Yu Wensheng est un éminent avocat de Pékin spécialisé dans la défense des droits humains. Il a plaidé dans plusieurs affaires très médiatisées liées aux droits humains. Il a notamment défendu des pratiquants du Fa Lun Gong, ainsi que son collègue avocat défenseur des droits humains Wang Quanzhang, détenu et inculpé de « subversion de l’État » dans le cadre de la vague de répression massive qui s’est abattue à partir de juillet 2015 sur les avocats et les militants chinois.
Le 15 janvier 2018, quatre jours avant d’être emmené par la police, Yu Wensheng a reçu une lettre du Bureau de l’administration judiciaire de la municipalité de Pékin lui annonçant que son autorisation d’exercer en tant qu’avocat avait été suspendue car cela faisait plus de six mois qu’il n’avait pas été employé par un cabinet d’avocats officiellement enregistré. Il a également reçu un autre courrier de ce même bureau, datée du 12 janvier 2018, l’informant que sa demande d’ouverture d’un nouveau cabinet d’avocats avait été rejetée, au motif qu’il avait fait à plusieurs reprises des commentaires critiquant l’autorité du Parti communiste chinois et le régime de « l’état de droit socialiste » en vigueur dans le pays.
Yu Wensheng a été officiellement arrêté par le bureau de la Sécurité publique de Xuzhou (province du Jiangsu) le 19 avril 2018 pour « incitation à la subversion de l’État » et « entrave à agent dans l’exercice de ses fonctions ». Il avait été placé dans un premier temps en « résidence surveillée dans un lieu désigné », une mesure qui, dans certaines circonstances, permet aux enquêteurs de maintenir des personnes hors du système de détention officiel pendant une période pouvant aller jusqu’à six mois et s’apparente à une forme de détention au secret. N’ayant pas la possibilité de consulter un avocat de leur choix ni d’entrer en contact avec quiconque, y compris leur famille, les suspects placés sous ce régime de « résidence surveillée » risquent de subir des actes de torture et d’autres mauvais traitements.
Cette forme de détention est utilisée pour entraver les activités de défenseurs des droits humains, dont des avocats, de militants et de pratiquants de certaines religions. Les militants et les défenseurs des droits humains continuent d’être systématiquement soumis à une surveillance, à des manœuvres de harcèlement et d’intimidation, à des arrestations et à des placements en détention.
Yu Wensheng a été inculpé le 1er février 2019 et son dossier a été transféré au tribunal populaire intermédiaire de la ville de Xuzhou. Cependant, aucune notification officielle de l’inculpation et aucune des pièces du dossier n’ont été mises à la disposition de ses avocats.
Yu Wensheng a été détenu pendant 99 jours en 2014 et a plus tard déclaré à Amnesty International qu’il avait été torturé pendant cette période. Il avait été arrêté le 13 octobre 2014 par le bureau de la Sécurité publique du district de Daxing, à Pékin, après avoir exprimé son soutien aux manifestations en faveur de la démocratie à Hong Kong. Il a dit à Amnesty International qu’il avait été détenu dans le quartier des condamnés à mort pendant 61 jours et interrogé environ 200 fois.
Privé d’avocat pendant cette période de détention, il a été interrogé chaque jour par 10 agents de la Sécurité publique, en trois équipes qui se relayaient. Au début, les agents se sont contentés de l’insulter. Puis ils l’ont menotté, les mains derrière le dossier d’une chaise métallique. Les muscles et les articulations de son corps étaient complètement étirés. Selon son témoignage, deux policiers tiraient régulièrement d’un coup sec sur les menottes, ce qui le faisait hurler de douleur à chaque fois.
Yu Wensheng a été brièvement détenu de nouveau en octobre 2017, après avoir écrit une lettre ouverte dans laquelle il disait que le président Xi Jinping n’était pas à sa place à la tête de la Chine, compte tenu du durcissement de son régime « totalitaire » dans le pays. La famille et les amis de Yu Wensheng pensent qu’il est actuellement détenu en raison de cette lettre ouverte.
Le 9 juillet 2015, les autorités chinoises ont lancé une répression sans précédent contre les avocats spécialistes des droits humains et d’autres militants. Dans les semaines qui ont suivi, près de 250 avocats et militants ont été interrogés ou détenus par des agents chargés de la sûreté de l’État et, dans de nombreux cas, des perquisitions ont été effectuées à leur bureau et à leur domicile. À l’heure actuelle, 10 personnes ont été déclarées coupables de « subversion de l’État », d’« incitation à la subversion de l’État » ou d’avoir « cherché à provoquer des conflits et troublé l’ordre public ».
Deux d’entre elles sont toujours incarcérées, trois ont été condamnées à des peines d’emprisonnement avec sursis et la dernière a été « exemptée de sanction pénale » mais reste sous surveillance.