Écrire Un blogueur condamné à 10 ans de prison

Après plus de 16 mois de détention provisoire, le blogueur algérien Merzoug Touati a été condamné à 10 ans de prison pour des publications pacifiques en ligne. La cour d’appel de Bejaïa examinera ce jugement le 21 juin. Merzoug Touati est un prisonnier d’opinion.

Le 24 mai, le tribunal de première instance de Bejaïa a condamné le blogueur algérien Merzoug Touati à 10 ans de prison et à une amende de 50 000 dinars algériens (environ 370 euros) pour de fausses accusations fondées uniquement sur des publications en ligne. Il a été condamné pour « incitation à un attroupement non armé », « intelligence avec une puissance étrangère dans le but de nuire aux relations diplomatiques » et « incitation à des rassemblements et des sit-ins dans des lieux publics ». Le chef d’« incitation à prendre les armes contre l’autorité de l’État », qui aurait pu lui valoir une condamnation à mort, a été abandonné. La cour d’appel de Bejaïa réexaminera sa condamnation le 21 juin, et pourrait réintroduire ce dernier chef d’inculpation.

Merzoug Touati, en détention provisoire depuis le 22 janvier 2017, se trouve actuellement à la prison d’Oued-Ghir, à Béjaïa, une ville du nord du pays. Les autorités l’ont accusé d’incitation à la violence et d’espionnage en lien avec une publication sur Facebook et un entretien vidéo qu’il avait enregistré.

La détention de Merzoug Touati a été prolongée à deux reprises pour une durée de quatre mois, la deuxième prolongation ayant expiré le 22 janvier 2018. Il a été maintenu en détention, lors même que le juge d’instruction n’a pas ordonné de renouvellement depuis lors. Merzoug Touati a observé au moins sept grèves de la faim pour protester contre le prolongement de sa détention. Selon son avocat, les gardiens de la prison l’ont empêché de dormir durant ses grèves de la faim en entrant dans sa cellule plusieurs fois par nuit. Il a récemment été transféré dans une nouvelle cellule, surpeuplée, où il a dû dormir par terre car il n’a ni lit ni matelas, contrairement à ses codétenus.

Diplômé de l’université, Merzoug Touati était au chômage au moment de son interpellation. Il n’était affilié à aucun parti politique ni à aucune association. En 2015, il a commencé à gérer une page Facebook et le blog Alhogra.com, supprimé depuis. Ses sujets de prédilection étaient la situation politique et les droits humains en Algérie. Cet homme est un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exprimé ses opinions de façon pacifique.

Merzoug Touati est un journaliste citoyen, rédacteur du blog Alhogra.com, qui commentait régulièrement l’actualité politique et la situation des droits humains sur son blog et sur Facebook. Le blog avait de nombreux lecteurs et comptabilisait plus de 20 000 « J’aime » sur Facebook, avant d’être supprimé par les autorités après son arrestation. Dans ses dernières publications, il abordait la question des violences communautaires à Ghardaïa, des droits culturels des Amazighs et des élections législatives.

La police a perquisitionné son domicile, saisi son ordinateur et l’a arrêté à Bejaïa, en Kabylie, le 18 janvier 2017, après qu’il a publié un message sur Facebook et un entretien vdéo sur sa chaîne YouTube, qui n’incluaient pas d’appels à la violence, mais critiquaient les manœuvres des autorités visant à écraser la dissidence.
Dans son premier message publié le 2 janvier 2017, il appelait les habitants de Béjaïa à manifester contre la nouvelle loi de finances.

Dans sa vidéo postée sur YouTube le 8 janvier 2017, Merzoug Touati interviewait en téléconférence un porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, qui niait toute implication des autorités israéliennes dans les manifestations en Algérie – contrairement aux allégations des autorités algériennes. Cela contredisait l’accusation récurrente faite par les autorités algériennes qui prétendent que les émeutes contre les mesures d’austérité en Algérie sont manipulées par des gouvenements étrangers, notamment Israël. Dans la même interview, le porte-parole israélien a révélé des contacts entre représentants israéliens et algériens jusqu’à la guerre israélienne contre Gaza en 2000.

Durant son interrogatoire, Merzoug Touati a déclaré au juge d’instruction que les entretiens qu’il a menés avec des diplomates, des défenseurs des droits humains et des militants de différents milieux religieux et politiques étaient uniquement destinés à se documenter pour ses articles en ligne, en vue d’éclairer l’opinion publique.
Amnesty International a examiné les pièces judiciaires qui répertorient à titre de seules « preuves » les commentaires publiés par Merzoug Touati avant que son compte Facebook et son site Internet ne soient supprimés. Elle a conclu qu’ils ne contenaient ni incitation à la violence ni appel à la haine. Son avocat, Salah Dabouz, a déclaré à Amnesty International que « les faits sur lesquels le tribunal de première instance a fondé son jugement n’ont aucun lien avec les accusations portées contre lui ».

Amnesty International considère Merzoug Touati comme un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exprimé ses opinions pacifiques.
Pour en savoir plus : https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2018/05/algeria-blogger-facing-death-penalty-for-online-posts/ et https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2018/05/algeria-blogger-sentenced-to-10-years-for-online-posts/.

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