Mohamed el Baqer et Alaa Abdel Fattah sont détenus depuis le 29 septembre 2019 dans le cadre de l’affaire n° 1356/2019. Ils font l’objet d’une enquête pour « appartenance à un groupe terroriste », « financement d’un groupe terroriste », « diffusion de fausses informations portant atteinte à la sécurité nationale » et « utilisation des réseaux sociaux en vue de commettre une infraction liée à la publication ». Le placement en détention d’Alaa Abdel Fattah et de Mohamed el Baqer s’inscrit dans le cadre de la plus vaste campagne d’arrestations menée depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdel Fattah al Sissi, en 2014.
Le 29 mars 2019, Alaa Abdel Fattah a bénéficié d’une libération assortie d’une mise à l’épreuve après avoir purgé une peine injustifiée de cinq ans d’emprisonnement pour avoir participé à une manifestation pacifique. Cette mesure l’obligeait à passer chaque nuit 12 heures dans un poste de police pendant cinq ans. Le 29 septembre 2019, Alaa Abdel Fattah n’est pas ressorti du poste de police de Dokki, au Caire, où il passait ses nuits.
La police a indiqué à sa mère qu’il avait été conduit par des fonctionnaires de l’Agence de sécurité nationale au service du procureur général de la sûreté de l’État (SSSP). Plus tard ce jour-là, Mohamed el Baqer est entré dans le bâtiment du SSSP pour assurer sa défense. Selon leurs familles et leurs amis, le lieu de détention d’Alaa Abdel Fattah et de Mohamed el Baqer est resté inconnu jusqu’au 1er octobre 2019, date à laquelle ils ont comparu devant un juge à la prison de sécurité maximale n° 2 de Tora. Depuis leur arrestation, Mohamed el Baqer et Alaa Abdel Fattah n’ont pas le droit de recevoir des livres ni de faire de l’exercice et sont privés de radio, de matelas et d’eau chaude.
Les 20 et 21 septembre 2019, des manifestations éparses ont éclaté dans plusieurs villes d’Égypte, réclamant la démission du président Abdel Fattah al Sissi. Amnesty International a rassemblé des informations montrant que les forces de sécurité égyptiennes ont procédé à de très nombreuses arrestations de manifestant·e·s pacifiques, de journalistes, d’avocat·e·s, de défenseur·e·s des droits humains et de personnalités politiques dans le but de faire taire les critiques et d’empêcher d’autres manifestations.
Les autorités ont ordonné le placement en détention provisoire d’au moins 3 715 personnes dans l’attente des résultats d’investigations sur des charges liées au « terrorisme », dans le cadre de la plus vaste enquête pénale jamais menée à la suite de manifestations en Égypte.
En septembre 2020, des manifestations clairsemées ont eu lieu dans plusieurs villages, villes et quartiers pauvres urbains en Égypte, pour dénoncer la politique du gouvernement consistant à démolir les logements non enregistrés et la loi sur la réconciliation pour ce type de logements. Certains manifestant·e·s ont également entonné des chants contre le président Abdel Fattah al Sissi et dénoncé l’assassinat d’un homme au cours d’une opération policière dans le gouvernorat de Louxor. Les forces de sécurité égyptiennes ont utilisé du gaz lacrymogène, des matraques et, au moins une fois, des munitions réelles pour disperser les rassemblements.
Selon les informations recueillies par la Commission égyptienne des droits et des libertés et le Front égyptien pour les droits humains, deux groupes de défense des droits humains, les forces de sécurité ont arrêté 571 à 735 personnes dans 17 gouvernorats entre le 10 et le 29 septembre 2020. Toutes ces personnes ont été placées en détention dans l’attente d’enquêtes sur des charges controuvées liées au « terrorisme » et aux manifestations.
Depuis quelques mois, il est de plus en plus fréquent que le SSSP passe outre les décisions des tribunaux ou du parquet ordonnant la libération de personnes qui se trouvent en détention provisoire prolongée. Pour ce faire, il émet de nouveaux ordres de placement en détention qui concernent des charges similaires.
Outre Mohamed el Baqer, la nouvelle enquête (affaire n° 855/2020) ouverte par le SSSP met en cause d’autres prisonniers et prisonnières d’opinion, déjà en détention provisoire dans le cadre d’enquêtes distinctes sur des charges infondées liées également au « terrorisme », parmi lesquels la défenseure des droits humains Mahienour el Masry et les journalistes Solafa Magdy et Esraa Abdelfattah.
D’après les informations recueillies par Amnesty International, le parquet fonde principalement ses accusations contre ces personnes sur les dossiers d’enquête de l’Agence de sécurité nationale, que les prévenu·e·s et leurs avocat·e·s n’ont pas été autorisés à examiner.
Alaa Abdel Fattah, militant politique et opposant au gouvernement bien connu, a été arrêté à plusieurs reprises ces dernières années, notamment en raison de sa participation au soulèvement de 2011. Mohamed el Baqer est un avocat spécialisé dans la défense des droits humains. Il est le directeur du Centre Adalah pour les droits et les libertés, qu’il a fondé en 2014 et qui s’occupe de questions ayant trait à la justice pénale, au droit à l’éducation et aux droits des étudiants.