Selon le diagnostic initial, posé en 2004, Muawiya al Ruwahi était atteint d’un trouble de la personnalité et les rapports médicaux ultérieurs, rédigés par des médecins de l’hôpital universitaire omanais Sultan Qabous ont confirmé qu’il souffrait de troubles bipolaires.
Muawiya al Ruwahi suit un traitement pour ces troubles, qui se caractérisent par des périodes d’euphorie alternant avec des périodes de dépression. Son dossier médical a été envoyé aux autorités émiriennes.
Au bout d’un mois de détention, Muawiya al Ruwahi a pu passer plusieurs appels téléphoniques à sa famille, notamment à sa mère vers la fin du mois de mars 2015. Il avait indiqué auparavant à sa famille qu’il recevait son traitement régulièrement et que les autorités émiriennes avaient connaissance de ses problèmes de santé mentale. Le père de Muawiya al Ruwahi a fait savoir sur sa page Facebook que son fils avait reçu, en prison, la visite de diplomates omanais et du procureur général des Émirats arabes unis le 11 juin 2015. Les diplomates avaient pu s’entretenir avec lui en privé.
Muawiya al Ruwahi avait été arrêté plusieurs fois à Oman. Il avait été convoqué en février 2012 au siège de la Sûreté de l’État d’Oman après avoir critiqué le chef de l’État omanais, le sultan Qabous, sur son blog.
Il a été détenu dans un hôpital psychiatrique pendant une semaine avant d’être relâché sans inculpation. Le 12 juillet 2014, il avait été arrêté parce qu’il avait de nouveau critiqué les autorités omanaises sur son blog. Détenu principalement dans des établissements psychiatriques, il avait été remis en liberté sans inculpation le 11 août 2014.
À l’ouverture de son procès devant la Chambre de sûreté de l’État de la Cour suprême fédérale, le 14 septembre, il a demandé à la cour d’ordonner pour lui un bilan médical, de lui permettre d’avoir accès à ses médicaments (dont il disait être privé depuis deux mois) et de le faire hospitaliser. Il a expliqué à la cour : « Je suis suicidaire et j’ai besoin de soins médicaux pour empêcher que je ne fasse une autre tentative de suicide. » Par le passé, Amnesty International s’est déclarée préoccupée par le fait que les procès devant cette juridiction étaient intrinsèquement iniques parce que ses décisions n’étaient pas susceptibles d’appel, ce qui signifie que toute personne reconnue coupable à tort ne dispose d’aucun recours juridique.
Depuis 2012, les autorités émiriennes ont arrêté des centaines de personnes, y compris des étrangers, pour des atteintes à la sûreté de l’État ou pour « outrage » aux dirigeants des Émirats arabes unis ou à d’autres représentants des autorités. Beaucoup ont été victimes d’une disparition forcée ; elles ont été incarcérées dans des centres de détention secrets et les autorités ont refusé de reconnaître leur détention ou de révéler ce qu’il était advenu d’elles et où elles se trouvaient, les soustrayant ainsi à la protection de la loi. Un grand nombre de ceux qui ont été arrêtés ont affirmé avoir été torturés ou soumis à d’autres formes de mauvais traitements au cours des interrogatoires dans ces centres de détention secrets. La disparition forcée est un crime au regard du droit international.
Aux Émirats arabes unis, la torture et les autres formes de mauvais traitements sont souvent utilisées dans de telles circonstances pour arracher des « aveux » qui sont par la suite produits devant les tribunaux pour prononcer des condamnations à l’issue de procès iniques, même quand l’accusé se rétracte. Parmi les méthodes de torture décrites par les accusés, on peut citer : gifles et coups de poing au visage ; arrachement des ongles ; suspension la tête en bas pendant des heures ; décharges électriques administrées à différents endroits du corps ; maintien dans une position douloureuse pendant des heures et menaces de viol, de mort ou d’infection par le VIH. Le gouvernement n’a pas mis en œuvre la recommandation formulée en février 2014 par la rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats en vue de la mise en place d’une commission d’experts indépendante chargée d’enquêter sur les allégations de torture.
Aux termes du droit international relatif aux droits humains, le fait de critiquer, d’insulter ou de tourner en dérision des fonctionnaires ou d’autres représentants de l’État ne constitue pas un motif légitime pour restreindre la liberté d’expression. Les représentants des pouvoirs publics peuvent légitimement faire l’objet de critiques ou d’une opposition politique, et les États ne doivent pas interdire de critiquer ces derniers ou les institutions publiques, car il s’agit de l’exercice légitime du droit à la liberté d’expression.