Écrire Des centaines de personnes risquent une expulsion forcée imminente

Des centaines d’habitants de quartiers situés dans l’arrondissement de Sur (département de Diyarbakır, sud-est de la Turquie) risquent une expulsion forcée imminente. Cela fait maintenant plus d’un mois que leur approvisionnement en eau et en électricité a été coupé, dans le but manifeste de les contraindre à partir. Ces personnes n’ont pas été dûment consultées ni indemnisées.

Des centaines d’habitants des quartiers d’Alipaşa et de Lalebey, dans l’arrondissement de Sur (département de Diyarbakır, sud-est de la Turquie), risquent une expulsion forcée imminente. À partir du 23 mai, et pendant le mois de jeûne du ramadan, l’approvisionnement en eau et en électricité de leurs foyers a été coupé, le but étant manifestement de les contraindre à quitter les lieux.

Entre décembre 2015 et mars 2016, des parties de l’arrondissement de Sur ont été soumises à un couvre-feu 24 heures sur 24 dans le contexte d’affrontements armés entre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et les forces de sécurité de l’État. Des dizaines de milliers d’habitants ont été déplacés et beaucoup d’entre eux n’ont pas encore pu rentrer. Les habitants d’Alipaşa et de Lalebey ont regagné leurs foyers après avoir été déplacés pendant des périodes allant jusqu’à six mois.

En mars 2016, un arrêté d’expropriation concernant les 16 quartiers de l’arrondissement de Sur a été émis, dans le cadre d’un projet de réaménagement affectant tout l’arrondissement. En décembre, les habitants ont commencé à recevoir des avis d’expulsion exigeant qu’ils quittent leurs foyers dans un délai d’une semaine. Toutefois, la plupart d’entre eux sont restés. Des avocats et des habitants ont déclaré à Amnesty International qu’ils avaient été informés oralement que les démolitions commenceraient en avril 2017. À la fin du mois d’avril, des habitants ont signalé avoir entendu des annonces, passées par haut-parleur depuis des mosquées, qui exigeaient qu’ils évacuent leurs maisons dans un délai de sept jours. Le 23 mai, l’approvisionnement en eau et en électricité a été coupé et la démolition partielle des maisons déjà évacuées a commencé.

Les habitants ont dit à Amnesty International qu’ils n’avaient pas été véritablement consultés à propos des projets et qu’on ne leur avait pas proposé de solution de relogement ni d’indemnisation adaptée. Tous les habitants ont exprimé de vives inquiétudes et une profonde angoisse face à l’incertitude de leur avenir, tout en formulant le souhait de rester dans leurs quartiers, où ils ont de solides liens sociaux et familiaux, d’autant qu’ils dépendent de la région pour leurs moyens de subsistance et l’éducation de leurs enfants.

Les autorités turques sont tenues de veiller à ce que nul ne soit chassé de chez lui contre son gré et à ce qu’il ne soit procédé à des expulsions qu’en dernier ressort et uniquement dans le plein respect du droit international relatif aux droits humains et des normes internationales en la matière, notamment du droit au retour des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays. En vertu du droit international, il est également interdit de couper arbitrairement l’approvisionnement en eau et en électricité pour forcer des personnes à quitter leur domicile.

En janvier 2016, dans le contexte d’affrontements armés, un couvre-feu a été imposé 24 heures sur 24 dans les quartiers d’Alipaşa et de Lalebey, pendant une semaine. Presque tous les habitants ont quitté leurs maisons pendant cette période, la plupart d’entre eux revenant au bout d’un à six mois. En mars 2016, alors que le couvre-feu avait pris fin dans d’autres parties de l’arrondissement, les autorités ont émis un arrêté d’expropriation concernant 16 quartiers, dont Alipaşa et Lalebey, après avoir annoncé que les bâtiments de l’arrondissement de Sur seraient démolis dans le cadre d’un projet de réaménagement urbain.

Des dizaines d’habitants ont indiqué à Amnesty International qu’ils n’avaient pas été consultés au sujet des projets de réaménagement, d’éventuelles solutions de relogement ou du niveau de l’indemnisation qu’ils recevraient. Les propriétaires disposant de titres de propriété ont déclaré que des fonds avaient été déposés sur leurs comptes bancaires sans leur accord, et que le montant était totalement insuffisant pour compenser la perte de leur domicile et de leurs biens. Les locataires et les personnes ne disposant pas de titres de propriété ont indiqué qu’ils n’avaient rien reçu et qu’on ne leur avait pas proposé de solution de relogement. Les avis d’expulsion reçus en décembre par les habitants, dont la très grande majorité d’entre eux n’a pas tenu compte, leur donnaient sept jours pour quitter leur domicile. Après l’envoi des avis aux habitants, les autorités ont informé ceux-ci oralement que les démolitions commenceraient après le référendum d’avril 2017.

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] a souligné, dans son Observation générale n° 7, que les expulsions forcées ne doivent être effectuées qu’en dernier ressort, après examen de toutes les autres solutions envisageables lors d’une véritable consultation avec les intéressés. Tous les groupes et personnes susceptibles d’être touchés, notamment les femmes, les personnes handicapées, ainsi que les personnes qui les aident, ont le droit d’obtenir des informations pertinentes, d’être réellement consultés et de participer pleinement à l’ensemble du processus. Ils ont aussi le droit de proposer d’autres solutions envisageables, que les autorités doivent dûment prendre en considération.

Même lorsqu’une expulsion est considérée comme justifiée, elle ne peut être effectuée que si des garanties de procédure adaptées ont été mises en place et si une indemnisation pour toutes les pertes occasionnées et une solution de relogement convenable sont offertes aux personnes concernées. En vertu du droit international, il est interdit de recourir aux expulsions forcées et aux démolitions de maisons à titre de mesure punitive envers des personnes n’ayant pas le statut de résident, ou tout autre statut. Les États sont tenus de ne pas limiter l’accès aux services d’eau à titre de mesure punitive ; couper arbitrairement l’accès à ces services s’apparente à une violation des droits humains.

Les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays [ONU] ont été élaborés en 1992 par le représentant spécial du secrétaire général pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays [ONU], sur la base des normes existantes en droit international, pour répondre aux besoins spécifiques des personnes déplacées. En vertu de ces principes, les personnes ne doivent pas être soumises à des déplacements arbitraires, et le déplacement ne doit pas durer plus longtemps que ne l’exigent les circonstances (Principe 6).

Les autorités doivent assurer des services de logement aux personnes déplacées et veiller à ce qu’elles aient un niveau de vie suffisant (Principe 18). Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété et de ses possessions, et la propriété et les possessions laissées par les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays au moment de leur départ doivent être protégées contre la destruction, ainsi que l’appropriation, l’occupation ou l’utilisation arbitraires et illégales (Principe 21).

En vertu des Principes de base et directives concernant les expulsions et les déplacements liés au développement [ONU], les États doivent procéder à des évaluations d’impact avant de lancer un quelconque projet qui pourrait aboutir à une expulsion et à un déplacement. Ces évaluations doivent fournir des informations sur la zone concernée, les personnes touchées, y compris des renseignements sur leurs liens avec le lieu (par exemple, leurs activités génératrices de revenus), les services publics disponibles dans la zone concernée, etc.

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