Deux avocats ukrainiens font l’objet de pressions soutenues exercées par les autorités ukrainiennes et liées à une affaire très médiatisée et fortement politisée sur laquelle ils travaillent actuellement. L’un d’entre eux a disparu le 6 mars dans des circonstances suspectes.
Oksana Sokolovskaya et Youri Grabovski sont avocats de la défense dans une affaire très médiatisée et fortement politisée depuis 2015. Ils ont à plusieurs reprises parlé publiquement des manœuvres de harcèlement et d’intimidation qu’ils subissent de la part des autorités ukrainiennes qui tentent ainsi, selon eux, de les empêcher de défendre efficacement leurs clients.
Youri Grabovski a été vu pour la dernière fois dans son cabinet à Kiev dans la soirée du 6 mars. Il a pris dans son coffre-fort des documents relatifs à cette affaire puis il a quitté son cabinet en compagnie d’un inconnu. Le 3 mars, il avait expliqué sur sa page Facebook qu’il s’attendait à ce que les autorités les harcèlent encore et « détruisent toutes les preuves dont nous disposons et intimident tous les avocats qui "osent aller à l’encontre de la volonté" du système ». Au moment de sa disparition, des messages ne lui ressemblant pas sont apparus sur sa page Facebook, notamment un message publié le 9 mars disant qu’il avait quitté l’Ukraine contre son gré, parce qu’il était inquiet pour sa sécurité. Les autorités ont depuis confirmé qu’il n’a pas traversé les frontières du pays à un poste de contrôle officiel. Une enquête pénale a été ouverte sur sa disparition par les services de police d’Holoseïevskyi à Kiev le 10 mars, mais elle a ensuite été transférée de façon inattendue au procureur militaire en chef (la section des services du procureur général chargée des crimes commis par l’armée et les services de sécurité). Le 20 mars, le procureur militaire en chef a annoncé qu’une personne avait été arrêtée en lien avec la disparition de l’avocat et qu’elle est actuellement interrogée, mais il n’a pas donné d’autres détails.
Oksana Sokolovskaya a commencé à travailler sur cette affaire en mai 2015, et un mois plus tard des poursuites pénales ont été engagées contre elles ; elle a été accusée d’avoir causé de graves blessures lors d’une querelle domestique remontant à juillet 2014. Les services du procureur de Kiev ont dans un premier temps demandé qu’elle soit placée en détention durant 60 jours au motif qu’il fallait l’empêcher de s’enfuir ou d’influencer des témoins. Le juge a rejeté cette requête mais le procureur a fait appel. L’audience d’appel a été fixée au 23 mars. Oksana Sokolovskaya affirme que cette affaire a été montée de toutes pièces et vise à l’empêcher de mener ses activités légitimes de défense de son client. À la suite de la disparition de Youri Grabovski, Oksana Sokolovskaya a demandé aux autorités de bénéficier d’un programme de protection officiel. Sa demande de protection par les services de l’État a été acceptée le 21 mars par décision de justice, mais jusqu’à présent aucun garde du corps n’a été affecté à cette tâche et aucune autre mesure n’a été prise pour assurer sa protection.