Entre le début de la répression sans précédent qui a commencé le 9 juillet 2015 contre les avocats et militants chinois et juillet 2016, au moins 248 personnes ont été interrogées ou placées en détention. Parmi les personnes détenues ou interrogées figurent des avocats spécialistes des droits humains, leur personnel, leurs associés et même des membres de leur famille. Au moins 14 avocats et militants ont été officiellement arrêtés, dont 10 pour des infractions liées à la sûreté de l’État. Trois personnes ont été inculpées pour subversion du pouvoir de l’État. Presque toutes les personnes placées en détention dans le cadre de la répression ont été privées de leur droit d’être assistées par un avocat et de recevoir la visite de leurs proches.
Zhao Wei était l’assistante de Li Heping, avocat spécialiste des droits humains exerçant à Pékin, et l’aidait pour les affaires concernant les victimes d’expulsions forcées et d’autres violations des droits humains. Zhao Wei a été placée en détention par les autorités le 10 juillet 2015, dans le cadre de la répression. L’avocat Ren Quanniu, engagé par la mère de Zhao Wei pour la représenter, n’a été informé que verbalement par un agent du bureau de la Sécurité publique du district de Hexi, à Tianjin, que Zhao Wei avait été placée en détention pour avoir « cherché à provoquer des conflits et troublé l’ordre public » fin juillet 2015. Le 22 septembre 2015, Ren Quanniu a été informé, de nouveau verbalement par un agent du bureau de la Sécurité publique du même district, que Zhao Wei avait été placée en « résidence surveillée dans un lieu désigné » car elle était soupçonnée d’« incitation à la subversion du pouvoir de l’État ».
Pendant la détention de Zhao Wei, les autorités ont rejeté toutes les demandes de visite de Ren Quanniu, affirmant que sa cliente était impliquée dans une affaire « mettant en danger la sécurité nationale » et que lui permettre de la rencontrer interférerait avec l’enquête. La mère de Zhao Wei et Ren Quanniu n’ont été informés par les autorités chargées de la sécurité publique que le 11 janvier que Zhao Wei avait été officiellement arrêtée le 8 janvier pour « subversion du pouvoir de l’État » et qu’elle avait été placée au centre de détention municipal n° 1 de Tianjin.
Ren Quanniu s’est de nouveau rendu au centre de détention n° 1 de Tianjin le 28 janvier pour essayer de rencontrer Zhao Wei, mais il a été informé qu’elle avait engagé un autre avocat et qu’il n’était par conséquent plus autorisé à la représenter. La mère de Zhao Wei a nié ces affirmations. Ren Quanniu a également découvert que le bureau de la Sécurité publique de Tianjin était en charge de l’affaire de Zhao Wei. Ce même jour, il a engagé une procédure judiciaire contre ce bureau qui l’avait empêché, selon lui, de mener librement ses activités en tant qu’avocat de Zhao Wei, mais il n’a reçu aucune réponse du parquet avant sa détention.
Amnesty International a constaté qu’il est courant que les autorités chinoises changent les avocats des défenseurs des droits humains en détention. Soit les détenus sont forcés à se séparer de leurs avocats, soit les autorités prétendent les avoir retirés des affaires concernées, afin que ces personnes soient représentées par des avocats commis d’office. Dans certains cas, celles-ci sont tout simplement privées de la possibilité de consulter un avocat.
Le 8 juillet, le ministère de la Sécurité publique a publié sur son site Internet un article intitulé « Les avocats qui répandent des rumeurs doivent être sanctionnés ». Cet article a paru un jour seulement après l’annonce de la libération sous caution de Zhao Wei. Après le 7 juillet, quelques messages ont été publiés sur le compte Weibo de Zhao Wei, notamment un dans lequel elle se disait choquée d’apprendre que Ren Quanniu avait répandu la rumeur selon laquelle elle avait été harcelée sexuellement.
On ignore cependant où se trouve Zhao Wei. Un message sur son compte Weibo, dans lequel elle remerciait les personnes l’ayant soutenue et les « nombreux policiers en uniforme qui ont travaillé sur son affaire et l’ont aidée en toute sincérité », a éveillé les soupçons ; il pourrait avoir été dicté, voire directement envoyé par la police. Le 10 juillet, Zhao Wei s’est entretenue au téléphone avec le journal South China Morning Post (SCMP) et a réitéré les messages publiés sur son compte Weibo. Le SCMP a cependant indiqué qu’il n’avait pas pu déterminer où Zhao Wei se trouvait, ni si elle était sous surveillance au moment de l’entretien et qu’elle avait refusé leur demande d’entretien en personne.
Son mari, qui n’a pas pu la voir ni lui parler depuis sa libération sous caution présumée, a indiqué au SCMP qu’il ne croyait pas qu’elle était réellement l’auteure de ces messages et qu’il pensait qu’elle avait été forcée à les envoyer. Le 13 juillet, Ji Huiyun, une avocate affirmant être chargée de la défense de Zhao Wei, a publié sur son compte Weibo la photo d’une lettre manuscrite dans laquelle sa cliente l’autorisait à intenter une action civile contre Ren Quanniu pour diffamation en rapport avec les « fausses » informations selon lesquelles elle aurait été victime de harcèlement sexuel pendant sa détention.