Écrire Une avocate détenue arbitrairement est privée de soins de santé

Hoda Abdelmoniem, une avocate égyptienne spécialiste des droits humains détenue arbitrairement, est en cours de jugement devant une cour de sûreté de l’État sur la base de charges forgées de toutes pièces, liées à ses activités de défense des droits humains.

Le 11 octobre 2021, lors d’une audience devant la cour, Hoda Abdelmoniem a dit au juge et à sa famille qu’elle souffrait de troubles cardiaques et avait besoin d’un cathétérisme cardiaque, mais que l’administration pénitentiaire refusait de la transférer dans un hôpital extérieur pour qu’elle y soit prise en charge.

Le 1er novembre 2018 au Caire, à 1 h 30 du matin, des membres de l’Agence de sécurité nationale ont fait irruption chez Hoda Abdelmoniem, 63 ans, ont mis son domicile à sac, puis l’ont emmenée avec eux après lui avoir bandé les yeux. Elle a été soumise à une disparition forcée pendant les trois semaines qui ont suivi son arrestation, puis a été emmenée dans les locaux du service du procureur général de la sûreté de l’État aux fins d’interrogatoire. On l’a ensuite ramenée vers un lieu de détention inconnu. Sa famille a pu la voir brièvement les 24 et 28 novembre 2018, dans le service du procureur général de la sûreté de l’État. Hoda Abdelmoniem a de nouveau fait l’objet d’une disparition forcée entre le 2 décembre 2018 et le 14 janvier 2019, les autorités refusant de révéler à ses proches et à ses avocats le lieu où elle était détenue.

Le jour où Hoda Abdelmoniem a été appréhendée, le 1er novembre 2018, les autorités égyptiennes ont lancé une série de descentes de police, arrêtant au moins 31 défenseur.e.s des droits humains et avocat.e.s spécialistes de ces droits (10 femmes et 21 hommes). La Coordination égyptienne pour les droits et les libertés (ECRF), qui recueille des informations sur les disparitions forcées et le recours à la peine de mort, et apporte une aide juridique aux victimes de violations des droits humains, a été particulièrement visée par ces mesures de répression. Dans une déclaration publiée le 1er novembre 2018 et annonçant la suspension de ses activités en faveur des droits humains, l’ECRF a indiqué que la situation en Égypte était incompatible avec la défense des droits humains et a réclamé l’intervention du Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

Le 30 novembre 2020, les proches de Hoda Abdelmoniem ont appris par des membres de la famille de codétenues qu’elle avait été emmenée à l’hôpital de la prison, puis transférée dans un hôpital externe, en raison de douleurs intenses. Ses proches n’ont pas été autorisés par les autorités pénitentiaires à consulter son dossier médical et ne connaissent donc pas la nature exacte de ses problèmes de santé, mais des familles d’autres détenues les ont informés qu’un des reins de Hoda Abdelmoinem ne fonctionnait plus et que l’autre était déficient. Le 1er décembre 2020, le ministère de l’Intérieur a déclaré publiquement qu’elle avait bénéficié de soins médicaux et qu’elle n’avait pas de problèmes de santé graves.

Le 23 août 2021, le service du procureur général de la sûreté de l’État a renvoyé Hoda Abdelmoniem, Ezzat Ghoniem, défenseur des droits humains et fondateur de l’ECRF, ainsi qu’Aisha al Shater, Mohamed Abu Horira et 27 autres personnes devant une cour de sûreté de l’État. La cour les a inculpés de diverses charges, notamment d’appartenance à un groupe terroriste (les Frères musulmans), de diffusion de fausses informations sur des violations des droits humains imputées aux forces de sécurité, via une page Facebook intitulée « Coordination égyptienne pour les droits et les libertés », de financement d’un groupe terroriste et de détention de brochures visant à promouvoir les objectifs dudit groupe terroriste.

Le 25 octobre 2021, le président Abdel Fattah al Sissi a annoncé qu’il ne prolongerait pas l’état d’urgence, en vigueur depuis 2017, qui avait permis la création des cours de sûreté de l’État. L’article 19 de la Loi relative à l’état d’urgence prévoit que les procès en cours se poursuivront même après la levée de ce régime d’exception. Au cours des trois mois précédant l’annonce de la levée de l’état d’urgence, les autorités égyptiennes ont déféré au moins 20 défenseur·e·s des droits humains, militant·e·s et opposant·e·s politiques devant des tribunaux d’exception.

Parmi les personnes actuellement jugées par les cours de sûreté de l’État figurent Abdelmoniem Aboulfotoh, ancien candidat à la présidentielle pour le parti Masr al Qawiya (« Égypte forte »), et Mohamed al Kassas, vice-président de ce parti. Le 17 novembre 2021, trois hommes politiques, Zyad el Elaimy, Hossam Moanis et Hisham Fouad, ont été condamnés à des peines de trois à cinq ans d’emprisonnement à l’issue d’un procès inique devant un tribunal d’exception, uniquement pour avoir critiqué le bilan de l’Égypte en matière de droits humains, de politique économique et de niveau de vie.

Les procédures qui se déroulent devant les cours de sûreté de l’État sont intrinsèquement iniques. Les personnes condamnées se voient dénier le droit de faire appel de la déclaration de culpabilité et de la peine devant une juridiction supérieure. Seul le président égyptien est habilité à confirmer, annuler ou commuer les peines prononcées par ces juridictions, ou à ordonner la tenue d’un nouveau procès. Parmi les autres violations du droit à un procès équitable recensées figurent le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, le droit de communiquer avec l’avocat de son choix et le droit à une audience publique.

Par ailleurs, les juges des cours de sûreté de l’État rejettent régulièrement les requêtes formées par les avocats de la défense en vue d’obtenir une copie des dossiers, qui dans certains cas font plus de 2 000 pages, et leur donnent pour instruction d’examiner ces dossiers devant la cour. Les procureurs et les juges s’abstiennent également de remettre une copie de l’acte d’accusation aux personnes poursuivies et à leurs conseils, portant atteinte à leur droit d’être informés de la nature et des motifs de l’accusation.

Hoda Abdelmoniem a travaillé comme consultante bénévole pour l’ECRF et recueillait des informations sur des violations des droits humains, y compris des disparitions forcées. Elle a été membre du Conseil national des droits humains et du Barreau égyptien. Elle faisait l’objet d’une interdiction de se rendre à l’étranger depuis fin 2013, sans avoir été inculpée. Le 27 novembre 2020, le Conseil des barreaux européens a décerné son Prix des droits humains 2020 à Hoda Abdelmoneim et à six autres avocat.es détenus en Égypte.

Action terminée

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit