Avocate, Sonia Dahmani est aussi une personnalité médiatique qui apparaît fréquemment dans des émissions de radio et de télévision, telles que Émission Impossible sur IFM Radio et Denya Zina sur Carthage+. Elle fait l’objet d’investigations dans le cadre de deux autres affaires distinctes pour des propos publics critiques à l’égard des autorités. En novembre 2023, elle a été convoquée par un juge d’instruction à la suite d’une plainte sur la base de l’article 24 du Décret-loi n° 54 déposée par la Direction générale des prisons, après avoir critiqué les conditions de détention carcérale pendant une émission radio. Dans le cadre d’une autre affaire, elle a été convoquée par un juge d’instruction en janvier 2024 à la suite d’une plainte déposée par la ministre de la Justice Leila Jaffel.
Au lendemain de l’arrestation de Sonia Dahmani le 11 mai, deux journalistes ayant participé avec elle à la même émission de radio ont également été arrêtés. Ils font aussi l’objet d’une enquête au sujet de propos publics critiques à l’égard des autorités et un juge d’instruction a ordonné leur détention provisoire. Le 13 mai, les représentants juridiques de deux stations de radio et d’une chaîne de télévision privées – IFM, Diwan FM et Carthage+ – ont été convoqués par les autorités judiciaires pour interrogatoire et, selon leurs avocats, ont été interrogés au sujet du travail de leurs journalistes et de questions d’ordre général.
Après l’arrestation de Sonia Dahmani, l’Ordre national des avocats de Tunisie (ONAT) a annoncé une grève le 13 mai pour protester contre l’arrestation arbitraire de leur collègue. Les autorités françaises et l’Union européenne ont déjà fait part de leurs inquiétudes quant à la dernière vague d’arrestations ciblant des membres d’organisations de la société civile et des journalistes, dont Sonia Dahmani.
Depuis la promulgation du Décret-loi n° 54 le 13 septembre 2022, les autorités s’en prennent de plus en plus aux personnes qui exercent leur droit à la liberté d’expression, invoquant fréquemment cette nouvelle loi draconienne sur la cybercriminalité. Au moins 22 personnes, dont des avocat·e·s, des journalistes, des blogueurs·euses et des militant·e·s politiques, ont été convoquées pour interrogatoire, poursuivies ou condamnées en lien avec des propos publics perçus comme critiques à l’égard des autorités, dont au moins 13 d’entre elles sur la base de la loi sur la cybercriminalité et, dans la plupart des cas, à la suite de plaintes déposées par le gouvernement.
Le Décret-loi n° 54 va à l’encontre des traités relatifs aux droits humains, notamment des dispositions de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auxquels la Tunisie est partie. L’article 9 de la Charte et l’article 19 du PIDCP garantissent le droit à la liberté d’expression. Les restrictions imposées aux droits sur la base de termes ambigus et très généraux tels que « fausses nouvelles », tout comme les dispositions répressives de la loi sur la cybercriminalité, ne répondent pas aux exigences de légalité, de nécessité et de proportionnalité.
Depuis qu’il s’est emparé du pouvoir le 25 juillet 2021, le président Kaïs Saïed a invoqué des pouvoirs d’exception, affirmant qu’ils lui sont conférés par la Constitution tunisienne de 2014.
Depuis février 2023, la situation des droits humains en Tunisie se dégrade rapidement : des figures de l’opposition, des dissident·e·s, des personnes perçues comme des ennemis du président et des détracteurs du gouvernement sont pris pour cibles et harcelés.
La répression visant l’opposition et les détracteurs constitue une attaque flagrante contre l’état de droit et les droits fondamentaux, notamment les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique en Tunisie, garantis par les articles 19, 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et par les articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.