conflits menés par des envahisseurs liés à des entreprises minières et d’exploitation forestière illégale. De plus, cette région est aussi en proie à des conflits liés au narcotrafic, qui profite de frontières peu surveillées pour contrôler le commerce de la drogue entre les pays frontaliers.
Dans cette région, les fonctionnaires de la FUNAI, les défenseur·e·s des droits humains et les organisations non gouvernementales (ONG) sont depuis longtemps en butte à des violences et à des menaces. En 2019, Maxciel Pereira dos Santos, fonctionnaire de la FUNAI à Tabatinga, a été tué par balle. Ce meurtre n’a à ce jour toujours pas été élucidé.
Le gouvernement brésilien, dirigé par Jair Bolsonaro, est au niveau international connu pour sa politique de démantèlement de la législation relative à l’environnement et pour ses attaques contre les droits des communautés indigènes et traditionnelles. L’Articulation des peuples indigènes du Brésil a mis à jour la plainte qu’elle a déposée le 9 août 2021, qui accuse Jair Bolsonaro de génocide et de crimes contre l’humanité pour l’extermination et la persécution de communautés et d’autres agissements inhumains. Cette plainte vise des faits qui se sont produits entre janvier et mai 2022, y compris la négligence marquant les recherches concernant Bruno da Cunha Araújo Pereira et Dom Phillips et des « actes de barbarie » commis sur le territoire yanomami.
L’État brésilien a l’obligation de veiller à ce que les défenseur·e·s des droits humains, les journalistes et les fonctionnaires puissent effectuer leur travail en toute liberté et en toute sécurité. Bruno Pereira et Dom Phillips étaient connus en raison des informations qu’ils publiaient sur l’Amazonie et de leur engagement en faveur des communautés et des terres indigènes.